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17/02/2023 | FRANCE | N°22NT00709

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 février 2023, 22NT00709


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM) à leur verser la somme globale de 4 134 847,60 euros en réparation des préjudices qu'eux-mêmes ainsi que leurs deux enfants mineurs estiment avoir subis en raison de la prise en charge de M. B... A... cet établissement.

La société Axa France Vie a demandé au tribunal de condamner le centre hospital

ier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM à lui verser la somme de 669 466,07...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM) à leur verser la somme globale de 4 134 847,60 euros en réparation des préjudices qu'eux-mêmes ainsi que leurs deux enfants mineurs estiment avoir subis en raison de la prise en charge de M. B... A... cet établissement.

La société Axa France Vie a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM à lui verser la somme de 669 466,07 euros en remboursement des sommes qu'a versées et que versera à M. B... son employeur, dans les droits duquel elle est subrogée.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val de Marne a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers à lui verser, au titre de ses débours, la somme de 1 197 871,09 euros ou, à défaut, 80% de cette somme.

A... un jugement n°1802435 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM à verser à M. B... la somme de 193 358,53 euros, à Mme E... celle de 8 800 euros, ainsi qu'à ces deux derniers celle de 3 200 euros en leur qualité de représentants légaux de leurs deux enfants mineurs. Il a également condamné le centre hospitalier et la SHAM à verser à Axa France Vie la somme de 311 664,90 euros, ainsi qu'une rente annuelle de 24 000 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne, au titre de ses débours, la somme de 290 479,68 euros ainsi qu'une rente annuelle de 30 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. A... une requête enregistrée sous le numéro 22NT00709 le 8 mars 2022 et des mémoires enregistrés les 5 juillet et 22 septembre 2022, M. B..., représenté A... Me Bernfeld, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu'il a limité la somme que le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM sont condamnés solidairement à lui verser, en réparation de ses préjudices, à un montant de 193 358,53 euros et de la porter à un montant global de 3 918 277,95 euros, assorti des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et de la SHAM la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne diagnostiquant pas assez précocement le syndrome des loges dont il a été victime et cette faute lui a directement causé une perte de chance d'éviter l'aggravation du syndrome des loges et de ses conséquences à hauteur de 80% ;

- c'est à tort en revanche que le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas de manquement du centre hospitalier à son obligation d'information à son égard ;

- il a subi de fait du retard de diagnostic des préjudices qui doivent être réparés A... le versement, après prise en compte le cas échéant du taux de perte de chance applicable, des sommes de :

- s'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

* 280,82 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

* 1 164,06 euros au titre des frais divers ;

* 55 936 euros au titre du besoin en assistance A... tierce personne, compte tenu notamment d'un taux horaire de 20 euros, de la nécessité d'une heure A... jour d'assistance pendant sa période d'hospitalisation, d'une assistance permanente pendant sa période d'hospitalisation à domicile ;

- s'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

* 1 765 788,78 euros au titre des pertes de gains professionnels après consolidation ;

* 1 504 773,85 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

* 80 000 euros au titre du préjudice de désœuvrement ;

* 337 499,02 euros au titre du besoin en assistance A... tierce personne, sur la base d'un taux horaire de 23,50 euros et d'un besoin quotidien d'une heure A... jour ;

* 40 299,42 euros au titre des frais d'adaptation du véhicule.

- s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

* 4 536 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

* 40 000 euros au titre des souffrances endurées ;

* 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

* 75 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent ;

* 25 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

* 12 000 au titre du préjudice d'agrément ;

* 6 000 euros au titre du préjudice sexuel.

- il a subi du fait du défaut d'information un préjudice d'impréparation qui doit être évalué à la somme de 30 000 euros.

A... des mémoires en défense, enregistrés les 10 juin et 27 juin 2022, le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM), représentés A... Me Le Prado, concluent au rejet de la requête et des conclusions de la société Axa France Vie.

Ils font valoir que les moyens soulevés A... M. B... et A... la société Axa France Vie ne sont pas fondés.

