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24/03/2023 | FRANCE | N°22NT02165

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 mars 2023, 22NT02165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme A... E..., née D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 1er février 2022 du préfet du Finistère leur refusant la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n°s 2201198, 2201199 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregist

rée sous le numéro 22NT02165 le 6 juillet 2022, Mme E..., représentée par Me Maony, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme A... E..., née D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 1er février 2022 du préfet du Finistère leur refusant la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n°s 2201198, 2201199 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le numéro 22NT02165 le 6 juillet 2022, Mme E..., représentée par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 juin 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2022 du préfet du Finistère pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- en l'absence de possibilité de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.

II - Par une requête enregistrée sous le numéro 21NT02167 le 6 juillet 2022, M. E..., représentée par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 juin 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2022 du préfet du Finistère pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M et Mme E..., ressortissants arméniens nés respectivement les 31 mars 1969 et 25 mars 1977, seraient entrés en France le 21 janvier 2020, selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions du 19 mars 2020 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par une décision du 29 juillet 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés du 14 septembre 2020, le préfet du Finistère a obligé les intéressés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 2 décembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. M. et Mme E... ont ensuite bénéficié, en raison de l'état de santé de Mme E..., d'autorisations provisoires de séjour valables jusqu'au 4 janvier 2022. M. et

Mme M. E... ont sollicité la délivrance de titres de séjour le 29 octobre 2021, respectivement sur le fondement de l'article L. 425-9 et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 1er février 2022, le préfet du Finistère a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation de ces arrêtés. Les requêtes des intéressés enregistrées respectivement sous les numéros 22NT02165 et 21NT02167, sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

En ce qui concerne l'arrêté pris à l'encontre de Mme E... :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Par son avis du 29 décembre 2021 que le préfet du Finistère s'est approprié, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé notamment que si l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. L'intéressée, qui souffre d'un diabète de type II, compliqué d'une neuropathie, de troubles visuels, d'une néphropathie et d'hypertension artérielle, fait valoir que son état de santé nécessite un suivi médical et la prise d'un traitement composé d'une dizaine de médicaments, dont deux, le Victoza 6 mg/ml, antidiabétique injectable et le Kardégic 75 mg, antiagrégant plaquettaire, ne seraient pas disponibles en Arménie. Toutefois, l'intéressée n'établit pas, par les seuls courriels censés émaner des fabricants de ces deux médicaments et faisant état de l'indisponibilité actuelle du premier en Arménie et de la non-commercialisation du second dans ce pays, qu'elle ne pourrait accéder dans son pays à des médicaments aux mêmes substances actives, respectivement le liraglutide et l'acide acétylsalicylique (aspirine) et, en tout état de cause, à un traitement approprié à son état de santé, alors qu'aucun des documents médicaux produits au dossier ne fait état ni du caractère non remplaçable ou indispensable des deux médicaments précités, ni d'une impossibilité de prise en charge de la requérante dans son pays d'origine. Les considérations générales sur le système de santé en Arménie qu'invoque Mme E... ne permettent pas davantage de remettre en cause le sens de l'avis précité du collège de médecins de l'OFII et d'établir qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'une prise en charge appropriée à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en refusant de délivrer à la requérante un titre de séjour pour raisons médicales, le préfet du Finistère aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

4. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme E... à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté, au point 13 de leur jugement, le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme E... à quitter à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Mme E... n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 3, qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office aurait, compte tenu de son état de santé, été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

En ce qui concerne l'arrêté pris à l'encontre de M. E... :

7. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".

8. Si M. E... se prévaut d'un statut d'accompagnant d'étranger malade auprès de son épouse, il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point 3, que cette dernière ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. L'intéressé, dont la présence en France est récente, qui a effectué quelques missions d'intérim au cours de l'année 2021 et qui ne justifie ni d'une particulière intégration ni d'une impossibilité de reconstituer sa cellule familiale en Arménie, son épouse faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, n'établit pas qu'il disposerait en France de liens personnels et familiaux d'une intensité, d'une ancienneté et d'une stabilité telles que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. E... à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.

Article 2 Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., née D..., à M. B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.

La rapporteure

C. C... Le président

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 22NT02165, 22NT021672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02165
Date de la décision : 24/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-24;22nt02165 ?
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