Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 6 juillet 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Lô a décidé de la licencier pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n°2101652 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 6 juillet 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 septembre et 25 novembre 2022, le centre hospitalier de Saint-Lô, représenté par Me Gorand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2022 ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... tendant à l'annulation de cette décision du
6 juillet 2021 ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation des faits :
. le caractère récurrent des manquements observés tant à l'égard des patients que de la hiérarchie traduit une insuffisance professionnelle incompatible avec l'exercice des fonctions d'aide-soignante ;
. l'évolution de la notation chiffrée n'est pas révélatrice des capacités professionnelles et relationnelles de l'intéressée ;
. le changement de service opéré n'a pas permis d'amélioration ;
. l'absence de dysfonctionnement grave ne fait pas obstacle au constat de l'insuffisance professionnelle relevée.
Par des mémoires enregistrés les 17 octobre 2022 et 3 janvier 2023, Mme B... C..., représentée par Me Desert, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen soulevé par le centre hospitalier de Saint-Lô n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Courset représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., recrutée par le centre hospitalier de Saint-Lô en juillet 2006 a été nommée stagiaire le 1er décembre 2009 puis titularisée un an plus tard. Elle a été affectée d'abord au sein du service (ANO)pneumologie(/ANO) puis, en 2019, au service ....
2. Compte tenu des difficultés rencontrées par l'intéressée, le directeur du centre hospitalier a, aux termes de la décision contestée du 6 juillet 2021, décidé de la licencier pour insuffisance professionnelle à compter du 15 juillet 2021. Aux termes du jugement du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision. Le centre hospitalier de Saint-Lô relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Hormis le cas d'abandon de poste et les cas prévus aux articles 62 et 93, les fonctionnaires ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle. Le fonctionnaire qui fait preuve d'insuffisance professionnelle peut soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié. La décision est prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. (...) ".
4. Si les fiches d'évaluation de la manière de servir de Mme C..., depuis 2015, permettent de constater que cette dernière, qui dispose de connaissances professionnelles et d'un savoir-faire technique, peut faire des efforts pour répondre aux attentes et encouragements de sa hiérarchie, elles révèlent également, qu'en dépit des conseils et des recommandations qui lui ont été adressés depuis plusieurs années, une persistance d'un comportement inadapté tant à l'égard des patients que des membres des équipes soignantes se traduisant par de graves carences en matière de compétences relationnelles ou de discrétion professionnelle doit être observée. En particulier, l'évaluation pour 2019 indique qu'" il est urgent que Mme C... prenne en compte les remarques faites les trois dernières années concernant sa communication et son savoir-être avec le patient et son entourage ".
5. Il ressort également des pièces du dossier qu'en janvier 2016, Mme C... s'est abstenue de prendre en compte la douleur d'un patient, d'adopter les gestes professionnels adéquats et a omis de solliciter d'autres membres de l'équipe soignante comme elle aurait dû le faire. A la suite de cet évènement, une formation a été proposée par le centre hospitalier à l'intéressée, ce qu'elle a refusé. Un deuxième rapport, de juillet 2017, relate des propos inadaptés tenus à l'égard d'un patient et un défaut de prise en compte des doléances d'une autre personne hospitalisée. Lors de l'entretien ayant eu lieu le lendemain avec son cadre, Mme C..., refusant toute remise en cause de son attitude, s'est montrée agressive faisant ainsi obstacle à une communication efficiente. Un nouveau rapport a été établi en janvier 2019 à la suite de la plainte de la famille d'un patient en fin de vie dont le consentement n'a pas été recherché avant de pratiquer certains soins. A cette occasion, un défaut d'évaluation de la douleur de cette personne et une absence de transmission des informations nécessaires et de traçabilité des actes pratiqués ont été relevés.
6. Lors du changement d'affectation intervenu en mars 2019, un suivi personnalisé a été mis en place afin que Mme C... puisse améliorer sa pratique professionnelle, en particulier en matière de communication. Cinq entretiens ont eu lieu entre juin et août 2019 dont les compte-rendus font état, de manière récurrente, d'un manque d'investissement dans la réalisation des tâches incombant à l'intéressée, la persistance des difficultés relationnelles, la réitération de comportements inadaptés à l'égard de patients, un non-respect des protocoles de soins et d'hygiène et une incompréhension des situations.
7. Dans ces conditions, et alors que la commission administrative paritaire locale s'est prononcée en faveur d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, les quelques témoignages d'agents du centre hospitalier en faveur de Mme C... ne sont pas de nature à atténuer les critiques répétées depuis plusieurs années de sa hiérarchie sur le comportement professionnel de l'intéressée alliant difficultés de communication, de travail en équipe, de respect des consignes, d'attention et d'empathie aux patients, traduisant ainsi une attitude globalement insatisfaisante la rendant inapte à un exercice normal de ses fonctions d'aide-soignante.
8. Il s'ensuit que le centre hospitalier de Saint-Lô, qui, au demeurant, a recherché activement de nouvelles affectations pour Mme C... qui, pour l'une, était incompatible avec son état de santé et, pour l'autre, a été refusée par elle, est fondé à soutenir qu'en prenant la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme C..., aucune erreur dans l'appréciation de l'aptitude professionnelle de cette dernière n'a été commise et qu'en conséquence c'est à tort que le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur une telle erreur pour annuler la décision en litige du 6 juillet 2021.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme C... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur l'autre moyen invoqué par Mme C... :
10. Il ressort de ses termes mêmes que la décision en litige, après avoir rappelé les dispositions des textes applicables aux agents de la fonction publique hospitalière, notamment la loi du 9 janvier 1986 et le décret du 7 novembre 1989, a exposé les faits reprochés à Mme C... susceptibles de compromettre la qualité et la sécurité des soins. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Saint-Lô est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 6 juillet 2021 par laquelle Mme C... a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Saint-Lô qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme C... ne peuvent dès lors être accueillies.
13. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Saint-Lô et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2101652 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C... en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Saint-Lô et à Mme B... C....
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2023.
La rapporteure,
C. Brisson
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22NT02927002