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27/06/2023 | FRANCE | N°23NT01655

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Juge des référés, 27 juin 2023, 23NT01655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... A... et Mme E... C... épouse B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision, née le 3 mai 2022, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité diplomatique française à Khartoum (Soudan) refusant de délivrer à Mme D... C... un visa d'entrée et de long séjour en France au titre de la réunification familiale

Par un jugement n° 2

207336 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... A... et Mme E... C... épouse B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision, née le 3 mai 2022, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité diplomatique française à Khartoum (Soudan) refusant de délivrer à Mme D... C... un visa d'entrée et de long séjour en France au titre de la réunification familiale

Par un jugement n° 2207336 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 et 22 juin 2023 (ce dernier non communiqué), M. B... A... et Mme D... C... épouse B... A..., représentés par Me Le Floch, demandent au juge des référés de la cour :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision implicite opposée par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a la demande de visa présentée par Mme D... C... au titre de la réunification familiale ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen de la demande de visa dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros, à titre principal à son conseil, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

4°) à défaut de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. F... B... A... et Mme E... C... épouse B... A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

- que l'urgence est justifiée, d'une part compte tenu de la situation de détresse de la demandeuse au Soudan, dans un contexte de guerre civile, et alors qu'elle est originaire du Darfour et ne pourra se maintenir en Ethiopie où elle réside de manière précaire, pour des raisons financières et d'autre part en raison de son état de grossesse ;

- que sont propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision

. le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle justifie de son identité par un certificat de naissance, un certificat d'enregistrement ainsi que par son passeport, où M. B... A... a été constant depuis son entrée en France quant à ses déclarations s'agissant de l'identité de son épouse, et où il est au demeurant justifié de la persistance des liens entre les époux ;

. le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient :

- que l'urgence n'est pas constituée dès lors que la demandeuse séjourne actuellement en Ethiopie et non au Soudan qui connait un contexte de guerre ; de plus les requérants n'ont pas fait preuve de diligence dans la procédure de recours ;

- qu'il n'y a aucun doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué, dès lors que les éléments versés au dossier ne permettent pas de s'assurer de l'identité de la personne se présentant comme Mme D... C... épouse B... A... ; aucun justificatif sérieux établissant un lien matrimonial n'est prévu, si bien que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.

Par décision du 22 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes (section administrative) a admis M. B... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 55%.

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 13 mars 2023, sous le n° 23NT00685, par laquelle M. B... A... et Mme D... C... épouse B... A... demandent à la cour d'annuler le jugement n° 2207336 du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France rejetant la demande de visa de long séjour de Mme D... C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er septembre 2023 désignant M. Francfort, président de chambre, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer en qualité de juge des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 juin 2023 :

- le rapport de M. Francfort, juge des référés ;

- et les observations de Me Le Floch, représentant les requérants.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) ".

2. M. B... A... et son épouse, Mme D... C..., ressortissants soudanais, ont formé appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation par laquelle la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a implicitement rejeté le recours, reçu le 3 mars 2022, formé contre la décision de l'autorité diplomatique française à Khartoum refusant de délivrer à Mme D... C... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale. Ils demandent à la cour, par la présente requête, d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision de la commission de recours.

Sur l'urgence :

3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'une décision administrative lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... C... réside habituellement au Darfour, région du Soudan en proie à une situation de violence généralisée et si elle réside temporairement en Ethiopie, cette situation a nécessairement un caractère temporaire. Il résulte également des pièces du dossier qu'elle est enceinte, cet état de grossesse étant confirmé par la production d'un test récent.

5. La décision en litige porte ainsi, du fait d'évènements postérieurs à l'introduction de son recours en annulation, une atteinte grave et immédiate à la situation de la requérante, sans que l'administration puisse utilement lui opposer les conditions dans lesquelles elle a introduit en 2022 son recours auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. La condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

Sur le moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux :

6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue (...) ".

7. Lorsque la venue d'une personne en France a été sollicitée au titre de la réunification des membres de la famille d'une personne reconnue réfugiée ou bénéficiaire de la protection subsidiaire sur le fondement des dispositions précitées, l'autorité administrative n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état-civil produits pour justifier de l'identité et, le cas échéant, du lien familial de l'intéressé avec le réfugié ou d'une situation contraire à l'ordre public français.

8. Les requérants ont produit devant la Cour, en plus du certificat de mariage établi par l'OFPRA, déjà présenté au tribunal administratif, un certificat de naissance édité le 2 novembre 2020, émanant de l'administration générale du registre civil du Soudan, et sa traduction, un certificat d'enregistrement civil daté du 4 novembre 2020, ainsi que le passeport délivré le 11 décembre 2020, ces deux dernières pièces étant revêtues d'une photographie de l'intéressée. Les indications que comportent ces documents sont conformes aux déclarations faites par M. B... A... à l'occasion de sa demande d'asile, s'agissant de l'identité de son épouse. Compte tenu de ces éléments, les moyens tirés de ce que la commission de recours a inexactement appliqué les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité diplomatique française à Khartoum refusant de délivrer à Mme D... C... un visa d'entrée et de long séjour en France au titre de la réunification familiale est suspendue.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Compte tenu du sens de la présente décision et au regard de l'office du juge des référés, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa présentée par Mme B... A... dans le délai d'un mois, sans qu'il soit nécessaire dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 %. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Le Floch, leur avocate, de la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

O R D O N N E

Article 1er : L'exécution de la décision, née le 3 mai 2022, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité diplomatique française à Khartoum au Soudan refusant de délivrer à Mme D... C... un visa d'entrée et de long séjour en France au titre de la réunification familiale est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de procéder à un nouvel examen de la demande de visa présentée par Mme D... C... dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à Me Le Floch la somme de 300 euros dans les conditions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. F... B... A..., à Mme E... C... épouse B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Nantes, le 27 juin 2023.

Le juge des référés. La greffière,

J. FRANCFORT H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01655


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 23NT01655
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-27;23nt01655 ?
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