La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2023 | FRANCE | N°22NT01718

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 mai 2023, 22NT01718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 mars 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) de ... l'a suspendu à titre conservatoire de ses activités cliniques et thérapeutiques.

Par un jugement n° 1902142 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, le centre hospitalier de ..., représenté par Me Coudray, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 avril 2022 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 mars 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) de ... l'a suspendu à titre conservatoire de ses activités cliniques et thérapeutiques.

Par un jugement n° 1902142 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, le centre hospitalier de ..., représenté par Me Coudray, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors d'une part, que le tribunal a visé, analysé et tenu compte de son dernier mémoire produit postérieurement à la clôture d'instruction sans l'avoir communiqué à M. A..., et d'autre part, que le " mémoire en duplique n° 2 " présenté pour M. A... lui a été communiqué 1 heure 42 minutes avant la clôture d'instruction sans que l'instruction n'ait été rouverte afin de lui laisser un délai suffisant pour répondre ;

- la mesure de suspension litigieuse n'est pas entachée d'erreur dans l'appréciation de la mise en péril de la continuité des soins et de la sécurité des patients.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Manise, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier de ... une somme de 1500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le centre hospitalier de ... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Saulnier, représentant le centre hospitalier de ..., et de Me Manise, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., praticien hospitalier, a exercé les fonctions de médecin anesthésiste au sein du service d'anesthésie du centre hospitalier de .... Par décision du 12 mars 2019, le directeur du centre hospitalier l'a suspendu à titre conservatoire de ses activités cliniques et thérapeutiques. Le centre hospitalier de ... relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...)

La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".

3. D'une part, le mémoire présenté pour M. B... A... et enregistré le 25 février 2021 au greffe du tribunal administratif de Rennes, tendait aux mêmes fins et développait les mêmes moyens que les précédents mémoires de l'intéressé. Dès lors que la teneur de ce mémoire n'est pas substantiellement différente de celle des précédents mémoires, sa communication au centre hospitalier de ... juste avant la clôture d'instruction, sans réouverture de celle-ci, n'est pas irrégulière. En toute hypothèse, le centre hospitalier de ... y a répondu par un mémoire, enregistré le 3 mars 2021, qui a été pris en considération par le tribunal.

4. D'autre part, la circonstance que le mémoire du centre hospitalier de ..., enregistré le 3 mars 2021, a été analysé par les premiers juges et que ceux-ci ont statué sur les conclusions qu'y étaient présentées, alors que ce mémoire est postérieur à la clôture de l'instruction et qu'il n'a pas été communiqué à M. A..., n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard du centre hospitalier. Dès lors, le centre hospitalier ne peut utilement s'en prévaloir.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. S'il appartient, en cas d'urgence, au directeur général de l'agence régionale de santé compétent de suspendre, sur le fondement de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, le droit d'exercer d'un médecin qui exposerait ses patients à un danger grave, le directeur d'un centre hospitalier, qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du même code, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut toutefois, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider lui aussi de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

6. Le directeur du centre hospitalier de ... a suspendu le docteur B... A..., médecin anesthésiste, de ses activités cliniques et thérapeutiques, à compter du 12 mars 2019, au motif que sa pratique et son comportement étaient à l'origine d'une situation présentant un risque pour la continuité du service. Le centre hospitalier fait en outre valoir à l'appui de sa requête que la mesure de suspension en litige est également motivée par les risques pour la sécurité des patients que faisait courir le comportement de M. A... dans l'exercice de ses fonctions.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'au sein du service d'anesthésie du centre hospitalier de ..., de sérieuses difficultés relationnelles consécutives au comportement du docteur A..., opposaient ce dernier à trois autres médecins anesthésistes du service. Ces tensions, qui avaient déjà été mises à jour en 2014, se sont de nouveau cristallisées au cours de l'année 2018, au point que l'une des praticiennes concernées a signalé au chef de service et au chef de pôle cette situation et son impact sur le fonctionnement du service et sur l'exercice serein par les praticiennes intéressées de leurs missions. Il est en particulier reproché à M. A... des propos agressifs envers ces trois anesthésistes, un refus de communiquer oralement avec elles, notamment dans le cadre des transmissions à l'issue des gardes, et plus généralement un refus de se plier aux protocoles décidés en réunion. Toutefois, si le refus du docteur A... d'appliquer certains protocoles et le non-respect des règles de constitution des plannings de garde ont pu perturber le bon fonctionnement du service, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce comportement du docteur A... ait été de nature à mettre en péril la continuité du service ou la sécurité des patients. Sans remettre en cause l'importance de la communication au sein du service entre les praticiens, et plus généralement les professionnels de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus du docteur A... de communiquer oralement avec les trois praticiennes au moment des transmissions ait été de nature à mettre en péril la sécurité des patients. Enfin, s'il est constant que trois praticiennes du service dénoncent les propos agressifs du docteur A..., voire une attitude qu'elles qualifient de harcèlement moral à leur égard, et que l'une d'elles a fait savoir au mois de décembre 2018 qu'à défaut d'intervention rapide, elle quitterait ses fonctions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la continuité du service d'anesthésie ait été mise en péril. Dans ces conditions, bien que le comportement de M. A... à l'égard des trois anesthésistes de son service eût pu justifier l'engagement d'une procédure disciplinaire, il ne peut être regardé comme caractérisant des circonstances exceptionnelles permettant au directeur de l'établissement hospitalier de le suspendre de ses activités cliniques et thérapeutiques. Dès lors, le directeur du centre hospitalier de ... a fait une inexacte application des principes rappelés au point 5 en estimant que le comportement de M. A... lui permettait de suspendre à titre conservatoire l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de ... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 12 mars 2019 par laquelle son directeur a prononcé à l'égard du docteur A... une mesure de suspension.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de ... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cet établissement de santé une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de ... est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier de ... versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de ... et à M. B... A....

Une copie en sera transmise, pour information, à l'agence régionale de santé.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01718
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-26;22nt01718 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award