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07/04/2023 | FRANCE | N°22NT03257

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 avril 2023, 22NT03257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Redon-Carentoir l'a suspendue de ses fonctions dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid-19.

Par une ordonnance n° 21058232 du 11 août 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 octobre 20

22 et 17 février 2023, Mme D..., représentée par Me Hubert, demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Redon-Carentoir l'a suspendue de ses fonctions dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid-19.

Par une ordonnance n° 21058232 du 11 août 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 octobre 2022 et 17 février 2023, Mme D..., représentée par Me Hubert, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 août 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 20 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Redon de lui verser à compter du 20 septembre 2021 et pendant toute la durée de la suspension, la rémunération à laquelle elle a droit dans le cadre de l'exercice effectif de ses fonctions, d'assimiler la période de suspension à une période de travail effectif pour la détermination de ses droits à congés payés et pour ses droits à l'ancienneté et de régulariser sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Redon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce que :

. le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le centre hospitalier de Saint- Malo aurait dû être invité à présenter ses observations propres à permettre un débat contradictoire ;

. cette ordonnance statue infra-petita en ce qu'elle ne s'est pas prononcée sur les moyens qu'elle avait soulevés ;

- l'auteur de la décision de suspension n'était pas compétent ;

- la procédure de suspension prévue par le 2 du II-C de la loi du 5 août 2021 n'a pas été respectée ; le centre hospitalier n'a pas recueilli sa position avant de prendre sa décision de suspension ;

. elle n'a pas été invitée à faire valoir ses droits à congés payés et a ainsi été privée des garanties liées à l'exercice de son activité professionnelle ;

- l'annulation de la décision en litige implique que les salaires et avantages qui y sont liés lui soient versés à compter du 20 septembre 2021 et sur toute la période de suspension.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 novembre 2022, régularisé le

2 décembre 2022, et le 27 février 2023, le centre hospitalier intercommunal Redon-Carentoir, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme D..., la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 20 septembre 2021, le directeur du centre hospitalier de Redon-Carentoir a suspendu de ses fonctions Mme C... D..., infirmière diplômée d'État, dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid 19 à compter du 16 septembre 2022. Par une ordonnance n° 2105823 du 11 août 2022, dont Mme D... relève appel, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif, (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux ( ) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. La requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu au détriment du centre hospitalier au cours de l'instance devant le tribunal. Au demeurant, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Rennes que le premier juge, saisi de la demande de Mme D..., a communiqué cette demande au centre hospitalier de Redon qui a produit, le 27 décembre 2021, un mémoire en défense lui-même communiqué à l'intéressée le 29 décembre suivant en lui impartissant un délai d'un mois pour y répliquer si elle le jugeait utile. Il s'ensuit que le moyen soulevé par Mme D... et tiré de ce que le centre hospitalier n'aurait pas été invité à faire valoir ses observations sur les faits et moyens exposés par elle, de sorte que le principe du contradictoire et les stipulations des articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues, manque, en tout état de cause, en fait.

4. En second lieu, il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que le premier juge a répondu à l'ensemble des moyens qui étaient soulevés devant lui. Au demeurant, si la requérante soutient que l'ordonnance attaquée aurait omis de se prononcer sur un ou des moyens qu'elle aurait présentés devant le premier juge, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. Ainsi, l'ordonnance attaquée n'est pas entachée d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 septembre 2021 :

6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article D. 6143-34 de ce code : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ;

3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. " et aux termes de l'article D. 6143-35 : " Les délégations mentionnées à la présente sous-section, de même que leurs éventuelles modifications sont notifiées aux intéressés et publiées par tout moyen les rendant consultables. (...) ". L'article R. 6143-38 du même code qui s'applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du même code, prévoit que les décisions réglementaires des directeurs des établissements publics de santé " sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers sont publiées sur le site internet de l'établissement. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège (...) ".

7. Par une décision du 10 décembre 2020, le directeur du centre hospitalier de Redon a donné délégation à Mme A... B..., directrice des ressources humaines, signataire de la décision en litige, à l'effet de signer notamment " toute pièce administrative et tout courrier afférents à la gestion des personnels " à la seule exception des personnels de direction. Cette décision a fait l'objet d'un affichage sur le site internet de l'établissement conformément aux dispositions citées au point précédent. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision en litige doit être écarté.

8. L'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose que : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I (...) ". L'article 14 de cette loi prévoit que :

" I. (...) B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de

l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...). Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".

9. Mme D..., ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 2 du C du II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa version issue de l'article 1er de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dès lors qu'étant infirmière diplômée d'Etat exerçant dans un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, sa situation ne peut être régie que par les dispositions, de caractère spécial, du chapitre 2 de la loi du 5 août 2021, en particulier les dispositions citées au point précédent, et non par celles qui, comme le texte de la disposition qu'elle cite, relèvent des dispositions générales de la loi.

10. Par ailleurs, les dispositions mentionnées ci-dessus de l'article 14 de la loi du

5 août 2021 prévoient que l'employeur doit informer l'agent public des conséquences de l'interdiction faite à un agent non vacciné de poursuivre l'exercice de son activité ainsi que des moyens de régulariser sa situation.

11. Il ressort des pièces du dossier que, par une note de service du 10 août 2021 affichée dans les locaux du centre hospitalier et un courrier du 18 août suivant joint au bulletin de paie, le centre hospitalier a informé ses agents des modalités de mise en œuvre de l'obligation vaccinale s'imposant à eux et rappelait les conséquences du non-respect de cette obligation ainsi que des moyens de régulariser leur situation. N'ayant pas produit les justificatifs requis, Mme D... a été reçue le 16 septembre 2021 par la directrice des ressources humaines et à cette occasion un courrier de suspension lui a été remis en lui impartissant un nouveau délai de 3 jours pour régulariser sa situation et en l'invitant à un nouvel entretien le 20 septembre 2021. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée des garanties découlant de l'exercice de ses fonctions professionnelles.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D... ne peuvent être accueillies.

Sur les frais du litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettent pas d'en faire bénéficier la partie perdante ou tenue aux dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la requérante ne peuvent dès lors qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D... la somme de

200 euros qui sera versée au centre hospitalier de Redon au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera au centre hospitalier de Redon-Carentoir la somme de

200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au centre hospitalier de Redon-Carentoir.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

La rapporteure,

C. E...

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03257
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-07;22nt03257 ?
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