A... des mémoires enregistrés les 21 juin, 9 août et 23 septembre 2022, la société Axa France Vie, représentée A... Me Verdon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu'il a condamné solidairement le centre hospitalier et la SHAM à lui verser une rente annuelle de 24 000 euros, en remboursement des arrérages à servir A... elle à M. B... à compter du 13 janvier 2022, et de les condamner à lui verser à ce titre une somme de 378 074,12 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier et de la SHAM la somme de

2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle est subrogée dans les droits de son assuré, jusqu'à concurrence des indemnités dues à ce dernier, conformément aux dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances ;

- elle a versé au cours de la période allant du 2 avril 2011 au 19 mars 2012, directement imputable à la faute de l'établissement public, et antérieure à la date de consolidation de l'état de santé de M. B..., des indemnités journalières d'un montant total de 12 964,66 euros, de telle sorte que la part du solde de l'indemnité correspondant au poste de préjudice pour lequel les prestations ont été versées, calculée au prorata de sa créance parmi celles des tiers payeurs, a justement été fixée A... le tribunal à 10 754,10 euros ;

- elle verse depuis le 23 mars 2012, après la date de consolidation de l'état de santé de M. B..., une rente dont le montant moyen annuel est depuis cette date de 38 808,16 euros, et qui sera servie jusqu'au 31 mai 2034 ; la perte de gains professionnels subie A... M. B... après la consolidation de son état de santé et jusqu'au 13 janvier 2022, date du jugement attaqué, s'élève à 621 387 euros, de telle sorte qu'elle a été entièrement réparée A... les rentes qu'elle-même ainsi que la CPAM lui ont versées ; c'est à bon droit que le tribunal lui a alloué au titre des arrérages versés pour cette période, A... répartition au marc l'euro entre les tiers payeurs, la somme de 300 910,80 euros ;

- les arrérages à échoir de la rente versée à M. B..., à compter du 13 janvier 2022, s'élèvent, après leur capitalisation, à la somme de 488 788,76 euros ; la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle subies A... M. B... doivent être fixés à la somme de 1 012 984 euros, de telle sorte qu'elles ont été entièrement réparées A... les rentes qu'elle-même ainsi que la CPAM lui ont versées et lui verseront ; la somme allouée au titre des arrérages versés pour cette période, A... répartition au marc l'euro entre les tiers payeurs et compte tenu de la somme déjà obtenue A... la CPAM pour ce poste de préjudice de la compagnie d'assurance AVIVA, doit être portée à un montant de 378 074,12 euros, qui devra être versé sous la forme d'un capital et non d'une rente.

A... un mémoire enregistré le 23 août 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val de Marne, représentée A... Me Bourdon, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu'il a limité la somme que le centre hospitalier et la SHAM sont condamnés solidairement à lui verser, au titre de ses débours, à un montant de 290 479,68 euros et de la porter à un montant global de 501 084,29 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2022 et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier et de la SHAM la somme de

2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa créance en tant que tiers payeur est établi A... les relevés de débours qu'elle a établi les 30 janvier 2019 et 12 juin 2020 ;

- la demande du requérant tendant au rejet de l'attestation d'imputabilité émise le

2 septembre 2020 A... le médecin conseil de la CPAM n'est pas fondée ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que 80% des préjudices professionnels, et notamment les pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, étaient imputables à la faute du centre hospitalier, de telle sorte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que seuls 42,85% de la rente versée A... la CPAM peuvent être pris en compte pour l'indemnisation de ces postes de préjudices ;

- c'est à bon droit également que le tribunal a jugé que la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle subies A... M. B..., qui doivent être fixés à la somme de 1 012 984 euros ont été entièrement réparées A... les rentes qu'elle-même ainsi que la société Axa France Vie lui ont versées et lui verseront ; selon le relevé de ses débours mis à jour au

22 août 2022, les arrérages échus de la rente d'invalidité versée à M. B... s'élèvent à 266 221,11 euros et les arrérages à échoir doivent être fixés à la somme de 963 743,40 euros au titre du capital représentatif des droits résiduels du requérant ; ainsi, la somme allouée au titre de ses débours pour les arrérages à échoir, A... répartition au marc l'euro entre les tiers payeurs et compte tenu de la somme déjà obtenue pour ce poste de préjudice de la compagnie d'assurance AVIVA, doit être portée à un montant de 501 084,29 euros.

II. A... une requête enregistrée le 14 mars 2022 sous le numéro 22NT00764 et des mémoires enregistrés les 14 avril, 10 juin et 27 juin 2022, le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM), représentés A... Me Le Prado, demandent à la cour de réformer le jugement attaqué du tribunal administratif de Caen du13 janvier 2022 en ramenant la somme qu'ils ont été condamnés à verser à de plus justes proportions.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a jugé, pour la période postérieure à la date de consolidation de l'état de santé de M. B..., qu'il avait été dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle, et que cette incapacité était en lien avec le retard de diagnostic du syndrome des loges reproché au centre hospitalier d'Alençon-Mamers, dès lors que les pertes de gains professionnels postérieures à la consolidation de l'état de santé de M. B... ne sont pas imputables à la faute de l'établissement public, mais uniquement à son état de santé initial et qu'au surplus l'intéressé n'a pas démontré qu'il aurait été impossible de le reclasser dans son entreprise ;

