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26/05/2023 | FRANCE | N°22NT03906

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 mai 2023, 22NT03906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Générali Iard a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement ou, à défaut, in solidum, la commune de Talensac, le département d'Ille-et-Vilaine , la région Bretagne et la société transport Joly à lui verser à titre principal une somme totale de 122 900,39 euros ou à titre subsidiaire celle de 112 900,39 euros, en remboursement des sommes déboursées au profit des consorts B... en réparation des préjudices subis par le jeune A... B... à la suite d'un accident de

circulation intervenu le 14 janvier 2015, au titre d'un défaut d'entretien norma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Générali Iard a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement ou, à défaut, in solidum, la commune de Talensac, le département d'Ille-et-Vilaine , la région Bretagne et la société transport Joly à lui verser à titre principal une somme totale de 122 900,39 euros ou à titre subsidiaire celle de 112 900,39 euros, en remboursement des sommes déboursées au profit des consorts B... en réparation des préjudices subis par le jeune A... B... à la suite d'un accident de circulation intervenu le 14 janvier 2015, au titre d'un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public, somme assortie des intérêts à taux légal à compter du 7 octobre 2016 pour la commune de Talensac, du 6 avril 2016 pour le département d'Ille-et-Vilaine et du 15 juin 2018 pour la région Bretagne.

Par un jugement n° 1906464 du 20 octobre 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 et 26 décembre 2022 et le

21 février 2023, la société Générali Iard, représentée par Me Franzini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2022 ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes et de mettre à la charge de toutes parties succombantes les entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que de mettre à la charge de celles-ci le versement des sommes de 2 500 et de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les procédures engagées respectivement devant le tribunal et devant la cour ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le département d'Ille-et-Vilaine, solidairement ou à défaut in solidum, avec la commune de Talensac, la région Bretagne et la SARL Transports Joly à lui verser la somme de 126 245,39 euros en sa qualité de subrogée dans les droits des consorts B... et de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine ainsi qu'à verser à la société SMABTP la somme de 117 900,38 euros ;

4°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2016 pour la commune de Talensac et son assureur la SMACL, du 6 avril 2016 pour le département d'Ille-et-Vilaine et du 15 juin 2018 pour la région Bretagne ;

5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens de première instance et d'appel et au versement des sommes de 2 500 et de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- sa demande devant le premier juge était recevable dès lors qu'une demande préalable n'a pas nécessairement besoin d'être chiffrée ; elle a formulé des demandes indemnitaires préalables auprès des personnes dont la responsabilité était susceptible d'être engagée ; elle n'était pas tenue de présenter des demandes préalables à la CPAM d'Ille-et-Vilaine, à la société SMABTP, à la société Axa France Iard et à la SARL Transport Joly ;

- sa créance n'est pas prescrite au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du

31 décembre 1968 puisque le délai de prescription ne peut commencer à courir qu'à compter de la date de consolidation de la victime et que le contentieux indemnitaire est exclu du champ d'application de la jurisprudence du Conseil d'État du 13 juillet 2016 Czabaj ;

- le juge administratif est compétent en matière de contrat d'assurance ;

- l'affaire doit être renvoyée devant le tribunal afin que les parties puissent bénéficier d'un double degré de juridiction ;

- subsidiairement, la responsabilité du département est engagée, l'accident s'étant produit sur une route départementale ; la commune dispose d'un pouvoir de police sur les routes et d'un pouvoir de police générale ; la région est responsable des transports scolaires et interurbains ; le défaut d'aménagement ou d'entretien de la voie et la nature du manquement commis sont de nature à engager leur responsabilité ; un défaut d'aménagement et d'entretien de la signalisation routière doit être observé ;

- les débours de la CPAM qu'elle a remboursés sont imputables aux conséquences de l'accident.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er février, 2 mars et le 28 avril 2023, non communiqué, la région Bretagne, représentée par Me Michelet, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête de la société Génerali Iard et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) subsidiairement, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes et à ce que soit mis à la charge de tout succombant la somme de 3 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet au fond la requête de la société Générali Iard et à ce que soit mis à la charge de tout succombant la somme de 3 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre encore plus subsidiaire, de déclarer le département d'Ille-et-Vilaine et la commune de Talensac, responsables d'un défaut d'entretien de la voirie et à ce que soit retenu un partage de responsabilité avec la société transports Joly, la victime de l'accident, le département d'Ille-et-Vilaine et la commune de Talensac ;

