Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et Mme H... F... et M. D... et Mme G... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le permis de construire modificatif du 25 juin 2018 par lequel le maire de Noirmoutier-en-l'Île a autorisé M. E... B... à créer deux châssis de toit sur une construction édifiée sur un terrain cadastré section BI n° 1007, ainsi que la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1811061 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 mars 2022 et 26 août 2022 et un mémoire, enregistré 21 octobre 2022, non communiqué M. et Mme A... et H... F... et M. et Mme D... et G... C..., représentés par Me Viaud, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2018 du maire de Noirmoutier-en-l'Ile ainsi que la décision du 24 septembre 2018 de ce maire rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Noirmoutier-en-l'Ile la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué rejetant comme irrecevable leur demande pour défaut d'intérêt à agir est entaché d'irrégularité ;
- la décision contestée méconnaît l'article UB 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme en ce que les percements autorisés constituent eu égard à leurs dimensions, non des fenêtres de toits de dimension marginale, mais des verrières ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du règlement du secteur urbain du site patrimonial remarquable (SPR) relatives aux ouvertures, aux menuiseries et aux toitures ;
- la décision contestée méconnaît le document " Habiter l'Ile de Noirmoutier - une île en héritage " en ce qu'il interdit les fenêtres de toit ;
- les modifications que le permis modificatif autorise sont ambigües en ce qu'il régularise des modifications non autorisées par le permis de construire initial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, la commune de Noirmoutier-en-l'Île, représentée par Me Vic, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les époux F... ne justifient pas d'un intérêt à contester le permis de construire modificatif dès lors que les châssis de toit autorisés par la décision litigieuse ne sont pas de nature à impacter les conditions de jouissance de leur terrain qui est vierge de toute construction et, qu'à la date de la demande de permis de construire modificatif, ils ne justifiaient pas d'un permis de construire ;
- les époux C... ne justifient pas davantage d'un intérêt à agir contre ce permis de construire modificatif dès lors que les châssis de toit ne créent aucune vue sur leur propriété ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 16 juin 2022 et 23 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en alléguant que les châssis de toit altèreraient la qualité du site patrimonial remarquable dont relève le terrain d'assiette du projet, sans préciser en quoi cette circonstance serait susceptible d'affecter les conditions de jouissance de leurs biens, les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ;
- ils ne justifient pas davantage de leur intérêt à agir en se prévalant d'écoulements d'eaux pluviales sur leur terrain, dès lors que ces écoulements ne résultent pas des caractéristiques propres des châssis prévues par le permis de construire modificatif mais de la mauvaise exécution des travaux et qu'ils affectent uniquement le mur extérieur de sa propre construction ;
- les époux F... ne justifient pas de leur intérêt à agir, dès lors que les châssis de toit autorisés par la décision litigieuse ne sont pas de nature à impacter les conditions de jouissance de leur terrain qui est vierge de toute construction et, qu'à la date de la demande de permis de construire modificatif, ils ne justifiaient d'aucun permis de construire ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Montes-Derouet,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- et les observations de Me Viaud, pour les requérants, de Me Vic, pour la commune de Noirmoutier-en-l'Île et de Me Plenet, substituant Me Lacroix, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 août 2017, le maire de Noirmoutier-en-l'Île a délivré à M. B... un permis de construire une maison d'habitation et une piscine sur des terrains cadastrés section BI n° 1004 et 1007, qui lui avaient été cédés, par acte de vente du 22 décembre 2016, par M. et Mme F.... Par un arrêté du 25 juin 2018, le maire a délivré à M. B... un permis modificatif en vue de l'installation de deux châssis de toit sur la construction. M. et Mme F... et M. et Mme C... ont, par un courrier du 3 août 2018, formé un recours gracieux à l'encontre de ce permis modificatif, rejeté par le maire le 24 septembre suivant. Par un jugement du 1er février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de M. et Mme F... et de M. et Mme C..., lesquels relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.
4. Il ressort des pièces du dossier que les deux volumes de la construction sur lesquels l'installation de châssis de toit devant accueillir une verrière a été autorisée par le permis de construire modificatif contesté se situent, respectivement, en limite séparative nord de la maison d'habitation de M. et Mme C... et en limite séparative est du terrain de M. et Mme F.... Les requérants doivent de ce fait être regardés, ainsi qu'ils le soutiennent, comme des voisins immédiats du projet litigieux. En outre, les requérants se prévalent de ce que le dispositif de recueil et d'évacuation des eaux pluviales en provenance de la construction du pétitionnaire, M. B..., est inadapté en ce qu'il conduit à des écoulements des eaux de ruissellement sur leurs fonds, faits qui ont été confirmés par les énonciations d'un rapport d'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes, selon lesquelles " l'absence de tout système de recueil des eaux aux extrémités des deux verrières, conduit " à des écoulements directement sur la couvertine et par la suite sur le pignon, puis sur la propriété " de chacun des requérants. Il s'ensuit que les requérants qui font état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation des modifications apportées au projet initial par le permis contesté justifient de leur intérêt pour agir.
5. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevable leur demande, au motif que les demandeurs n'établissaient pas disposer d'un intérêt à contester le permis de construire modificatif du 25 juin 2018 et la décision du 24 septembre 2018 portant rejet de leur recours gracieux, en ce qu'ils ne justifiaient pas que le projet contesté était susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens, est entaché d'irrégularité et doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C... et M. et Mme F... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 juin 2018 et de la décision du 24 septembre 2018 du maire :
6. En premier lieu, l'article UB 11.2 relatif aux toitures du règlement du plan local d'urbanisme de la commune prévoit que : " (...) 11.2 Toitures (...) Des fenêtres de toit seront autorisées sous réserve qu'elles soient incluses dans le plan de la toiture, sans saillie ni débordement, et que la surface couverte par lesdites fenêtres reste marginale par rapport à l'ensemble de la toiture ".
7. Si les châssis de toit autorisés par la décision contestée sont implantés directement dans la toiture de la construction et sont conçus sans saillie ni débordement, conformément aux dispositions de l'article UB 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme, il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice environnementale jointe au dossier de demande de permis modificatif, que cette construction est composée de 11 volumes distincts présentant une toiture à deux pentes, entre lesquels s'intercalent, en outre, pour certains d'entre eux, des " éléments de liaison présentant une toiture plate ". La condition relative au caractère marginal des fenêtres de toit ne saurait, dès lors, contrairement à ce que font valoir les défendeurs, être appréciée au regard de l'ensemble des toitures des différents volumes de la construction mais volume par volume. Il ressort par ailleurs du plan de masse, tel qu'annoté pour le compte de M. B... par son maître d'œuvre, d'une part, que le châssis de toit installé sur le volume implanté en limite séparative nord, qui présente une longueur de 7 m et une largeur de 0,90 m, occupe la quasi-totalité de la longueur de ce volume de 7,47 m et représente une emprise de 6,30 m² et, d'autre part, que le châssis de toit du volume implanté en limite séparative est, lequel est le plus important de la construction, présente une longueur de 4,85 m sur une largeur de 0,90 m, soit plus du tiers de la longueur de ce volume. Dans ces conditions, les deux châssis de toit en litige ne peuvent être regardés, eu égard à leur dimension respective, comme présentant un caractère marginal pour l'application des dispositions précitées de l'article UB 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le permis de construire modificatif du 25 juin 2018 a été délivré en méconnaissance de ces dispositions doit être accueilli.
8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature à entraîner l'annulation des décisions contestées.
9. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2018 par lequel le maire de Noirmoutier-en-l'Île a délivré à M. B... un permis modificatif et de la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux.
Sur les conséquences de l'illégalité de l'arrêté du 25 juin 2018 et de la décision du 24 septembre 2018 :
10. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".
11. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même12. Il ressort des pièces du dossier que l'illégalité relevée au point 7 du présent arrêt n'affecte qu'une partie du projet de construction et est susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation, laquelle n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Dans ces conditions, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et de prononcer l'annulation partielle du permis de construire modificatif du 25 juin 2018 et de la décision du 24 septembre 2018 portant rejet du recours gracieux en tant qu'ils méconnaissent l'article UB 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme pour les motifs exposés au point 7. En application de l'article L. 600-5 précité, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder au titulaire de l'autorisation un délai courant jusqu'au 31 octobre 2023 pour solliciter la régularisation du permis sur ce point.
Sur les frais liés au litige :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Noirmoutier-en-l'Île le versement à M. et Mme F... et à M. et Mme C... d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. et Mme F... et de M. et Mme C..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que la commune de Noirmoutier-en-l'Île et M. B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 25 juin 2018 du maire de Noirmoutier-en-l'Île et la décision du 24 septembre 2018 du maire rejetant leur recours gracieux sont annulés en tant qu'ils méconnaissent l'article UB 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Noirmoutier-en-l'Île.
Article 3 : Le délai accordé à M. B... pour solliciter la régularisation du permis litigieux en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme expirera le 31 octobre 2023.
Article 4 : La commune de Noirmoutier-en-l'Île versera à M. et Mme F... et M. et Mme C... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Noirmoutier-en-l'Île et M. B... sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme H... F... et M. D... et Mme G... C..., à la commune de Noirmoutier-en-l'Île et à M. E... B....
Copie en sera adressée pour information au procureur de la République près le tribunal judiciaire des Sables-d'Olonne.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUET
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
Aline LEMEE
La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00998