- M. B... ne subit pas de perte de gains professionnels futurs en lien avec le retard de diagnostic, dès lors qu'il n'a pas d'inaptitude totale et définitive à exercer une profession ;

- le préjudice professionnel de M. B... se limite à l'incidence professionnelle, que le tribunal a évalué à 100 000 euros, qui constitue ainsi l'assiette du recours des tiers payeurs pour déterminer les sommes à leur allouer au titre des pensions d'invalidité qu'elles versent à la victime ;

- la somme allouée à M. B... au titre du déficit fonctionnel temporaire est excessive, dès lors que le tribunal aurait dû se référer à un taux journalier de 13 euros et non de 17 euros et que ce dernier n'a subi de déficit fonctionnel total qu'à compter du 2 novembre 2010 et non du

2 octobre 2010.

A... des mémoires en défense, enregistrés les 12 mai, 5 juillet et 22 septembre 2022, M. B..., représenté A... Me Bernfeld, conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées A... la voie de l'appel incident A... la société Axa France Vie et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) A... la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu'il a limité la somme que le centre hospitalier et la SHAM sont condamnés solidairement à lui verser, en réparation de ses préjudices, à un montant de 193 358,53 euros et de la porter à un montant global de 3 918 277,95 euros, assorti des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier et de la SHAM la somme de

8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il reprend les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance numéro 22NT00709.

A... des mémoires en défense enregistrés les 10 juin, 9 août et 23 septembre 2022, la société Axa France Vie, représentée A... Me Verdon, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) A... la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu'il a condamné solidairement le centre hospitalier et la SHAM à lui verser une rente annuelle de 24 000 euros, en remboursement des arrérages à servir A... elle à M. B... à compter du

13 janvier 2022, et de les condamner à lui verser à ce titre une somme de 378 074,12 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier et de la SHAM la somme de

2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance numéro 22NT00709.

A... un mémoire enregistré le 23 août 2022, la CPAM du Val de Marne, représentée A... Me Bourdon, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) A... la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu'il a limité la somme que le centre hospitalier et la SHAM sont condamnés solidairement à lui verser, au titre de ses débours, à un montant de 290 479,68 euros et de la porter à un montant global de 501 084,29 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2022 et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier et de la SHAM la somme de

2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle reprend les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance numéro 22NT00709.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Bernfeld, représentant M. B..., et de Me Cruse, représentant Axa France Vie.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été admis à l'hôpital de l'Aigle le 1er octobre 2010 pour de multiples fractures à la suite d'un accident de la circulation. Il a été transféré dès le lendemain au centre hospitalier intercommunal (CHIC) d'Alençon-Mamers, en service de réanimation puis dans le service de chirurgie orthopédique. Dès le 2 octobre 2010 à l'arrivée de M. B... au CHIC, les infirmières ont constaté que M. B... ne pouvait pas bouger ses orteils et que seul le dessus de son pied était sensible. Un syndrome des loges de la jambe a été diagnostiqué le 6 octobre 2010 et a fait l'objet d'une intervention consistant en des aponévrotomies multiples. Le 18 octobre 2010, M. B... a été transféré à l'Hôpital Chenevrier puis à l'Hôpital Ambroise Paré pour une nouvelle intervention chirurgicale. Le 3 novembre 2010, une excision de nécrose partielle du lambeau fascio-cutanée et une greffe de peau ont été réalisées. Du 23 novembre 2010 au 17 mars 2011, il a été hospitalisé à domicile, à l'exception de la période allant du 22 au 24 décembre 2010 au cours de laquelle il a été hospitalisé en établissement de santé pour une ablation de fixateur externe. Restant atteint de séquelles importantes, l'intéressé a saisi, le 21 mars 2013, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Basse Normandie. Cette commission a diligenté le 16 janvier 2014 une expertise. Selon le rapport d'expertise établi le 20 décembre 2014 A... les deux médecins désignés A... la CCI, le diagnostic de syndrome des loges n'a été posé que le 6 octobre 2010, alors que le patient présentait un risque majeur de développer un tel syndrome et que plusieurs symptômes sont apparus dès le

2 octobre précédent. Les experts ont également estimé que si la survenance d'un syndrome des loges, qui constitue une modalité évolutive propre aux fractures des jambes, n'aurait pas pu être empêchée, le retard de diagnostic de quatre jours en a toutefois aggravé les conséquences, à l'origine de nécroses sur pratiquement l'ensemble des muscles de la jambe, et a fait perdre à

