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23/06/2023 | FRANCE | N°22NT01228

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 juin 2023, 22NT01228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de ... à lui verser la somme de 13 112,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des décisions des 3 août 2018 et 5 février 2019 portant changement affectation et du 5 février 2019 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours.

Par un jugement n°2001467 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 avril, 30 septem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de ... à lui verser la somme de 13 112,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des décisions des 3 août 2018 et 5 février 2019 portant changement affectation et du 5 février 2019 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours.

Par un jugement n°2001467 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 avril, 30 septembre et 28 octobre 2022, Mme A... C..., représentée par Me Colliou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2022 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier de ... à lui verser la somme de 16 752,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de ... la somme de

5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il ne comporte pas les visas des dispositions législatives et réglementaires dont il fait application ;

- la décision de changement d'affectation du 3 août 2018, qui constitue une sanction déguisée, en ce qu'elle n'a pas été prise dans l'intérêt du service et qu'elle comporte une atteinte à sa situation professionnelle et une intention de punir est illégale, dès lors que :

* elle est irrégulière en raison d'une méconnaissance de l'article 65 de la loi du

22 avril 1905,

* elle est entachée d'un détournement de pouvoir, dès lors qu'elle était déjà suspendue de ses fonctions,

* elle méconnaît le principe selon lequel on ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits,

* elle est entachée d'une erreur de droit, aucune sanction de déplacement d'office n'étant prévue par le statut de la fonction publique hospitalière,

- la décision du 5 février 2019 prononçant à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours est illégale, dès lors que :

* elle est entachée de plusieurs vices de procédure dès lors que des membres du conseil de discipline ont manqué d'impartialité, une représentante de l'administration récusée n'ayant pas immédiatement quitté le conseil que les représentants de l'administration étaient plus nombreux que les représentants des agents lors de ce même conseil de discipline et qu'il y a été fait état de pièces non communiquées à l'agent ;

* elle est insuffisamment motivée ;

* elle repose sur des faits non établis par l'autorité chargée du pouvoir de discipline.

- la décision de changement d'affectation du 5 février 2019 est également illégale, dès lors que:

* elle est irrégulière en raison d'une méconnaissance de l'article 65 de la loi du

22 avril 1905,

* elle n'est pas justifiée par l'intérêt du service, dès lors qu'elle était en congé pour maladie,

* dès lors qu'elle constitue une sanction déguisée, puisqu'elle la prive de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et qu'elle comporte une intention de punir, elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 81 de la loi n° 86-33 du

9 janvier 1986 qui ne prévoit pas une telle sanction ;

- les illégalités des trois décisions des 3 août 2018 et 5 février 2019 constituent des fautes, qui lui ont causé directement un préjudice financier, qui s'élève à la somme de

14 252,77 euros, compte tenu de la perte de la prime de travail de nuit à laquelle elle avait droit dans sa précédente affectation, de la réduction de la NBI subie, et des frais d'avocat exposés pour assurer sa défense lors de la procédure disciplinaire, ainsi qu'un préjudice moral qui s'élève à la somme de 2 500 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2022, le centre hospitalier de ..., représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de remboursement des frais d'avocat est irrecevable, car elle n'avait pas fait l'objet d'une réclamation indemnitaire préalable ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°2003-655 du 18 juillet 2003 ;

- le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée le 6 avril 1998 par le centre hospitalier de ..., par un contrat emploi solidarité, puis, à compter du 6 avril 2000, en qualité d'agent des services hospitaliers (ASH) contractuel, et enfin, à compter du 1er juillet 2002 en qualité de stagiaire puis à compter du 1er juillet 2003, de titulaire dans le grade d'ASH. Elle a été promue, enfin, le 1er janvier 2008, au grade d'aide médico-psychologique (AMP). Jusqu'alors employée sur un poste de jour au sein de l'EHPAD de ..., dépendant du centre hospitalier de ..., elle a été affectée, à sa demande, sur un poste de nuit, le 13 juin 2016 au sein du même EHPAD. A la suite de signalements sur le comportement de l'intéressée à l'égard de résidents, elle a fait l'objet, par une décision du 3 août 2018, avec effet au 1er septembre 2018, d'une affectation d'office à l'EHPAD d'..., un autre établissement dépendant du centre hospitalier de .... Cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 22 août 2019 au motif que l'agent n'avait pas été mis à même de consulter son dossier avant l'édiction de la décision en litige, en méconnaissance des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.

