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23/12/2022 | FRANCE | N°22NT00190

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 décembre 2022, 22NT00190


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités lettones, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de Loire Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2112673 du 25 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.>
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 janvier 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités lettones, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de Loire Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2112673 du 25 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 janvier 2022 et le 3 juin 2022, M. A..., représenté par Me Guérin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif du 25 novembre 2021 ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre à l'administration de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un récépissé de demandeur d'asile suivant la procédure normale, dans un délai de trois jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

-le jugement est insuffisamment motivé ;

-le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur de fait sur la situation sanitaire en Lettonie ;

S'agissant de l'arrêté de transfert aux autorités lettones :

- il n'est pas établi qu'il se soit effectivement vu délivrer, dans une langue qu'il comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'a pas été informé de l'identité et de la qualification de la personne qui a mené l'entretien et qu'il n'est pas établi que cette personne ait été qualifiée pour le faire ; les initiales portées sur le document ne correspondent pas au nom de la personne qui a mené l'entretien ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit car il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ses oncles résident en France et ont obtenu la qualité de réfugié ; la Lettonie est incapable de faire face à un afflux de migrants et il y a une défaillance systémique de la Lettonie dans le traitement des demandes d'asile et de sa vie familiale ;

L'arrêté portant assignation à résidence :

- est insuffisamment motivé ;

- l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités lettonnes entache d'illégalité l'arrêté d'assignation à résidence ;

- l'arrêté d'assignation à résidence est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, un moyen relevé d'office a été communiqué aux parties le 2 juin 2022, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fins d'annulation de l'arrêté de transfert en

raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013

du 26 juin 2013.

Par des pièces produites et un mémoire en défense, enregistrés les 2 et 20 juin 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant azerbaïdjanais, relève appel du jugement du 25 novembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités lettones, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande de première instance de M. A.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté de transfert de l'acceptation par la Lettonie de la reprise de M. A.... M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

5. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 1er septembre 2021, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue turque. Aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien, compte tenu de l'apposition d'initiales qui permettent d'identifier un agent, n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

8. M. A... soutient que les autorités lettones ont pour habitude de refuser d'enregistrer et d'instruire les demandes d'asile et qu'il fera nécessairement l'objet d'une obligation de quitter le territoire letton vers l'Azerbaïdjan, où il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants. Toutefois, la décision de transfert de l'intéressé aux autorités lettones ne constitue pas une mesure d'éloignement vers l'Azerbaïdjan. Ensuite, aucun élément produit au débat ne permet de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités lettones dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Lettonie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Faute d'établir ainsi qu'il serait exposé au risque de subir en Lettonie des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En troisième lieu aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

10. M. A... se prévaut d'une situation de vulnérabilité qui serait caractérisée par les persécutions subies dans son pays d'origine et les circonstances de son parcours migratoire. Toutefois, et au regard notamment de ce qui a été rappelé au point précédent, ces éléments ne suffisent pas à établir que sa situation le placerait dans une situation de vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Ainsi, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

11. Pour le surplus, M. A... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens dirigés contre l'arrêté de transfert que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du décidant son transfert aux autorités lettonnes ne méconnait pas les dispositions des articles 4, et 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatives au droit à l'information du demandeur de la protection internationale et n'est entaché d'aucun défaut d'examen de sa situation personnelle et que l'arrêté l'assignant à résidence serait pris sur la base d'un arrêté de transfert illégal, qu'il serait insuffisamment motivé qu'il serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés 10 novembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités lettones, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du pour une durée de quarante-cinq jours.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

13. M. A... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens dirigés contre l'arrêté d'assignation à résidence que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté l'assignant à résidence serait pris sur la base d'un arrêté de transfert illégal, qu'il serait insuffisamment motivé qu'il serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2021 portant assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt rejette toutes les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A.... Dès lors ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.

Le rapporteur,

T. B...

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00190
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-23;22nt00190 ?
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