M. B... 80% de chance d'éviter l'aggravation de ces conséquences.

2. M. B... et Mme E..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM) à leur verser la somme globale de 4 134 847,60 euros en réparation des préjudices qu'eux-mêmes ainsi que leurs deux enfants mineurs estiment avoir subis en raison de la prise en charge de M. B... A... cet établissement. La société Axa France Vie a demandé, pour sa part, au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM à lui verser la somme de 669 466,07 euros en remboursement des sommes qu'a versées et que versera à M. B... son employeur, dans les droits duquel elle est subrogée. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val de Marne a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers à lui verser au titre de ses débours la somme de 1 197 871,09 euros ou, à défaut, 80% de cette somme. A... un jugement du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM à verser à M. B... la somme de 193 358,53 euros, à Mme E... celle de 8 800 euros, ainsi qu'à ces deux derniers celle de 3 200 euros en leur qualité de représentants légaux de leurs deux enfants mineurs. Il a également condamné le centre hospitalier et la SHAM à verser à Axa France Vie la somme de 311 664,90 euros, ainsi qu'une rente annuelle de 24 000 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val de Marne la somme de 290 479,68 euros au titre de ses débours. A... la requête n° 22NT00709, M. B... relève appel du jugement du 13 janvier 2022 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande. A... la requête n°22NT00764, le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM, qui ne contestent pas le principe de l'engagement de la responsabilité de l'établissement public à raison du retard de diagnostic fautif, ni le taux de perte de chance retenu A... les premiers juges, demandent que les sommes qu'elles sont condamnés à verser à M. B..., à la CPAM du Val de Marne et à Axa France Vie soient ramenées à de plus justes proportions. La CPAM du Val de Marne et Axa France Vie, notamment A... la voie de l'appel incident dans l'instance n° 22NT00764, demandent à la cour d'augmenter les sommes que le CHIC d'Alençon-Mamers et la SHAM sont condamnés à leur verser.

3. Les requêtes n° 22NT00709 et n°22NT00764 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué A... un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

5. Il ressort du jugement attaqué qu'il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fonde. A... suite, le CHIC d'Alençon-Mamers et la SHAM ne sont pas fondés à soutenir que ce jugement est insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les préjudices :

6. Il résulte de l'instruction que la consolidation de l'état de santé de M. B... est intervenue le 22 mars 2012.

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

Quant aux dépenses de santé actuelles et des frais divers :

7. Les montants des indemnisations de 280,82 euros et de 55 333,54 euros que le CHIC d'Alençon-Mamers et la SHAM ont été condamnés A... le tribunal à verser respectivement à M. B... et à la CPAM du Val de Marne au titre des dépenses de santé actuelles et de 1 164,06 euros qu'ils ont été condamnés à verser à ce dernier au titre des frais divers ne sont pas contestés en appel. Il y a lieu, dès lors, de maintenir ces sommes à la charge de l'établissement hospitalier et de son assureur au titre de la réparation de ces postes de préjudice.

Quant aux pertes de revenus professionnels actuels :

8. Le tribunal a condamné le CHIC d'Alençon-Mamers et son assureur à verser la somme de 38 681,48 euros à la CPAM du Val de Marne et la somme de 10 754,10 euros à Axa France Vie au titre des indemnités journalières versées à M. B... du 2 avril 2011 au 19 mars 2012. Les parties ne contestent pas en appel les montants alloués pour ce poste de préjudice, la caisse ne critiquant pas le jugement attaqué en ce que le tribunal s'est fondé sur la circonstance que seuls les arrêts de travail à compter du 2 avril 2011 étaient en lien direct avec la faute de l'établissement public dès lors que les arrêts antérieurs sont imputables à l'état initial de la victime. Il y a lieu, A... suite, de confirmer le jugement en ce qu'il met ces sommes à la charge de l'établissement hospitalier et de son assureur au titre de ce poste de préjudice.

Quant au besoin temporaire d'assistance A... une tierce personne :

9. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient M. B..., qu'il ait eu besoin de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie courante durant la période allant du 10 octobre au 22 novembre 2010, au cours de laquelle il était hospitalisé en établissement de santé, alors même que ces proches ont dû s'occuper à sa place et durant son absence pendant cette hospitalisation de diverses tâches, administratives notamment.

