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05/05/2023 | FRANCE | N°22NT03097

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 mai 2023, 22NT03097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier l'a suspendue de ses fonctions dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid 19 à compter du 15 octobre 2021, dans sa version issue de sa révision du 6 avril 2022 qui fixe la date de suspension à la reprise du travail à l'issue de son congé de maladie.

Par une ordonnance du 25 juillet 2022, le président de la 4ème chambr

e du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier l'a suspendue de ses fonctions dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid 19 à compter du 15 octobre 2021, dans sa version issue de sa révision du 6 avril 2022 qui fixe la date de suspension à la reprise du travail à l'issue de son congé de maladie.

Par une ordonnance du 25 juillet 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, Mme C..., représentée par

Me Hubert, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 25 juillet 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 21 septembre 2021 modifiée par celle du 6 avril 2022,

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Guillaume Régnier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative,

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle méconnaît le principe du contradictoire et l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le changement de situation induit par la prise en compte par le centre hospitalier de son arrêt pour maladie devait conduire à ce que tant elle-même que le centre hospitalier puissent s'expliquer ;

- cette ordonnance est insuffisamment motivée s'agissant de la qualification de partie perdante ;

- la décision de suspension est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle ne peut concerner que des agents en situation de travail effectif ; le centre hospitalier a procédé à une suspension prématurée.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2023, le centre hospitalier Guillaume Régnier, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés,

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2021-2245 du 21 septembre 2021, le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier a suspendu Mme C..., aide-soignante dans cet établissement à compter du 17 septembre 2021. Par une seconde décision n° 2022-160 du 6 avril 2022, il a été décidé que la suspension entrerait en vigueur à compter de la fin du congé de maladie de l'intéressée. Par une ordonnance n°2105837 du 25 juillet 2022, dont Mme C... relève appel, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 septembre 2021 telle que modifiée par celle du

6 avril 2022.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) " et aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs (...) peuvent par ordonnance : 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".

3. A la suite de la mesure d'instruction diligentée par le tribunal, des pièces complémentaires, produites par le centre hospitalier, et notamment la décision du 6 avril 2022, ont été communiquées à la requérante le 9 mai 2022 avec la mention " dans le cas où ce mémoire appellerait des observations de votre part, celles-ci devront être produites en deux exemplaires dans les meilleurs délais ". De telles indications ne permettaient pas, à

Mme C..., en l'absence de date déterminée, de connaître de façon certaine le délai dans lequel elle était invitée à produire ses observations en réplique et, en l'absence d'audience publique, elle n'a, en outre, pas été mise en mesure de les faire éventuellement valoir avant que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes ne se prononce le 25 juillet 2022. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que les exigences du caractère contradictoire de la procédure ont été méconnues. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de son défaut de motivation, que l'ordonnance attaquée, rendue à la suite d'une procédure irrégulière, doit être annulée.

4. Il y a lieu, pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de la décision en litige :

5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. ".

6. Aux termes du 2° du II du C de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 modifiée par la loi du 5 août 2021 : " Lorsqu'un agent public soumis à l'obligation prévue aux 1° et 2° du A du présent II ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s'il ne choisit pas d'utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail. Cette suspension, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent produit les justificatifs requis. / Lorsque la situation mentionnée au premier alinéa du présent 2 se prolonge au-delà d'une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur convoque l'agent à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation ".

7. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, modifiant l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ayant le même objet : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique. (...). ". Et aux termes du 1er alinéa du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. ".

8. En premier lieu, les agents qui comme l'intéressée sont soumis à l'obligation de vaccination obligatoire en raison de la nature de leurs fonctions et de l'établissement dans lequel ces fonctions sont exercées, relèvent des dispositions spéciales prévues dans le chapitre II de la loi du 5 août 2021 et en particulier de ses articles 12 à 14, et non des dispositions générales prévues au chapitre Ier de cette même loi et notamment de son article 1er. Il s'ensuit que

Mme C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 2 du C du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 mentionnées ci-dessus qui, eu égard à la profession exercée par l'intéressée au sein d'un centre hospitalier, présentent un caractère inopérant.

9. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée, qui ne présentent pas le caractère d'une sanction, ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

10. En l'espèce, l'intéressée justifie d'arrêts de travail pour cause de maladie jusqu'au 28 octobre 2021. Si en application des dispositions précitées, aucune suspension ne peut intervenir durant la période d'arrêt de travail pour maladie, c'est sans commettre d'erreur de droit que le centre hospitalier Guillaume Régnier a pu décider que la suspension de fonction critiquée prendrait effet à l'expiration du congé maladie de l'intéressée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la requérante, disposait de jours de congés annuels qu'elle aurait pu utiliser.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions présentées par

Mme C... tendant à que ce que le centre hospitalier lui verse sa rémunération au cours de la période de suspension et assimile cette période à une période de travail effectif ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Guillaume Régnier qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme C... ne peuvent dès lors être accueillies.

14. En revanche, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de Mme C..., la somme de 200 euros qui sera versée au centre hospitalier Guillaume Régnier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°2105837 du 25 juillet 2022 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 3 : Mme C... versera au centre hospitalier Guillaume Régnier la somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au centre hospitalier Guillaume Régnier.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03097
Date de la décision : 05/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-05;22nt03097 ?
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