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24/03/2023 | FRANCE | N°22NT00083

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 mars 2023, 22NT00083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le président du conseil départemental F... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 11 avril 2018.

Par un jugement n° 1903426 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, le département F..., représentée par Me Magnaval, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2021 et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le président du conseil départemental F... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 11 avril 2018.

Par un jugement n° 1903426 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, le département F..., représentée par Me Magnaval, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2021 et de rejeter la demande de Mme E... devant le tribunal ;

2°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas analysé ses écritures, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé, en se fondant sur les dispositions non applicables au litige de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, que l'entretien du 11 avril 2018 devait être qualifié d'accident de service, dès lors que l'échange qui a eu lieu à cette occasion n'a pas excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et que le choc psychologique ressenti par l'intéressée ne présente pas de lien suffisamment direct et certain avec le service pour qu'il lui soit imputable ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, Mme E..., représentée par Me Delest, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du département F... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le département F... ne sont pas fondés ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Potterie, représentant le département F..., et de Me Delest, représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... est employée depuis 2008 par le département F... en qualité d'attachée territoriale, puis à compter du 1er décembre 2017 en qualité d'attachée principale. Après avoir été responsable de la circonscription des solidarités sur le secteur de C..., l'intéressée a été nommée à compter de 2011 chef de service de l'action sociale de ce secteur et chef du pôle social pour l'ensemble du territoire de la maison du département de B.... Le 3 novembre 2015, elle a été affectée au sein d'un groupe de travail sur la réforme des politiques sociales constitué par le président du conseil départemental et regroupant une dizaine d'agents sous l'autorité d'un conseiller spécial en charge de cette réforme. A compter du 1er septembre 2016, elle a été nommée conseillère spéciale auprès du directeur général adjoint " attractivité et animation du territoire ". Le 30 avril 2018,

Mme E... a déclaré un accident de service pour des faits survenus le 11 avril 2018, et a sollicité la prise en charge à ce titre de ses arrêts de travail à compter du 12 avril 2018. La commission de réforme a émis, le 28 février 2019, un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 11 avril 2018. Par un arrêté du 29 avril 2019, le président du conseil départemental F... a toutefois refusé de faire droit à la demande de Mme E... et a placé celle-ci en congé de maladie ordinaire du 12 avril 2018 au 2 septembre 2018 à plein traitement jusqu'au 7 juillet 2018, puis à demi-traitement à compter de cette dernière date. Par un jugement du 12 novembre 2021, le tribunal a annulé cet arrêté. Le département F... relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la décision en litige : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...). / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...). II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ".

3. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'une réunion d'information destinée aux encadrants des pôles sociaux en animation fonctionnelle du département était prévue le 12 avril 2018 dans le cadre de la déclinaison de la réforme sociale. Il ressort en particulier de la déclaration d'accident de service établie par Mme E... que celle-ci avait interrogé par écrit le directeur général adjoint " animation du territoire " le 9 avril précédent sur le point de savoir si elle devait participer à cette réunion et que ce dernier lui avait indiqué, en réponse, qu'il devait faire le point avec la directrice générale des services et revenir vers elle. Le matin du 11 avril 2018,

Mme E... a relancé le directeur général adjoint sur la question de sa participation à la réunion du lendemain. En fin de matinée, ce dernier a reçu Mme E... dans son bureau en entretien et lui a indiqué que la directrice générale ne voulait pas qu'elle y participe. Selon les mentions portées dans la déclaration d'accident de service, le directeur général adjoint lui aurait déclaré, pour justifier la décision, que sa présence irritait. Qu'interrogé par l'intéressée pour savoir qui sa présence irritait, le directeur général adjoint a alors indiqué, qu'il s'agissait de beaucoup de personnes au pôle solidarité notamment et que sa connaissance très précise des dossiers dérangeait. Dans un rapport établi sur ces faits, le directeur général adjoint a reconnu avoir informé Mme E... qu'elle ne participerait pas à la réunion prévue le lendemain, soutenant pour sa part lui avoir déclaré qu'il n'irait pas jusqu'à dire que sa présence irritait mais qu'il avait constaté que leurs collègues n'avaient pas le même comportement lorsqu'elle était présente et que ceux-ci avaient une certaine gêne à exposer leurs idées, vraisemblablement compte tenu de son sens critique.