10. Du 23 novembre 2010 au 17 mars 2011, M. B... était hospitalisé à domicile. Ce dernier soutient qu'il avait alors besoin en permanence de l'aide d'une tierce personne, compte tenu de son état de santé. Il fait valoir en particulier qu'une telle aide lui était nécessaire pour sa toilette notamment. Toutefois, les diagrammes de soins infirmiers concernant cette période ne suffisent pas à l'établir. Il résulte en revanche de l'instruction, compte tenu des conclusions des experts, que M. B..., qui n'était pas alité et pouvait se déplacer, avait alors besoin d'une aide se limitant aux tâches d'entretien domestique et que le besoin d'assistance A... tierce personne, non spécialisée, peut, dans ces conditions, être fixé pour cette période à deux heures et demi A... jour.

11. Il résulte enfin de l'instruction que le besoin d'assistance A... tierce personne de M. B... du 18 mars 2011 au 22 mars 2012 doit être évalué à une heure et demi A... jour.

12. Compte tenu du taux horaire moyen de rémunération des personnes à employer tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche pour la période en cause, qu'il y a lieu de fixer à 13 euros, et sur la base d'un année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu d'évaluer le besoin temporaire d'assistance A... tierce personne de M. B... à 12 311,46 euros et de lui allouer, après application du taux de perte de chance, la somme de 9 849,17 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que la faute de l'établissement public a été la cause directe du déficit fonctionnel temporaire total subi A...

M. B... du 2 novembre 2010 au 22 novembre 2010 au lieu d'un déficit de 50% si le syndrome des loges avait été pris en charge en temps nécessaire, d'un surcroît de déficit fonctionnel temporaire de 25% (soit 75% au lieu des 50% résultant du seul état antérieur) du 23 novembre 2010 au 1er janvier 2011, de 50% (75% au lieu de 25%) du 2 janvier au 17 mars 2011 et de 25% (50% au lieu de 25%) du 18 mars 2011 au 22 mars 2012. A... suite, compte tenu d'un taux journalier de 17 euros pour un déficit total, qui n'est pas excessif contrairement à ce que soutiennent le CHI d'Alençon-Mamers et la SHAM, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à M. B... à ce titre la somme arrondie de 2 600 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

14. Les souffrances endurées A... M. B..., qui sont directement imputables au retard de prise en charge du syndrome des loges dont il a été victime, ont été estimées à 5 sur une échelle de 1 à 7. A... suite, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce préjudice en allouant à l'intéressé la somme de 15 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

15. Il résulte de l'instruction que M. B... a subi un préjudice esthétique temporaire qui peut être estimé à 4 sur une échelle de 1 à 7. A... suite, compte tenu de l'importance de l'altération de l'apparence physique subie, avec en particulier la présence d'un fixateur externe sur la jambe de l'intéressé, de la durée de cette atteinte, et du taux de perte de chance retenu, le tribunal a justement évalué ce poste de préjudice en condamnant le centre hospitalier et son assureur à verser à ce titre à M. B... la somme de 5 500 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant aux dépenses de santé futures :

16. Le tribunal a condamné le CH d'Alençon-Mamers et son assureur à verser la somme de 265,86 euros à la CPAM du Val de Marne au titre des dépenses liées à l'utilisation d'une canne A... M. B.... La caisse ne conteste pas en appel le jugement attaqué en ce qu'il s'est fondé sur la circonstance que les frais d'ablation du matériel d'ostéosynthèse, d'un montant de 4 974,84 euros, n'étaient pas liés à la faute et mais à la fracture initiale. Il y a lieu, dès lors, de fixer à 265,86 euros les dépenses de santé futures allouées à la CPAM du Val de Marne.

Quant aux pertes de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle :

17. D'une première part, aux termes de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 : " Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : (...) 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées A... les groupements mutualistes régis A... le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies A... le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies A... le code des assurances.". De plus, aux termes de l'article 30 de cette même loi : " Les recours mentionnés à l'article 29 ont un caractère subrogatoire " et aux termes de son article 31 : " Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste A... poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...)". Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, enfin : " (...) Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues A... le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste A... poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) ".

18. D'une deuxième part, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée A... les dispositions de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, en fonction du salaire, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini A... l'article L. 434-2, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis A... la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.

19. D'une troisième part, il résulte du contrat d'assurance prévoyance collective souscrit A... l'employeur de M. B... au bénéfice de ses employés cadres, et auquel ce dernier est adhérent, qu'une rente doit être versée A... ce dernier A... la société Axa France Vie en cas d'invalidité permanente. Cette rente d'invalidité doit être également regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices mentionnés au point précédent.

