Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office.
Par un jugement n° 2203190 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Maony, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 17 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'une inexacte appréciation de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- et les observations de Me Maony, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 21 juin 2002, déclare être entré en France en octobre 2018. Scolarisé en filière professionnelle, M. A... a sollicité un titre de séjour en qualité d'étudiant ou au titre de sa " vie privée et familiale ". Par arrêté du 17 janvier 2022, le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., né le 21 juin 2022 à Conakry (Guinée), est entré en France en octobre 2018, à l'âge de seize ans. M. A... produit un jugement supplétif d'acte de naissance du 6 septembre 2018, l'acte de naissance dressé suivant transcription de ce jugement, une carte consulaire ainsi que le passeport qui lui a été délivré en cours d'instance par l'ambassade de Guinée en France, dont aucun élément ne permet de mettre en doute l'authenticité. Dès lors, il ressort des pièces du dossier que M. A... était âgé de seize ans lors de son arrivée en France. S'il n'a pas été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département, il ressort des pièces du dossier qu'il a été hébergé par des familles d'accueil et qu'il a suivi en France une scolarité en première puis en terminale professionnelle " Aménagement et Finition du bâtiment ". Les pièces produites aux débats témoignent de son implication et de ses bons résultats scolaires, que son admission au baccalauréat professionnel de sa spécialité en juin 2022 avec la mention " assez bien ", puis la promesse d'embauche à temps plein en qualité de plaquiste, par l'entreprise au sein de laquelle il travaillait dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, quelque mois après l'intervention de la décision litigieuse, viennent confirmer. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, et en dépit des doutes émis par l'administration quant au décès de ses parents, compte tenu de son jeune âge à son arrivée en France, de sa situation scolaire à la date de la décision litigieuse, et des très sérieuses perspectives d'insertion qu'elle laissait alors présager, le préfet du Finistère a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant sa régularisation à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu et à la situation actuelle de M. A..., l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet du Finistère de délivrer à M. A... un titre de séjour portant une telle mention dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Maony dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 septembre 2022 et l'arrêté du préfet du Finistère du 17 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à Me Maony une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2023.
La rapporteure,
J. Lellouch
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03401