2. Le directeur du centre hospitalier de ... a, par une décision du 23 octobre 2018, suspendu Mme C... de ses fonctions pour une durée de quatre mois. Après un avis du conseil de discipline, qui s'est réuni 1er février 2019, favorable à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours assortie d'un sursis total, la requérante a fait l'objet d'une telle sanction par une décision du directeur du centre hospitalier de ... du 5 février 2019. Par une décision du même jour, elle a été affectée d'office sur un poste situé au sein du service de médecine gériatrique du site de ... dépendant du centre hospitalier de .... Mme C... a contesté la décision portant sanction disciplinaire, à son encontre, par un recours gracieux, puis par un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Caen. Elle a également formé un recours gracieux puis un recours contentieux contre la décision du 5 février 2019 la changeant d'affectation. Par une décision du 21 février 2020, le directeur du centre hospitalier de ... a retiré les deux décisions du 5 février 2019. Mme C... a présenté, le 6 mai 2020, une réclamation indemnitaire préalable, reçu le 14 mai 2020 afin d'être indemnisée des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des trois décisions des 3 août 2018 et 5 février 2019. Du silence gardé par l'administration sur cette réclamation est née une décision implicite de rejet. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de ... à lui verser la somme de 13 112,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 25 février 2022, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". En l'espèce, le jugement attaqué comporte notamment parmi ses visas la loi du 22 avril 1905 et la loi du 9 janvier 1986, portant statut général des fonctionnaires hospitaliers dont le tribunal a fait application. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient fait application d'autres textes législatifs ou réglementaires, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit, en tout état de cause, être écarté. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'établissement public :

S'agissant des décisions des 3 août 2018 et 5 février 2019 portant changement affectation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : /Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) / L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. (...) " Par ailleurs, une mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.

5. D'une part, le centre hospitalier fait valoir que le changement d'affectation du 3 août 2018 avait pour objet de ramener la sérénité dans le service dans l'intérêt des résidents et de la qualité de leur prise en charge. Il résulte de l'instruction et notamment des témoignages recueillis par l'établissement public à la suite de signalements portant sur le comportement de la requérante, qu'il existait alors une ambiance délétère entre l'équipe de nuit de l'EHPAD à laquelle celle-ci appartenait et l'équipe de jour. Des membres de cette dernière équipe ayant effectué des remplacements de nuit ont ainsi vécu très négativement cette expérience, étant notamment laissés seuls pour réaliser des changes et les soins, pendant un long temps de repos pris au cours de nuit par Mme C... et un autre membre de l'équipe de nuit. Il résulte également de l'instruction que l'intéressée a fait preuve d'un comportement intimidant et même menaçant envers des collègues de travail pour les décourager de rapporter à leur hiérarchie certains de ses agissements. Dans ces conditions, et alors même qu'une des cadres de santé avait déclaré qu'une sanction devait être envisagée pour les actes ainsi reprochés à Mme C... et que celle-ci a fait preuve par ailleurs dans sa carrière de professionnalisme et de qualités dans la prise en charge des résidents de l'EHPAD, la décision de changement d'affectation du 3 août 2018 était justifiée par l'intérêt du service et ne constituait pas une sanction déguisée. Elle n'a donc pas été prise en méconnaissance du principe selon lequel on ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits, et n'est pas entachée d'une erreur de droit au regard du statut de la fonction publique hospitalière en ce qu'il ne prévoit pas de sanction de déplacement d'office. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, alors même que Mme C... a été quelques semaines plus tard suspendue de ses fonctions, cette dernière mesure n'ayant qu'un objet conservatoire.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction que le changement d'affectation du 5 février 2019 est fondé sur la circonstance que Mme C... se trouvait depuis juin 2018 en congé pour maladie, puis, à compter du 23 octobre 2018 suspendue de ses fonctions et qu'il était nécessaire pour le bon fonctionnement du service de pourvoir sans délai le poste situé à ... sur lequel la requérante avait été affectée à compter du 1er septembre 2018 par la décision du 3 août 2018. Ce poste a d'ailleurs été pourvu par un autre agent dès le 10 septembre suivant. De plus, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le fait de mettre un terme aux fonctions de Mme C... exercée jusqu'alors au sein de l'EHPAD de (ANOTrouville-sur-Mer(/ANO) était justifié pour le bon fonctionnement du service. Dans ces conditions, et alors même qu'à la date de la décision en litige, Mme C... se trouvait en congé pour maladie, le directeur du centre hospitalier n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant ce nouveau changement d'affectation dans l'intérêt du service et n'a pas pris à l'encontre de l'intéressée une sanction disciplinaire déguisée. Le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article 81 de la loi du

9 janvier 1986 qui ne prévoit pas de sanction de mutation d'office ne peut, dès lors, également qu'être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, dans sa rédaction applicable au litige : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". En vertu de cet article, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause.

8. Ainsi que le soutient Mme C..., il résulte du jugement du tribunal administratif de Caen du 22 août 2019, devenu définitif, que la décision du 3 août 2018 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et est, dès lors, illégale. De même, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par l'établissement public intimé que la requérante n'a pas été mise à même de consulter son dossier avant l'édiction de la décision du 5 février 2019, qui a été prise, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, en considération de sa personne. Cette décision est, dès lors, également entachée d'illégalité, la méconnaissance des dispositions citées au point précédent, ayant privé l'intéressée, dans les circonstances de l'espèce, d'une garantie.