20. Il résulte de l'instruction que M. B... exerçait au moment de l'accident en litige des fonctions de directeur technique, dans une société de conseil aux entreprises en financement de projets. Il a été déclaré inapte définitivement à ses fonctions qui impliquaient de fréquents déplacements sur des chantiers, A... deux avis des 17 avril et 15 mai 2012 émis A... le médecin du travail, qui a relevé que l'intéressé ne pouvait plus effectuer de marche sur des sols instables, ou de montée ou de descente d'échelle et ne pouvait conduire qu'un véhicule adapté. Il a, alors, été licencié, le 13 juin 2012, pour inaptitude physique compte tenu de l'impossibilité d'aménager son poste de travail et en l'absence de possibilité de reclassement A... son employeur. M. B..., ainsi que la CPAM du Val de Marne et la société Axa Vie France soutiennent que la faute de l'établissement a, dans ces conditions, entraîné directement un préjudice consistant dans la perte des revenus professionnels qu'a subi et que subira l'intéressé postérieurement à la consolidation de son état de santé, la réalité et la certitude de cette perte étant confirmée A... le fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi plus de dix ans après l'accident en cause malgré des recherches actives sur le marché du travail. Toutefois, s'il reste atteint d'une importante incapacité physique, avec un déficit fonctionnel permanent de 50%, M. B..., qui était âgé de 37 ans à la date de la consolidation de son état de santé, et était titulaire d'un diplôme d'ingénieur en travaux publics ainsi que d'un MBA, conserve la possibilité d'exercer des activités sédentaires et donc d'occuper un emploi dans le secteur tertiaire. Il résulte en effet de l'instruction, compte tenu des conclusions des experts, que ses lésions autorisent des professions ne demandant que des marches et stations debout peu prolongées, limitant la pratique des escaliers, n'impliquant pas la pratique d'échelles ou d'échafaudages, ni la marche en terrain accidenté, et sont compatibles avec la conduite d'un véhicule aménagé. A... suite, et à supposer même que M. B... aurait pu conserver son emploi, même en l'absence de faute, compte tenu de son état antérieur et, en particulier, du syndrome des loges dont il a été victime, la faute de l'établissement public ne peut être regardée comme étant la cause directe d'une perte de revenus postérieurement à la consolidation de son état de santé.

21. Toutefois, la faute en litige a eu une incidence professionnelle directe sur M. B.... En mars 2012, ce dernier avait eu une vie professionnelle de treize ans au cours de laquelle sa rémunération annuelle était passée de 30 000 à 65 000 euros environ. De 2010 à 2011, en particulier, sa rémunération avait augmenté de 3,3%. S'il soutient que l'incidence professionnelle causée A... la faute en litige doit être évaluée en fonction de la perte, qu'elle a entraînée, d'une chance de 70% de conserver ce niveau d'augmentation de ses revenus durant toute sa carrière, cela n'est pas établi. Cependant, compte tenu, d'une part, des grandes difficultés de retrouver un emploi, dont justifie l'intéressé, de l'incapacité physique dont il est atteint, de la dévalorisation sur le marché du travail, de la pénibilité accrue de l'exercice d'une activité professionnelle et du désœuvrement qu'a suivi la perte de son emploi et, d'autre part, du niveau et de la progression des revenus dont il bénéficiait dans l'emploi dont il a été licencié pour inaptitude, de la durée prévisible de sa vie professionnelle au moment de la consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle subie, y compris au titre du désœuvrement, en la fixant, dans les circonstances de l'espèce, à la somme de 400 000 euros.

22. Les arrérages échus de rente d'accident du travail pour la période allant du

23 mars 2012 au 1er juillet 2022 versés A... la CPAM du Val-de-Marne s'élèvent à 266 221,11 euros et les arrérages échus de la rente d'invalidité pour la période allant du 23 mars 2012 au

29 mai 2020 versé A... la société Axa France Vie à la somme de 324 369,69 euros. Il résulte de l'instruction que cette société a versé à M. B... du 1er mai 2020 au 1er juillet 2022 une somme de 71 062,97 euros. Au 1er juillet 2022, la société Axa France Vie versait à M. B... une rente d'invalidité d'un montant mensuel de 3 138,72 euros, correspondant à un montant annuel de 37 664,64 euros et la CPAM une rente viagère d'un montant annuel de 30 992,52 euros. Il résulte de l'instruction que la rente d'invalidité sera versée A... Axa France Vie à M. B... jusqu'au soixante ans de ce dernier. Ainsi, A... application du coefficient de capitalisation issu de la Gazette du Palais de 2022 pour un homme de 48 ans au 1er juillet 2022 de 11.657 pour une rente versée jusqu'à l'âge de 60 ans et de 33.002 pour une rente viagère, le capital représentatif des arrérages à échoir à cette date de la rente d'invalidité versée A... Axa à M. B... s'élève à 439 056,71 euros et de la rente d'accident du travail versée A... la caisse s'élève à 1 022 815,15 euros. L'indemnisation A... les deux tiers payeurs du préjudice professionnel de M. B... s'élève, dès lors, à la somme de 1 289 036,26 euros pour la caisse et à 834 489,37 euros, soit un montant global de 2 123 525,63 euros. Il suit de là que l'incidence professionnelle subie A...

