Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du
25 février 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement no 2202665 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Maony, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins " travailleur temporaire " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 47 du code civil et de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur d'appréciation, s'agissant du caractère frauduleux des actes d'état civil produits ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
21 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Clairay, représentant M. A..., ainsi que celles de ce dernier.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 11 novembre 2001, est entré en France 15 mai 2018, selon ses déclarations. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère le 21 août 2018. M. A... a sollicité, le 10 septembre 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 25 février 2022, le préfet du Finistère a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré. M. A... relève appel du jugement du 23 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 février 2022 :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° les documents justifiant de son état civil ; 2° les documents justifiant de sa nationalité ; (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
3. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
4. S'il n'est plus contesté en appel par M. A... qu'il a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour des documents dépourvus de valeur probante, il a aussi produit en cours d'instance devant le tribunal pour justifier de son âge et de son identité un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 7 mars 2022 par le tribunal de première instance de Labe et un extrait du registre de transcription du 21 mars 2022. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que fait valoir l'administration que ces documents n'auraient pas été valablement légalisés. Dans ces conditions, l'administration n'établit pas le caractère frauduleux de ces documents, dont les mentions correspondent à celle de la carte d'identité consulaire de l'intéressé. Dès lors, l'état civil du requérant doit être regardé comme établi. Par suite, le refus de titre en litige est entaché d'une erreur d'appréciation s'agissant du caractère établi de l'identité et de l'âge de ce dernier.
5. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en ne se fondant que sur les autres motifs de refus d'admission au séjour opposés à M. A....
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 25 février 2022 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Le présent arrêt implique nécessairement mais seulement, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Finistère réexamine la demande d'admission au séjour de M. A... et le munisse dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et de travail. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Maony, avocate de M. A..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement no 2202665 du 23 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 25 février 2022 pris à l'encontre de M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande d'admission au séjour de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et de travail.
Article 3 : L'État versera à Me Maony une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.
Le rapporteur,
X. CatrouxLe président,
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22NT03328