Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler notamment l'arrêté du 31 décembre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par une ordonnance n° 2201268 du 15 février 2022, le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au tribunal administratif de Rennes le dossier de la requête de M. B....
Par un jugement n° 2200809 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 septembre 2022, M. B..., représenté par
Me Chaumette, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 mai 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 31 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article
L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne pouvait légalement se fonder sur l'existence d'une menace à l'ordre public pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision de refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est illégale au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 22 mars 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen tiré de la violation de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et que les autres moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson
- et les observations de Me Chaumette représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 12 mai 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 1er décembre 1995, est entré irrégulièrement en France entre 2007 et 2009, selon ses déclarations. L'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour par une demande datée du 30 novembre 2018. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B.... Cet arrêté vise notamment les dispositions des articles L. 423-7, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et fait état des principaux éléments caractérisant la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressé et celle de son enfant mineur. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant doivent être écartés.
3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
4. M. B... soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est illégale, dès lors qu'il est au nombre des étrangers pouvant prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que le requérant est père d'une enfant née en France le 9 juin 2015 de son union avec une ressortissante portugaise, aucun élément ne permet d'établir que cet enfant, bien que titulaire d'une carte nationale d'identité française délivrée le 7 juin 2022, possédait la nationalité française à la date de l'arrêté contesté. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Par suite, M. B..., qui ne justifie pas de sa qualité de parent d'enfant français à cette même date, ne peut utilement se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
6. M. B... soutient que l'atteinte à l'ordre public et le non-respect des principes républicains résultant, selon le préfet de la Loire-Atlantique, du comportement délictueux de l'intéressé et de la réponse pénale qui lui a été apportée, ne permettaient pas de fonder légalement un refus de délivrance de titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles soumettent cette possibilité à l'existence d'une menace pour l'ordre public. Il ressort toutefois des pièces du dossier et des termes de l'arrêté contesté que le préfet s'est expressément fondé, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour au requérant, sur la menace pour l'ordre public que caractérisaient son comportement et les condamnations dont il avait fait l'objet. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées doit être écarté.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du bulletin n°2 du casier judiciaire de M. B... que l'intéressé a fait l'objet, entre 2014 et 2020, de neuf condamnations pénales à des peines d'amendes, de travail d'intérêt général et d'emprisonnement pour des périodes comprises entre un et trente mois et pour une durée cumulée de quatre ans, en raison d'infractions, pour certaines réitérées, commises notamment en matière de stupéfiants, de conduite de véhicule sans permis, sous l'empire d'un état alcoolique et de stupéfiants, de violences et menaces de mort dans un contexte conjugal, de port d'arme prohibé, de vol et d'inexécution de la peine de travail d'intérêt général. Eu égard à la nature, la gravité et la répétition des faits commis par le requérant, ainsi qu'à leur caractère relativement récent, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement, sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".
9. M. B... se prévaut d'une présence au moins depuis 2009 sur le territoire français, où il a suivi deux années de collège puis bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dans le cadre d'un contrat d'accueil provisoire entre novembre 2011 et janvier 2013, de la présence de son enfant né en 2015 et de la relation qu'il entretient depuis mai 2018 avec une ressortissante française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, dont la continuité de sa présence en France entre 2013 et 2016 n'est pas démontrée et qui s'y est maintenu irrégulièrement ou à l'occasion de périodes d'incarcération, n'établit pas qu'il participerait à l'entretien et à l'éducation de sa fille ou qu'il entretiendrait avec elle des liens particuliers. Il ne justifie pas davantage de l'intensité et de la stabilité de la relation de couple qu'il invoque, compte tenu notamment de son parcours carcéral. Le requérant, qui ne conteste pas sérieusement la présence dans son pays d'origine de son père et de sa sœur, n'établit pas y être dépourvu de toute attache. Il ne justifie ni d'une perspective professionnelle précise ni, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 7, d'une particulière intégration. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et de la menace pour l'ordre public que constitue la présence en France de M. B..., la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Loire-Atlantique n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
11. En se prévalant de sa situation telle qu'exposée au point 9, M. B... n'établit pas, compte tenu notamment de la menace pour l'ordre public que constitue sa présence en France, que le préfet de la Loire-Atlantique aurait commis une illégalité en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, tirés de l'absence de lien particulier entre le requérant et son enfant mineur résidant en France, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour prise à son encontre, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
14. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. B... ne justifie ni de sa qualité de parent d'enfant français à la date de l'arrêté contesté, ni de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article
L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. M. B... qui ne justifie pas être entré en France avant l'année 2009, n'est pas davantage fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre méconnaîtrait les dispositions du 2° du même article.
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9 du présent arrêt, la décision contestée obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Loire-Atlantique n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 26 mai 2023.
La rapporteure
C. Brisson
Le président
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT030162