M. B... doit être regardée comme réparée A... les rentes d'accident du travail et d'invalidité que lui versent la CPAM du Val-de-Marne et Axa France Vie.

23. Eu égard au montant de l'incidence professionnelle subie, de 400 000 euros, et au taux de perte de chance de 80% retenu, il y a lieu de mettre à la charge du CHIC

d'Alençon-Mamers et de la SHAM au titre de ce poste de préjudice une somme globale de

320 000 euros à répartir entre la CPAM du Val de Marne et la société Axa France Vie, au prorata de la part de leurs créances respectives dans la créance totale envers le tiers responsable du dommage.

24. Compte tenu de la somme de 186 628,63 euros reçue de l'assureur AVIVA au titre de ce poste de préjudice, la créance de la CPAM au titre de la rente d'accident du travail s'élève à 1 102 407,63 euros et celle de la société Axa France Vie au titre de la rente d'invalidité s'élève à 834 489,37 euros. La créance totale des tiers payeurs est, dès lors, d'un montant de 1 936 897 euros. A... suite, il y a lieu d'allouer, au titre du remboursement des rentes respectivement servies à M. B..., la somme de 182 132 euros à la CPAM du Val de Marne et la somme de 137 868 euros à la société Axa France Vie, fixées au prorata de la part de leurs créances respectives dans la créance totale envers le tiers responsable du dommage.

Quant au besoin permanent d'assistance A... une tierce personne :

25. Il résulte de l'instruction et notamment des conclusions des experts que le besoin permanent d'assistance A... une tierce personne de M. B... doit être fixé à quatre heures A... semaine. Les circonstances que fait valoir ce dernier, selon lesquelles ces quatre heures hebdomadaires sont insuffisantes pour lui permettre de s'occuper de l'éducation de ses enfants, ainsi que du soin de ses animaux et de l'entretien de sa maison, ne permettent pas d'établir que ce nombre d'heures ne correspondrait pas au besoin d'assistance de M. B... qui peut notamment s'occuper de son entretien physique.

26. Compte tenu d'un taux horaire moyen de rémunération des personnes à employer tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche pour la période en cause, de 14 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, ainsi que du taux de perte de chance retenu, il y a lieu d'allouer à M. B... au titre de ce poste de préjudice une somme de 35 966 euros pour la période allant du 23 mars 2012 au 17 février 2023, date du présente arrêt. En tenant compte des mêmes éléments et d'un taux horaire moyen de 15,78 euros, ainsi que du coefficient de capitalisation issu du barème de la Gazette du Palais 2022 pour un homme de 48 ans, à la date du présent arrêt qui est de 33.002, il y a lieu d'allouer à M. B... une somme de 98 083,60 euros pour l'avenir au titre de ce poste de préjudice.

Quant aux frais d'adaptation du véhicule :

27. Les frais d'achat d'un véhicule que sollicite M. B... sont sans lien direct avec la faute de l'établissement public, alors même que la perte de son emploi l'a privé de l'avantage professionnel lié à la mise à disposition d'un véhicule A... son employeur. Il résulte, en revanche, de l'instruction que les dépenses liées à l'adaptation d'un véhicule au handicap de l'intéressé qui doivent être évaluées à la somme de 2 500 euros et d'installation des pédales inversées qui doivent être fixées à 1 029,68 euros, selon le devis produit A... M. B..., sont, pour leur moitié seulement, directement imputables à la faute de l'établissement public selon les experts, eu égard aux séquelles qui auraient été propres aux multiples fractures subies et celles qui découlent de la survenue du syndrome des loges. Ainsi, en prenant en compte un renouvellement de ces équipements tous les sept ans et en faisant application du coefficient de capitalisation viagère applicable à l'âge de M. B... à la date de consolidation (37 ans), au taux issu de la Gazette du Palais de 2022, de 43.246, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en condamnant le centre hospitalier et son assureur à verser à M. B... la somme de 21 806,36 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

28. Il résulte de l'instruction que M. B... subit, du fait de la faute du CH, un déficit fonctionnel permanent de 50 %, alors qu'en l'absence de cette faute ce déficit résultant de son seul état antérieur aurait été de 20%. Compte tenu de l'âge du requérant à la date de la consolidation de son état de santé, il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 90 000 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