5°) de condamner le département d'Ille-et-Vilaine à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de la société Générali Iard est irrecevable ; les courriers adressés aux collectivités s'analysent comme une démarche amiable et non comme une demande indemnitaire préalable, faute de demande tendant au remboursement des sommes versées ou de précisions quant au fondement de la demande ; la société Générali Iard n'a pas qualité et intérêt pour agir au nom de la SMABTP ;

- subsidiairement, si la cour considérait comme recevable la demande initiale de la société Générali, l'affaire devrait alors être renvoyée au tribunal ;

- à titre infiniment subsidiaire, sa responsabilité ne peut être engagée ;

- à titre encore plus subsidiaire, les fautes commises par le département, la commune, les conducteurs, les transports Joly et la victime sont de nature à atténuer sa responsabilité ;

- la garantie du département doit lui être apportée ;

- le montant des sommes réclamées n'est pas justifié.

- les demandes présentées par la SMABTP et la société Générali Iard tendant au versement d'intérêts au taux légal et de leur capitalisation n'ont pas été précédées de demandes indemnitaires préalables.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2023, la commune de Talensac et la SMACL assurances, représentées par Me Raffin, concluent :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la demande de la société Générali Iard ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet de tout engagement de responsabilité à l'encontre de la commune de Talensac et de son assureur ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la société Generali Iard la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de demande indemnitaire préalable, la demande de la société Générali Iard devant le tribunal était irrecevable faute de liaison du contentieux ;

- subsidiairement, la saisine du juge administratif est tardive comme étant intervenue plus d'un an après les courriers adressés à la commune et à son assureur ;

- aucune responsabilité ne peut lui être imputée ; l'accident étant survenu hors agglomération, l'entretien et la police de cette voie incombe au département et la région est devenue responsable des transports scolaires et interurbains à compter du 1er septembre 2017 ;

Par un mémoire enregistré le 28 février 2023, la société Axa France Iard, représentée par la SELARL Arc, conclut :

1°) à l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'un litige dans lequel un véhicule de la société transport Joly serait impliqué et au rejet de toutes conclusions présentées par la société Générali Iard ;

2°) à la condamnation de la société Générali Iard à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'en matière d'accident de la circulation, il n'appartient qu'au juge judiciaire de statuer sur le recours subrogatoire d'une société d'assurance à l'encontre d'une société assurant le ramassage scolaire à la suite d'un accident d'un usager de ce service avec un véhicule tiers ; les demandes formées à l'encontre des personnes chargées de ce service ne se rattachent pas à l'exercice de prérogatives de puissance publique.

Par une intervention enregistrée le 26 avril 2023, la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), représentée par Me Hardy-Loisel, conclut :

1°) à l'annulation du jugement n° 1906464 du 20 octobre 2022 ;

2°) à titre principal : à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Générali Iard présentées devant le tribunal administratif de Rennes ; à la condamnation des parties succombantes aux entiers dépens de première instance et d'appel et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Générali Iard sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire : à la condamnation du département d'Ille-et-Vilaine, la commune de Talensac et la région Bretagne à rembourser à la société Générali Iard les sommes versées aux victimes et à la CPAM à hauteur de la somme de 244 355,65 euros soit 126 455,27 euros pour la société Générali Iard et 117 900,38 euros pour la SMABTP ;

4°) si mieux n'aime, à la condamnation des responsables et leurs assurances à rembourser à la société Générali Iard la somme de 126 455,27 euros et à la SMABTP celle de

117 900,38 euros ;

5°) à ce que soit mis à la charge des parties succombantes les intérêts au taux légal sur la somme de 244 145,77 euros ;

6°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat les dépens et de lui allouer la somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'associe aux demandes de la société Générali Iard ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les courriers adressés à la commune, au département et à la région ne présentaient pas le caractère de demande indemnitaire préalable au sens de l'article R.541-1 du code de justice administrative ;

- la responsabilité de la commune, du département et de la région est susceptible d'être engagée dans la survenue de l'accident ;

- les collectivités sont responsables du défaut d'aménagement et d'entretien ainsi que de signalisation du lieu de ramassage scolaire ;

- la société Générali Iard est subrogée dans les droits des victimes, de la CPAM et de la SMABTP.

