Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 février 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2203113 du 21 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, M. A..., représenté par Me Arnal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 25 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de prendre en charge sa demande d'asile et lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de 72 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le même délai de 72 heures ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle notamment au regard des stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité de l'arrêté de transfert entache d'illégalité l'arrêté d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 3 octobre 2022, le préfet de Maine-et-Loire a indiqué à la cour que le délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 n'avait pas été prolongé et que la décision de transfert prise à l'encontre de M. A... n'avait pas été exécutée pendant sa période de validité.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 21 mars 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 février 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert :
2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.
4. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. A... aux autorités espagnoles a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 21 mars 2022 rendu par cette juridiction. Il n'a fait l'objet d'aucune prolongation ainsi qu'il ressort du courrier adressé par le préfet à la cour le 3 octobre 2022. Par suite, l'arrêté de transfert du 25 février 2022 est devenu caduc sans avoir reçu de commencement d'exécution et les conclusions de M. A... à fin d'annulation de cette décision sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressée ayant été exécuté, il y a lieu en revanche de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'assignation à résidence :
6. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence, M. A... excipe de l'illégalité de la décision de transfert pour l'exécution de laquelle il a été assigné à résidence.
7. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est établi (...) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant
d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ".
8. La décision de transfert contestée vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle rappelle que les empreintes de M. A... ont été enregistrées dans le fichier Eurodac en Espagne le 20 septembre 2021 et que l'intéressé est entré irrégulièrement en France le 18 décembre 2021 après avoir " franchi irrégulièrement la frontière espagnole dans la période précédant les douze mois du dépôt de sa première demande d'asile. Il résulte de cette seule indication, que le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé sur le critère prévu à l'article 13.1 précité du règlement du 26 juin 2013 pour estimer que l'Espagne était l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée, qui par ailleurs comporte des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, serait insuffisamment motivée manque en fait et ne peut dès lors qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre
procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien a lieu dans les conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) ". Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel qui a été conduit le 22 décembre 2021 par un agent habilité de la préfecture de la Loire-Atlantique, dont les initiales figurent sur le résumé produit par le préfet. Cet agent est réputé qualifié en vertu du droit national au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013. La circonstance qu'il était assisté d'un interprète d'ISM Interprétariat, en langue soussou, alors que M. A... parle le français, est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que l'intéressé n'a pas été privé de la garantie de faire valoir toutes les observations qu'il estimait utiles tant sur sa situation personnelle que familiale. De plus, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 manque en fait et ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
12. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
14. Si M. A... fait état de violences subies dans son pays d'origine, puis en Algérie et au Maroc au cours de son parcours migratoire, la décision contestée n'a pas pour effet de l'éloigner à destination de ces pays mais uniquement vers l'Espagne. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit aux points 11 et 12, l'intéressé n'apporte aucun élément suffisamment probant de nature à établir la défaillance systématique de l'Etat espagnol qu'il dénonce. Enfin, la seule circonstance qu'il conserverait des douleurs au niveau des reins à la suite de violences subies en Algérie ne suffit pas, en l'absence d'éléments médicaux, à attester de sa vulnérabilité au sens du règlement du 26 juin 2013. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et familiale et, en particulier, de sa vulnérabilité, ni qu'il a méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
15. Il suit de ce qui vient d'être dit aux points 6 à 13 et que la décision de transfert de M. A... aux autorités espagnoles n'est affectée d'aucune des illégalités qu'il invoque. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions de l'intéressé dirigées contre la décision d'assignation à résidence, ne peut dès lors qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A... dirigées contre la décision d'assignation à résidence(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant transfert.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2023.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01278