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29/11/2022 | FRANCE | N°22NT00043

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 novembre 2022, 22NT00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2111853 du 9 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
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Par une requête enregistrée le 7 janvier 2022, M. B..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2111853 du 9 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Neraudeau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 9 novembre 2021 ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure de droit commun, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance du droit à l'information prévue par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 13 du Règlement (UE) n° 679/2016 du 27 avril 2016 ;

- l'entretien n'a pas eu lieu dans les conditions prévues par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision est entachée d'erreur de fait dès lors que des indices de vulnérabilité existent qu'il existe une défaillance systémique en Espagne et des risques de mauvais traitements et de violation, par ricochet, des articles 3 de la CEDH et 4 de la CDFUE ;

- la décision de transfert est prématurée compte tenu de ces indices de vulnérabilité et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- en ne faisant pas application de la dérogation prévue par le paragraphe 1de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il n'a pas tenu compte de son état de vulnérabilité ; il ne dispose pas de garantie lui permettant de s'assurer qu'il sera correctement pris en charge par les autorités espagnoles, alors que la prise en charge médicale des migrants est insatisfaisante dans le pays.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me Lachaux substituant Me Néraudau et assistant M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2022, a été produite pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

3. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé le premier juge, que l'arrêté prononçant le transfert de M. B... aux autorités espagnoles vise les dispositions applicables, notamment l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 7-2 et suivants et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 ainsi que le règlement établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, et, après avoir rappelé précisément les conditions d'entrée du requérant en France et la procédure suivie pour le dépôt et le traitement de sa demande d'asile, mentionne également que la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que les empreintes digitales de l'intéressé ont été enregistrées par les autorités espagnoles et que les autorités de ce pays, saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, ont fait connaître le 29 septembre 2021 leur accord explicite à cette reprise en charge. L'arrêté mentionne également que M. B... a déclaré avoir des problèmes de santé. Ces motifs, qui permettent d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application même si n'est pas développé l'ensemble du parcours migratoire du requérant, énoncent de façon suffisamment détaillée les éléments de droit et de fait sur lesquels est fondé l'arrêté attaqué. Par suite, et sans que le requérant puisse faire valoir sur le terrain de la motivation qu'il présentait une vulnérabilité particulière, cet élément relevant de la critique de fond des motifs de la décision, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

4. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

6. D'une part, si M. B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Espagne, les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi, en ce qui le concerne personnellement, que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, si le requérant soutient que son transfert en Espagne l'expose à un risque de mauvais traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il se trouverait dans une situation de vulnérabilité telle qu'elle ferait obstacle à son transfert. Enfin, la seule circonstance qu'à l'occasion d'un premier transfert auprès des autorités espagnoles celles-ci ait pris une obligation de quitter le territoire à son encontre ne permet pas d'établir que les autorités de ce pays n'auraient pas procédé à un examen de sa demande d'asile.

7. Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

8. La circonstance que M. B... souffre d'une hépatite B, laquelle a été diagnostiquée à l'issue d'examens sanguins le 1e décembre 2021, ne saurait suffire, en l'état des pièces du dossier, à établir une situation de vulnérabilité justifiant de la nécessite d'instruire en France sa demande. Le requérant n'établit pas davantage qu'il ne pourrait être pris en charge, pour cette pathologie, en Espagne. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en ne faisant pas usage des dispositions du premier paragraphe de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,

le préfet de Maine-et-Loire aurait commis aucune erreur manifeste d'appréciation ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9. En dernier lieu, pour le surplus, M. B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens qu'invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 15 octobre 2021 décidant son transfert aux autorités espagnoles sur la base duquel a été pris son arrêté d'assignation ainsi que l'arrêté d'assignation à résidence du même jour ne méconnaissent pas les articles 4, 5 et les dispositions du 1 de l'article 29 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas fait une inexacte application des critères de détermination de l'État membre responsable énoncés par ce règlement, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le transfert vers l'Espagne de l'intéressé, lequel avait présenté pour la première fois une demande d'asile dans ce pays, est intervenu sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement, qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 15 octobre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. B...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les meilleurs délais, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent dès lors être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Une copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

T. A...

Le président,

O. GASPON

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00043
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-29;22nt00043 ?
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