29. Le préjudice esthétique permanent subi A... M. B... et découlant du seul retard de prise en charge du syndrome des loges peut être estimé à 2,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Le tribunal en a fait une juste appréciation en allouant au requérant la somme de 2 500 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

30. M. B... pratiquait le tennis plusieurs fois A... semaine, la danse de salon, ainsi que, de façon assidue, le bricolage. Il résulte de l'instruction, compte tenu des conclusions des experts, que la moitié de ce préjudice d'agrément est imputable à la faute de l'établissement public, compte tenu des séquelles qui auraient été propres aux multiples fractures subies et à la survenue du syndrome des loges. Les premiers juges n'ont, dès lors, pas fait une évaluation insuffisante de ce poste de préjudice, en le fixant à 10 000 euros et en allouant à M. B... à ce titre la somme de 5 000 euros.

Quant au préjudice sexuel :

31. Il résulte du rapport d'expertise que M. B... subit un préjudice sexuel imputable pour moitié au retard fautif de diagnostic et de prise en charge. A... suite, le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice, en lui allouant la somme de 2 000 euros.

S'agissant du préjudice d'impréparation :

32. La demande de M. B... au titre du préjudice d'impréparation doit être rejetée A... adoption des motifs retenus à bon droit A... les premiers juges.

33. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal a limité la somme que le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM ont été condamnés solidairement à lui verser, en réparation de ses préjudices, à un montant de 193 358,53 euros. Cette somme doit être portée, compte tenu de celle de 30 000 euros déjà versée à l'intéressé en mars 2018, à un montant de 258 305,12 euros (9 849,17 + 2 600 + 15 000 +5 500 + 35 966 + 98 083,60 + 21 806,36 + 2 000 + 5 000 + 2 500 + 90 000 - 30 000).

34. Il résulte encore de tout ce qui précède que le centre hospitalier et la SHAM sont fondés à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal les a condamnés à verser à la société Axa France Vie la somme de 311 664,90 euros, ainsi qu'une rente annuelle de 24 000 euros et à verser et à la CPAM du Val de Marne, au titre de ses débours, la somme de 290 479,68 euros ainsi qu'une rente annuelle de 30 000 euros. Les sommes que le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM ont été condamnés à verser, pour solde de tout compte, à la société Axa France Vie et à la CPAM du Val de Marne sont ramenées, respectivement, à des montants de 148 622,10 euros (137 868 + 10 754,10) et 276 412,88 euros (55 333,54+ 38 681,48+ 265,86 + 182 132).

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

35. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, à défaut, à compter de la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif des conclusions tendant au versement de cette indemnité. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée, et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

36. La somme que le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... A... le présent arrêt doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2013, date d'enregistrement de sa demande auprès de la commission de conciliation et d'indemnisation, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts à compter du 18 juin 2018, date de réception de sa demande de capitalisation des intérêts A... le centre hospitalier, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

37. La somme que le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM sont condamnés à verser à la société Axa France Vie A... le présent arrêt doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2018, date à laquelle elle établit la réception de sa réclamation préalable.

38. La somme que le centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et la SHAM sont condamnés à verser à la CPAM du Val de Marne doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2019, date d'enregistrement de sa demande A... le tribunal et de la capitalisation de ces intérêts, à compter du 21 mars 2020, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais d'instance :

39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du CHIC d'Alençon-Mamers et de la SHAM, qui ne sont pas les parties perdantes à leur égard, les sommes que la société Axa France Vie et la CPAM du Val de Marne demandent au titre des frais exposés A... eux et non compris dans les dépens.

40. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de charge du CHIC d'Alençon-Mamers et de la SHAM en application de ces dispositions une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés A... M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le CHIC d'Alençon-Mamers et la SHAM ont été condamnés à verser à M. B..., A... le jugement du 13 janvier 2022 du tribunal administratif de Caen est portée à 258 305,12 euros. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2013 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 18 juin 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le CHIC d'Alençon-Mamers et la SHAM sont condamnés à verser à la CPAM du

Val de Marne la somme de 276 412,88 euros. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2019, les intérêts portant eux-mêmes intérêts à compter du 21 mars 2020, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le CHIC d'Alençon-Mamers et la SHAM sont condamnés à verser à la société Axa France Vie la somme de 148 622,10 euros. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2018.

Article 4 : Le jugement du 13 janvier 2022 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le CHIC d'Alençon-Mamers et la SHAM verseront à M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., au centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne et à la société Axa France Vie.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public A... mise à disposition au greffe 17 février 2023.

Le rapporteur,

X. C...Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 22NT00709, 22NT00764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00709
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BOURDON VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-17;22nt00709 ?
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