Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D..., M. B... G... F... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours contre la décision du 17 mai 2022 de l'ambassade de France au Pakistan refusant de délivrer à M. D... un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'un réfugié.
Par un jugement n° 2209044 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de délivrer à M. D... le visa sollicité dans un délai de deux mois sous astreinte de cent euros par jour de retard.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Le ministre soutient que :
- les conditions tenant à la nécessité et à l'urgence de surseoir à l'exécution du jugement contesté sont caractérisées ;
- la demande de première instance était irrecevable ; les requérants ne justifient pas avoir exercé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
- la décision contestée est fondée ; M. D... avait plus de dix-neuf ans à la date à laquelle il a contacté les autorités consulaires en vue de déposer sa demande de visa et, à fortiori, à la date à laquelle il a déposé cette demande ; ses parents n'ont pas contesté le précédent refus de visa opposé à leur fils en 2019 ;
- elle ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le requérant n'est pas isolé au Pakistan où résident ses frères aînés.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2023, M. D..., M. B... G... F... et Mme C... A..., représentés par Me Régent, concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa demandé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- leur demande de première instance était recevable ; ils ont justifié avoir exercé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
- l'identité de M. D... et son lien de filiation avec M. F... sont établis par son certificat de naissance et son passeport dont la valeur probante n'est pas contestée ;
- la décision contestée est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui a confirmé que la date à laquelle l'administration doit se placer pour apprécier l'âge des demandeurs de visa est celle de la demande d'asile du regroupant (décision du 12 avril 2018, C- 550/16 confirmée par les arrêts du 1er août 2022 n° C-279/20, C-273/20 et C-355/20) ;
- c'est à tort que le ministère apprécie l'âge de M. D... au jour du dépôt de sa demande de visa intervenue le 8 février 2022 ; M. F... a fait part de sa volonté de pouvoir être rejoint par l'ensemble des membres de sa famille par courrier du 29 mars 2016 adressé au bureau des familles de réfugiés de la sous-direction des visas alors que le demandeur était âgé de quatorze ans ; la famille a ensuite dû attendre longtemps pour obtenir un rendez-vous auprès du consulat de France à Islamabad ; le consulat a communiqué des informations erronées s'agissant des trois enfants aînés du couple ; la première demande de visa de M. D... a été déposée dans le courant de l'année 2018 ; le refus opposé à l'ensemble de la famille a été annulé par la juridiction administrative sauf pour le demandeur en raison de l'omission de son nom dans le recours préalable ; le consulat a ensuite refusé d'enregistrer sa demande avant de s'en estimer contraint par la saisine de la juridiction administrative ; dans ces conditions, la longueur du délai qui s'est écoulé entre le début des démarches engagées par M. F... et la date du dépôt de la dernière demande de visa de M. D... est exclusivement imputable à l'administration ;
- la décision de la commission méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le demandeur est isolé au Pakistan, le reste de la famille ayant rejoint M. F... en France.
M. B... G... F... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu :
- la requête n° 23NT01136 enregistrée le 18 avril 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement n° 2209044 du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet, présidente-rapporteure ;
- les observations de Me Régent, avocate de M. D..., M. F... et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
3. Le moyen tiré par le ministre de ce que M. D... était âgé de plus de dix-neuf ans à la date à laquelle il a déposé sa demande de visa paraît en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction accueillies par le tribunal. En conséquence, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n° 2209044 du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes.
4. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de M. D..., M. F... et Mme A... et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre le jugement n° 2209044 du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de M. D..., de M. F... et de Mme A... et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. E... D..., à M. B... G... F..., à Mme C... A... et à Me Régent.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.
La présidente-rapporteure,
C. BUFFET
La greffière,
A. LEMÉE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01137