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26/05/2023 | FRANCE | N°22NT03294

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 mai 2023, 22NT03294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Russie comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202930 du 16 septembre 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2022, M. C..

., représenté par

Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2022 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Russie comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202930 du 16 septembre 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2022, M. C..., représenté par

Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 17 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer, dans le délai d'un mois, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins de procéder au réexamen de sa demande et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

1) la décision portant refus de titre de séjour :

- est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; le rapport du médecin rapporteur de l'OFII ne lui a pas été communiqué en dépit de sa demande ;

- le tribunal a omis de se prononcer sur la demande de production du rapport du médecin rapporteur de l'OFII ;

- l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu, ; sa pathologie impose une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une extrême gravité ; il est astreint à un suivi pluridisciplinaire ; il ne peut bénéficier d'un tel traitement dans son pays d'origine ;

2) la décision portant obligation de quitter le territoire :

- méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute de traitement disponible dans son pays d'origine ;

- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 2° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il réside en France depuis ses 13 ans, de sorte qu'il devait bénéficier de la protection contre l'éloignement prévue par l'alinéa 2 de l'article

L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette décision porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- et les observations de Me Chaumette représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant russe, né le 16 septembre 2003, est entré en France le 27 février 2017, accompagné de son frère mineur et de ses parents. Les demandes d'asile présentées par ces derniers ont été rejetées par la Cour nationale du droit d'asile le 2 novembre 2021. Par des arrêtés du 17 mai 2022, le préfet du Finistère a refusé de délivrer à M. et Mme A... et D... C... un titre de séjour au titre de l'asile et a rejeté leurs demandes d'admission exceptionnelle au séjour présentées sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... C..., devenu majeur le 16 septembre 2021, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 mai 2022, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un tel titre, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 16 septembre 2022, dont M. C..., relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige, qui expose avec suffisamment de précision les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 212-2 et L. 212-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision contestée, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Finistère, qui a examiné la situation personnelle de

M. C..., se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut dès lors qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) La décision de délivrer cette carte est prise par l'autorité administrative après avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.

6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération, notamment, l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

7. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par le requérant, le préfet du Finistère s'est fondé sur l'avis, qui est suffisamment motivé, émis le 4 avril 2022 par le collège de médecins de l'OFII qui, au vu du dossier médical de l'intéressé et après convocation de ce dernier a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, et peut voyager sans risque vers son pays.

8. M. C... fait valoir, ainsi qu'il ressort des certificats médicaux qu'il produit du

28 mars 2022, qu'il souffre d'une pathologie endocrinologique à répercussion multiviscérale nécessitant un suivi régulier et ayant rendu nécessaire en 2021 l'ablation d'un adénome au niveau de l'hypophyse ainsi que d'une pathologie rachidienne nécessitant un suivi clinique régulier susceptible de faire l'objet d'une sanction chirurgicale et soutient que son état de santé justifie un traitement permanent dont il ne pourra bénéficier dans son pays d'origine. Il se prévaut à cet égard d'un certificat émanant d'un chirurgien orthopédiste, traduit le 20 juin 2022, indiquant qu'une intervention chirurgicale a été refusée à l'intéressé dans une clinique de la ville de Rostov-sur-le-Don en raison d'un manque d'équipement approprié et d'autre part, de deux articles de presse, de portée très générale, ainsi que d'un extrait du rapport annuel d'Amnesty International pour 2021-2022 faisant état des difficultés rencontrées par le système hospitalier russe dans le contexte de pandémie liée au covid.

9. Ces éléments ne sont toutefois pas, à eux seuls, de nature à contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII et à établir que l'intéressé ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à ses besoins dans son pays d'origine.

10. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de l'OFII, que le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

11. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.(...) ".

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus aux points 5 à 9, le moyen tiré de la violation par le préfet des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Par ailleurs les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du même code ne sont applicables qu'aux étrangers résidant habituellement en France depuis, au plus, l'âge de 13 ans. Or, en l'espèce, lorsque le requérant, né le 16 sept 2003, est entré accompagné de ses parents en France, en février 2017, il avait alors plus de 13 ans. Dans ces conditions, et à supposer même que, comme il le soutient sans toutefois l'établir, l'intéressé aurait séjourné avec ses parents sur le territoire national entre septembre 2011 et juillet 2014, M. C... ne peut être regardé comme ayant résidé habituellement en France au sens du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile depuis qu'il a atteint au plus l'âge de

13 ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des 2° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

14. Enfin, la circonstance tirée de ce que M. C... est scolarisé en France depuis 2017 et qu'il devait se présenter, en juin 2022, aux épreuves anticipées du baccalauréat n'est pas à elle seule de nature à démontrer une intégration particulière à la société française. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il a été porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03294
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-26;22nt03294 ?
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