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2023, le département d'Ille-et-Vilaine représenté par Me Phelip, conclut :

1°) au rejet de la requête et à sa mise hors de cause ;

2°) subsidiairement, à la réduction des sommes demandées par la victime ;

3°) à titre plus subsidiaire, à ce que la commune de Talensac le garantisse des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

4°) à ce que soit mis à la charge de la société Générali Iard la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande est irrecevable en l'absence de demande indemnitaire préalable ; la requérante n'a pas qualité et intérêt pour agir pour demander la condamnation de la SMABTP ;

- sa responsabilité ne peut être recherchée dès lors que la compétence en matière de transports scolaires a été transférée à la région Bretagne à compter du 1er septembre 2017 ;

- sa responsabilité ne peut être recherchée dans la survenue de l'accident en l'absence de défaut d'entretien normal ou de signalisation ; la faute de la victime est à l'origine exclusive de l'accident ;

- les procès-verbaux des sommes versées par les assurances ne permettent pas d'apprécier l'étendue du préjudice en l'absence d'expertise médicale contradictoire ;

- la commune de Talensac devrait le garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Franzini représentant la société Générali Iard, de Me Berthou, représentant la SMACL, de Me Michelet, représentant la région Bretagne, de Me Chevet, représentant la société Axa France Iard et de Me Hardy, représentant la SMABTP.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 janvier 2015, alors qu'il traversait la route départementale n° 62 située sur le territoire de la commune de Talensac (Ille-et-Vilaine) afin de pouvoir prendre le car de ramassage scolaire qui était à l'arrêt, le jeune A... B..., âgé de 13 ans, a été violemment percuté par un premier véhicule assuré auprès la société Générali Iard. Il a été projeté sur le côté opposé de la voie et a ensuite été heurté par un second véhicule assuré auprès de la SMABTP. La société Générali Iard, qui a été amenée à verser une provision aux parents de la victime ainsi qu'à la CPAM d'Ille et Vilaine, a saisi le tribunal administratif de Rennes aux fins d'obtenir réparation par la commune de Talensac, le département d'Ille-et-Vilaine, la région Bretagne et la société transport Joly des sommes qu'elle a dû exposer en sa qualité de subrogée de son assurée. Aux termes du jugement attaqué, le tribunal a rejeté comme irrecevable, faute de réclamation indemnitaire préalable, la demande de la requérante.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public : " par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque (...) ". Cette disposition n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, de déroger aux règles normales de compétence applicables aux actions en responsabilité engagées sur un fondement autre que celui qui est seul visé par cette disposition.

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'action en responsabilité exercée par la société Générali Iard est fondée, s'agissant de ses conclusions dirigées contre la commune de Talensac, le département d'Ille-et-Vilaine et la région Bretagne sur le défaut d'aménagement et de signalisation du point d'arrêt du véhicule chargé dans ce secteur du service de transports scolaires. La requérante doit ainsi être regardée comme recherchant la responsabilité des personnes publiques mises en cause sur le fondement d'un dommage de travaux publics. Il s'ensuit que la juridiction administrative est compétente pour connaître de ces conclusions.

4. En revanche, en faisant état de la circonstance qu'un véhicule de transport scolaire appartenant à la société Transport Joly est impliqué dans l'accident, la requérante n'établit pas que le dommage se rattache à l'exercice d'une prérogative de puissance publique par cette personne morale de droit privé et qu'en conséquence, la juridiction administrative serait compétente pour connaître des conclusions dirigées contre la société Transport Joly. Par suite, en tant qu'elles sont dirigées contre la société Transport Joly, les conclusions de la société Générali Iard sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ainsi que l'allègue la société Axa Assurances. Il s'ensuit qu'en statuant sur ces conclusions, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu dès lors d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter sur les conclusions présentées devant le tribunal par la société Générali Iard à l'encontre la société Transport Joly comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur l'intervention de la SMABTP :

5. Est recevable à former une intervention, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. En l'espèce, eu égard à la teneur de ses écritures, la SMABTP, en sa qualité d'assureur du second véhicule ayant percuté le jeune A... B... et qui a remboursé à la société Générali Iard la somme de 117 900,38 euros correspondant à la moitié du montant acquitté par cette dernière, a intérêt à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Dès lors, il y a lieu d'admettre l'intervention de la SMABTP dans cette instance.

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".