5. Or, d'une part, même si Mme E... avait pris part à la conception de la réforme sociale départementale, en sa qualité de membre d'un groupe de travail constitué sur ce sujet, et avait déjà été invitée à des réunions sur la mise en œuvre de cette réforme en mars 2018 notamment, il ressort de la fiche de poste de l'intéressée que celle-ci avait en particulier des fonctions de conseil technique en matière de politiques sociales territorialisées et de développement territorial et assurait à ce titre un conseil et un appui technique auprès de la direction générale et des élus sur le volet social et territorial. Au regard des fonctions exercées par l'intéressée, le fait pour son supérieur hiérarchique de l'informer, le 11 avril 2018, de sa

non-participation à la réunion du 12 avril 2018 au motif que son absence à cette réunion paraissait préférable n'excédait pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique alors même que l'intéressée aurait participé habituellement à des rencontres de service concernant la mise en œuvre de la réforme sociale.

6. D'autre part, si les précisions données à Mme E... par son supérieur hiérarchique sur les raisons pour lesquelles il lui paraissait préférable qu'elle ne prenne pas part à la réunion d'information du 12 avril 2018 ont pu être pénibles à entendre pour l'intéressée, dès lors qu'elles incluaient des remarques négatives sur la perception de son attitude par plusieurs interlocuteurs du pôle solidarité du département, qui la trouvaient trop critique, ces propos n'ont pas revêtu un caractère agressif ou injurieux. Il est vrai, ainsi que l'intimée le fait valoir, que les observations qui lui avaient été faites par sa hiérarchie jusqu'alors notamment sur son savoir-être étaient très favorables, avec une aptitude à fédérer et coordonner des projets transversaux et une très bonne intégration au sein du pôle auquel elle appartenait. Il ressort, par ailleurs, des témoignages produits par celle-ci qu'elle avait aussi fait preuve de qualité d'écoute et de dialogue notamment dans son précédent poste de cheffe de service. Toutefois, il ressort également des éléments produits par le département et notamment du témoignage d'une cadre d'une maison départementale que l'attitude de Mme E... dans la mise en œuvre de ses fonctions de conseil technique pouvait être perçue comme peu conciliante, avec l'élaboration d'une méthode non concertée et une fermeture à la discussion. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement ou les propos du supérieur hiérarchique de

Mme E..., lors de l'entretien du 11 avril 2018 aurait excédé un exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dans ces conditions, et alors que cet entretien a été la cause directe d'un choc psychologique et a éprouvé l'intéressée, il ne peut être regardé comme un accident de service. Le département F... est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté contesté au motif qu'il était entaché d'une erreur d'appréciation.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme E....

Sur l'autre moyen soulevés contre l'arrêté contesté :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir doivent être motivée.

9. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application. Il fait aussi mention notamment de ce qu'il appartient au supérieur hiérarchique de fixer les attentes du poste et d'en faire part à l'agent et que la déclaration effectuée par Mme E... n'est pas de nature à démontrer l'existence d'un événement générateur d'un fait accidentel, mais celle d'un état émotionnel propre au ressenti de l'intéressée. L'arrêté en litige est, par suite, suffisamment motivé tant en droit qu'en fait.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen soulevé par le département F... relatif à la régularité du jugement attaqué, que ce département est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a annulé l'arrêté du 29 avril 2019.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département F..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme Mme E... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande présentée par le département des Côtes-d'Armor au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département F... et

Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au département F....

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.

Le rapporteur

X. A...Le président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au préfet F... en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00083
Date de la décision : 24/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-24;22nt00083 ?
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