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25/04/2023 | FRANCE | N°22NT02746

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 25 avril 2023, 22NT02746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 25 mai 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités autrichiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa si

tuation dans les meilleurs délais et sous la même astreinte, enfin de mettre à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 25 mai 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités autrichiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les meilleurs délais et sous la même astreinte, enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ledit conseil de renoncer à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2207000 du 9 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2022, M. B..., représenté par Me Dahani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2022 du président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 25 mai 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités autrichiennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert méconnait les dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, en particulier de son état de santé ;

- l'arrêté de transfert méconnait les articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait de l'existence de défaillances systémiques de l'Autriche en matière de traitement des demandes d'asile ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 compte tenu de sa situation de particulière vulnérabilité du fait de son état de santé.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 octobre et 13 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il informe la cour que M. B... a été déclaré en fuite et que le délai de transfert de l'intéressé aux autorités autrichiennes a été prolongé jusqu'au 9 décembre 2023 et fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les observations de Me Dahani, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, né le 18 août 1995 à Baghlan (Afghanistan) est entré irrégulièrement en France le 1er avril 2022. Sa demande d'asile a été enregistrée le 22 avril 2022 par les services de la préfecture de police de Paris. La consultation du système Eurodac a révélé que ses empreintes digitales ont été relevées par les autorités autrichiennes le 18 mars 2022 lors de son entrée dans ce pays. Consécutivement à leur saisine le 2 mai 2022, les autorités autrichiennes ont, le 9 mai 2022, expressément accepté de reprendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 25 mai 2022, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. B... aux autorités autrichiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur l'arrêté de transfert :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Aux termes des dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

3. M. B... a été reçu en entretien individuel le 22 avril 2022 à la préfecture de police de Paris. Si les agents de cette préfecture recevant les étrangers au sein du guichet des demandeurs d'asile mis en place doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article, le compte-rendu de l'entretien du 22 avril 2022 ne porte ni la signature de la personne ayant mené l'entretien, ni aucune mention sur l'identité de cette personne, ni même de simples initiales désignant un agent de préfecture. Le tampon " S4 " apposé sur ce compte-rendu qui se réfère, selon l'intimé, au 12ème bureau de la Délégation à l'immigration, ne peut, compte tenu de ses mentions sommaires, suppléer ces carences. Dans ces conditions, l'entretien ne saurait être regardé comme ayant été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, ce qui prive M. B... d'une garantie. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

4. Aucun des autres moyens de la requête n'étant de nature à induire une autre injonction que le réexamen de la demande de M. B..., il y a lieu d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer la demande de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au profit du conseil de M. B..., la somme de 1500 euros déterminée dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 109 du décret du 28 décembre 2020.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2207000 du tribunal administratif de Nantes du 9 juin 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. B... aux autorités autrichiennes est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la situation de M. B....

Article 4 : Le versement de la somme de 1500 euros à Me Dahani est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 109 du décret du 28 décembre 2020.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.

Le rapporteur,

O. A...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. BONNIEU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02746
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : DAHANI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-25;22nt02746 ?
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