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02/12/2022 | FRANCE | N°22NT01908

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 décembre 2022, 22NT01908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2105423 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2022, M. A..., représenté par Me Maon

y, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2105423 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2022, M. A..., représenté par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 7 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou "travailleur temporaire" ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 août 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le requérant n'a pas justifié de son état civil à la date de l'arrêté contesté et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Beaudouin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen se disant né le 3 février 2001 et entré irrégulièrement en France le 14 juin 2017, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère auxquels il a été confié en qualité de mineur isolé par une ordonnance du 3 août 2017 du procureur de la République de Quimper, puis par un jugement en assistance éducative du 6 septembre 2018 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Quimper. L'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 29 janvier 2019 sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 avril 2021, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

5. En premier lieu, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., le préfet du Finistère s'est fondé, au regard de l'analyse documentaire effectuée par la direction zonale de la police aux frontières, sur la circonstance que les actes d'état civil produits par l'intéressé dans le cadre de la procédure de vérification de minorité et la carte d'identité consulaire établie sur la base d'un document d'état civil falsifié ne permettaient pas d'établir ni son âge et son identité ni, par suite le fait qu'il aurait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans. Il ressort des pièces du dossier que l'analyse documentaire précitée a conclu au caractère falsifié de l'extrait d'acte de naissance établi le 21 janvier 2016 au nom de l'intéressé et émis un avis défavorable sur le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 17 mai 2017 par le juge de paix de Fria ainsi que sur son acte de transcription, le 24 mai suivant, au registre d'état civil du même lieu. Toutefois, la circonstance que ces derniers actes ne comportaient pas de légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'ils contiennent. Il en va de même de l'irrégularité affectant l'acte de naissance dressé en transcription du jugement supplétif, en tant qu'il comporte des dates portées en chiffres en contrariété avec l'article 179 du code civil guinéen. En outre, M. A... produit en appel un nouveau jugement supplétif rendu le 24 janvier 2022 par le juge de paix de Fria et un acte de transcription au registre d'état civil du même lieu du 14 février suivant, documents valablement légalisés et confirmant la naissance de l'intéressé à la date du 3 février 2001. Dans ces circonstances, au vu de l'ensemble des pièces au dossier et alors que le préfet ne conteste pas sérieusement l'authenticité de ces derniers actes qui, bien que postérieurs à l'arrêté contesté, revêtent un caractère recognitif, M. A... doit être regardé comme justifiant de son état-civil et de son âge, ainsi que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Finistère, de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans.

6. En second lieu, M. A..., qui a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à titre provisoire puis en vertu d'un un jugement en assistance éducative du 6 septembre 2018 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Quimper a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 29 janvier 2019, justifie remplir les conditions d'âge prévues par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressé, après avoir obtenu deux certificats d'aptitude professionnelle (CAP) de maçon en 2019 et de peintre-applicateur de revêtement en 2020, justifie en appel avoir suivi au titre de l'année scolaire 2020-2021 une première professionnelle dans la spécialité " aménagement finition bâtiment ", poursuivie par une inscription en terminale professionnelle l'année suivante. Titulaire également de diplômes d'études en langue française niveaux A2 et B1, il bénéficie d'un avis de la structure en charge de son suivi qui atteste de sa volonté d'intégration et de soutiens d'enseignants et d'encadrants. Il déclare avoir peu connu puis perdu son père et n'avoir que très peu de contacts avec sa mère qui réside en Guinée, où sa sœur jumelle est décédée en 2020. Dans ces conditions et alors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour prévu par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Finistère a entaché a décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente de délivrer ce titre à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à

Me Maony dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 et l'arrêté du préfet du Finistère du 7 avril 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet compétent de délivrer à M. A... un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3: L'Etat versera à Me Maony la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 2 décembre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT019082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01908
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-02;22nt01908 ?
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