Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2112638 du 18 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2022 Mme B..., représentée par Me Néraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 18 novembre 2021 ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté de transfert insuffisamment motivé ;
- il n'est pas établi qu'elle se soit effectivement vu délivrer, dans une langue qu'il comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'a pas été informé de l'identité et de la qualification de la personne qui a mené l'entretien et qu'il n'est pas établi que cette personne ait été qualifiée pour le faire ;
- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'Espagne est incapable de faire face à un afflux de migrants et il y a une défaillance systémique de ce pays dans le traitement des demandes d'asile et de sa vie familiale ; il n'a pas été tenu compte de son hépatite B ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles 7 et 16 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'unité familiale devant être respectée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 avril 2022 et 10 novembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les observations de Me Lachaux, représentant Mme B....
Une note en délibéré, enregistrée le 14 décembre 2022, a été produite pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne relève appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) 3. En vue d'appliquer les critères visés aux articles 8, 10 et 16, les Etats membres prennent en considération tout élément de preuve disponible attestant la présence sur le territoire d'un Etat membre de membres de la famille (...) à condition que lesdits éléments de preuve soient produits avant qu'un autre Etat membre n'accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée (...) et que les demandes de protection internationale antérieures introduites par le demandeur n'aient pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond. ".
3. Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 6 juillet 2021, Mme B... a indiqué qu'elle était célibataire avec une enfant mineure, qui continuait de résider en Guinée, et aucune attache en France. Elle a ensuite fait valoir que son compagnon M. E... D... vivait en France et a fait valoir dans sa requête qu'elle vivait chez lui et qu'il subvenait à ses besoins sans toutefois en apporter la preuve. Il ressort cependant des pièces du dossier que la demande d'asile de M. D... a été rejetée et que l'intéressé a fait l'objet d'un refus de titre de séjour en qualité de réfugié assorti d'une obligation de quitter le territoire français dont la contestation a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 octobre 2021. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors même que le recours présenté par M. D... à l'encontre de cette mesure d'éloignement n'était pas définitif à la date de la décision de transfert concernant Mme B..., le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles 7 et 16 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
6. Mme B... soutient que les autorités espagnoles ont pour habitude de refuser d'enregistrer et d'instruire les demandes d'asile et qu'elle fera nécessairement l'objet d'une obligation de quitter le territoire espagnol vers la Guinée où elle encourt des risques de traitements inhumains et dégradants. Toutefois, la décision de transfert de l'intéressé aux autorités espagnoles ne constitue pas une mesure d'éloignement vers la Guinée. Ensuite, aucun élément produit au débat ne permet de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Faute d'établir ainsi qu'elle serait exposée au risque de subir en Espagne des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
7. En troisième lieu aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
8. Mme B... se prévaut d'une situation de vulnérabilité qui serait caractérisée par les persécutions subies dans son pays d'origine, son parcours migratoire, une hépatite B dont elle serait atteinte et de la présence de son compagnon en France. Toutefois, d'une part, et au regard notamment de ce qui a été rappelé au point précédent et des documents médicaux produits, ces éléments ne suffisent pas à établir que sa situation la placerait dans une situation de vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France ; d'autre part, si elle se prévaut de la présence de son compagnon, comme il a été dit précédemment, elle a d'abord indiqué être célibataire et n'a ensuite produit aucun élément justifiant d'une vie commue en France. Ainsi, ces éléments, ne suffisent pas à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
9. Pour le surplus, Mme B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens dirigés contre l'arrêté de transfert que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du décidant son transfert aux autorités espagnoles ne méconnait pas les dispositions des articles 4, 5 et 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatives au droit à l'information du demandeur de la protection internationale et qu'il serait insuffisamment motivé.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du pour une durée de quarante-cinq jours. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.
Le rapporteur,
T. C...
Le président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00182