7. En l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par un requérant, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif. Toutefois, les dispositions précitées n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

8. Par des courriers du 17 juillet 2015, notifiés le 21 juillet suivant à la commune de Talensac et au département d'Ille-et-Vilaine et du 17 mai 2018, notifié le 23 mai suivant à la région Bretagne, la société Générali Iard après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles est intervenu l'accident dont a été victime le jeune A... B... et notamment le fait que ce dernier a été heurté par un véhicule conduit par son assurée, et les éléments qui, selon elle, sont de nature à engager la responsabilité recherchée des personnes destinataires de ces courriers, a indiqué avoir été amenée à verser à la victime une provision et qu'une expertise était prévue en leur demandant si elles souhaitaient y participer. Par de nouveaux courriers du 10 février 2016, la société Générali Iard a demandé à la commune et au département de confirmer leur prise en charge de l'intégralité du sinistre. La PNAS, assureur du département, le 6 avril 2016, la SMACL, assureur de la commune, le 7 octobre 2016, la région de Bretagne, le 15 juin 2018, ont expressément porté à la connaissance de la société Générali Iard que, compte tenu des circonstances dans lesquelles l'accident était survenu, leur responsabilité ne pouvait être engagée.

9. Dans ces conditions, alors que la requérante, en invitant les collectivités à participer aux opérations d'expertise, doit être regardée comme s'étant réservée la possibilité de chiffrer son préjudice à l'issue de celles-ci, les courriers mentionnés ci-dessus, adressés par la société Générali Iard à la commune de Talensac, au département d'Ille-et-Vilaine et à la région Bretagne, présentent le caractère de réclamations indemnitaires préalables de nature à lier le contentieux au sens et pour l'application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

10. En deuxième lieu, les recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

11. Il résulte de l'instruction que la requérante qui, a saisi le 17 juillet 2015 la commune de Talensac d'une demande indemnitaire préalable, qui a été rejetée par son assureur le 7 octobre 2016, puis a présenté une nouvelle demande le 3 mai 2017, a saisi le premier juge par une demande qui a été enregistrée le 23 décembre 2019. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir motif pris de la tardiveté de la requête de la société Générali Iard opposée par la commune de Talensac tenant à la circonstance que le recours indemnitaire n'aurait pas été présenté dans un délai raisonnable à compter de la date de réception de sa réclamation préalable ne peut qu'être écartée.

12. En dernier lieu, la société Générali Iard, en sa qualité d'assureur du premier véhicule ayant heurté la jeune victime, justifie avoir versé aux parents de celle-ci et à la CPAM d'Ille-et-Vilaine des débours s'élevant à la somme totale de 244 145,77 euros. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires de la requérante présentées devant le TA en qualité de subrogée dans les droits de son assurée en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, sont recevables.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, le contentieux ayant été lié à l'égard de la commune de Talensac, du département d'Ille-et-Vilaine et de la région Bretagne, la société Générali Iard est fondée à soutenir que le tribunal a entaché le jugement attaqué d'irrégularité en ayant rejeté, comme irrecevables, pour défaut de décision liant le contentieux, ses conclusions indemnitaires dirigées à l'encontre de ces personnes publiques. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer la société Générali Iard devant le tribunal administratif de Rennes pour qu'il soit à nouveau statué sur lesdites conclusions.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Générali Iard, la commune de Talensac et la SMACL, la région Bretagne et la société Axa France Iard doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la SMABTP est admise.

Article 2 : Le jugement n° 1906464 du 20 octobre 2022 est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la société Générali Iard dirigées contre la société Transports Joly et Axa France Iard sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 4 : La société Générali France est renvoyée devant le tribunal administratif de Rennes pour qu'il soit statué sur sa demande en tant qu'elle est dirigée contre la commune de Talensac, le département d'Ille-et-Vilaine et la région Bretagne.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Talensac et la SMACL, le département d'Ille-et-Vilaine, la région Bretagne, la société transport Joly, la société Axa France Iard et la SMABTP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Générali Iard, à la commune de Talensac, à la société mutuelle d'assurances des collectivités locales, au département d'Ille-et-Vilaine, à la région Bretagne, à la société Transport Joly, à la société Axa France Iard, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et à la SMABTP.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Didier Salvi, président de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.

Le rapporteur,

C. Brisson

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A Martin

La république mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03906
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SATORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-26;22nt03906 ?
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