S'agissant de la décision du 5 février 2019 portant exclusion temporaire de fonction :

9. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que la décision de sanction en litige est fondée notamment sur la circonstance que Mme C... a eu un comportement intimidant voire menaçant envers des collègues. Eu égard, à ce qui a été dit au point 5, un tel motif n'est pas entaché d'une erreur de fait. D'autre part, l'administration s'est également fondée pour prendre cette décision sur les circonstances que la requérante avait manqué à certaines obligations, en allant dormir pendant le service de nuit entre 2 heures et 5 heures environ ou en refusant de faire des transmissions à l'équipe de jour et avait commis des négligences ou des manquements à l'obligation de bien-traitance envers les résidents de l'EHPAD, en ne faisant pas de tournée à certaines heures de la nuit ou en n'effectuant pas des changes de résidents au cours de ces heures. Si la requérante produit plusieurs témoignages aux termes desquels elle ne dormait pas la nuit durant le service et avait un comportement irréprochable avec les résidents, et verse au débat des documents comportant des informations pouvant donner lieu à transmission, les éléments qu'a recueillis l'administration auprès de plusieurs personnes ayant travaillé avec la requérante pour établir les faits en cause sont nombreux, précis et concordants. Il ne résulte pas de l'instruction qu'ils s'expliqueraient par une " cabale fomentée " par des membres de l'équipe de jour. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration se serait fondée sur des faits non établis pour prendre la sanction en litige doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " L'autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre 1er du statut général. ". Aux termes de l'article 4 du décret du

18 juillet 2003 visé ci-dessus, de plus : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Elles sont composées de membres titulaires et suppléants. " Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 visé ci-dessus dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. " et aux termes de son article 4 : " Le fonctionnaire poursuivi peut récuser l'un des membres du conseil de discipline, et le même droit appartient à l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire. ".

11. Ni les dispositions régissant les commissions administratives paritaires (CAP), ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des CAP à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel. La circonstance que le conseil de discipline n'aurait pas siégé dans une formation paritaire est donc sans incidence sur la légalité de la sanction en litige.

12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'allègue Mme C..., l'ensemble des pièces soumises à l'examen du conseil de discipline lui ont bien été transmises par un courrier avec accusé de réception daté du 1er octobre 2018, y compris le témoignage de Mme B.... La décision en litige n'est donc pas entachée d'une irrégularité à cet égard.

13. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le directeur du centre hospitalier, auteur de la sanction en litige, aurait manqué au principe d'impartialité en prenant cette sanction.

14. En cinquième lieu, toutefois, il est constant qu'un membre du conseil de discipline, représentant l'administration, qui avait été récusé en début de séance par Mme C... n'a pas quitté immédiatement la séance, mais a présenté le dossier et a fait valoir son opinion à plusieurs reprises sur les éléments de ce dossier. Bien que cette personne n'ait pas participé au vote, la sanction en litige est, dès lors, entachée d'une irrégularité qui a, dans les circonstances de l'espèce, privé l'intéressée d'une garantie.

15. En dernier lieu, ainsi que le soutient la requérante, la sanction du 5 février 2019 prise à son encontre ne comporte aucune motivation en fait, le visa du rapport de saisine du conseil de discipline ne pouvant tenir lieu d'une telle motivation alors même que ce rapport comporte l'énoncé des faits reprochés à la requérante.

16. Il résulte de ce qui précède que les trois décisions des 3 octobre 2018 et 5 février 2019 sont entachées d'illégalités.

En ce qui concerne les préjudices :

17. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise. Lorsqu'en particulier, une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.

18. La procédure d'édiction des deux décisions de changement d'affectation prises à l'encontre de la requérante est, eu égard à ce qui précède, entachée d'une irrégularité tenant à ce que l'intéressée n'a pas été préalablement mise à même de consulter son dossier administratif. Toutefois, il résulte de l'instruction, compte tenu notamment de l'intérêt du service qui s'attachait à changer l'affectation de Mme C... au sein de l'établissement public, que ces deux décisions auraient pu être légalement prises à l'issue d'une procédure régulière.

19. Ainsi qu'il a été précédemment exposé, la sanction du 5 février 2019 était entachée d'un défaut de motivation et d'une irrégularité tendant à la méconnaissance du droit de récusation garanti à l'intéressée par les dispositions régissant la procédure devant le conseil de discipline. Toutefois, compte tenu des faits reprochés à Mme C..., de leur degré de gravité, de leur impact sur le fonctionnement du service ainsi que de la nature de la sanction prononcée, celle-ci aurait pu être légalement prononcée par l'administration, à l'issue d'une procédure régulière et par une décision suffisamment motivée.

20. Il suit de là que les décisions en litige, bien qu'illégales, n'ouvrent pas droit à l'indemnisation des préjudices financiers et moral invoqués par la requérante.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de ..., que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme que demande le centre hospitalier de ... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de (ANOla Côte Fleurie(/ANO) présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier de ....

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 23 juin 2023.

Le rapporteur,

X. CATROUXLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01228
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-23;22nt01228 ?
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