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18/11/2022 | FRANCE | N°22NT01667

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 novembre 2022, 22NT01667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL BC Distribution a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté urbaine Caen la mer à lui verser la somme de 225 381,20 euros majorée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi lors de la réalisation des travaux de transformation d'une ligne de tramway à Caen.

Par un jugement n°2001412 du 1er avril 2022 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mé

moire (non communiqué), enregistrés les 1er juin et

29 septembre 2022, la SARL BC Distribution...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL BC Distribution a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté urbaine Caen la mer à lui verser la somme de 225 381,20 euros majorée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi lors de la réalisation des travaux de transformation d'une ligne de tramway à Caen.

Par un jugement n°2001412 du 1er avril 2022 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire (non communiqué), enregistrés les 1er juin et

29 septembre 2022, la SARL BC Distribution, représentée par Me Launay puis par Me Gorand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er avril 2022 ;

2°) de condamner la communauté urbaine Caen-la-Mer à lui verser, à titre principal, la somme de 225 831,20 euros, subsidiairement celle de 80 846,49 euros ou à titre encore plus subsidiaire celle de 39 753,93 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et de leur capitalisation en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de la réalisation des travaux de transformation d'une ligne de tramway à Caen ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Caen-la-Mer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute de la communauté urbaine de Caen-la-Mer est engagée dès lors que l'accès à son commerce a été rendu plus difficile et que le déroulement du chantier a entraîné d'importantes nuisances rendant la salle de sport peu visible ;

- le principe d'égalité a été méconnu dès lors que d'autres commerces situés dans la même avenue ont été indemnisés ;

- la baisse de son chiffre d'affaires est en lien de causalité direct avec les travaux et ne peut être liée à l'ouverture d'autres salles de sport ; son activité cible un public différent de celui des autres salles ; une baisse importante et brutale de l'activité doit être constatée en 2018/2019 lors des travaux ;

- son préjudice financier doit être réparé par le versement de la somme de 225 381,20 euros ; subsidiairement, il sera tenu compte de sa perte d'exploitation entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019 à hauteur de 80 846,49 euros ; à titre infiniment subsidiaire son préjudice commercial doit être évalué à 39 753,93 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2022, la communauté urbaine

Caen-la-Mer, représentée par Me Meneghetti, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête de la société BC Distribution ;

2°) à titre subsidiaire, à la réduction à de plus justes proportions du montant de la somme mise à sa charge ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la société BC Distribution le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Gorand pour la SARL BC Distribution et de Me Saint Voirin pour la communauté urbaine Caen-la-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté urbaine Caen-la-Mer a entrepris des travaux de transformation de la ligne de tramway sur pneumatiques en tramway fer standard. La Sarl BC Distribution qui exploite, sous l'enseigne Elancia, un club de forme et de musculation dans des locaux situés au 17, avenue du 6 Juin à Caen a déposé une première demande d'indemnisation couvrant la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2018 auprès de la commission amiable d'indemnisation des travaux du tramway, qui, lors de sa réunion du 1er février 2019, a émis un avis favorable au versement d'une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice. Une seconde demande d'indemnisation au titre de la période allant du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019 a été présentée par la société requérante. La commission d'indemnisation des travaux du tramway du 5 mars 2020 a émis un avis défavorable à cette demande. Par une décision du 2 juin 2020, le président de la communauté urbaine de Caen-la-Mer a rejeté sa réclamation préalable indemnitaire. Par un jugement du 1er avril 2022, dont la société BC Distribution relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 225 381,20 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison des travaux de transformation de la ligne de tramway.

Sur la responsabilité de la communauté urbaine Caen-la-Mer :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. Il résulte de l'instruction, notamment des nombreuses photographies produites au dossier par la communauté urbaine, précisément situées et datées, que la salle de sport est restée accessible lors du déroulement de l'intégralité du chantier, en particulier pour les piétons alors qu'il n'est pas contesté que la salle est essentiellement fréquentée par des habitants du quartier ou des personnes travaillant à proximité. S'il est constant que lors des travaux effectués entre octobre 2018 et le 30 septembre 2019, des difficultés d'accès au local situé avenue du 6 juin ont existé en raison de la présence de palissades, d'un manque de visibilité du local commercial du fait de la présence d'engins de chantier ou de la suppression de places de parking, ni ces difficultés, ni les nuisances induites par le chantier lui-même, telles que le bruit ou les envols de poussière, n'ont eu, à elles seules, pour effet de compromettre de façon excessive l'accessibilité de la salle de sport exploitée par la société requérante, ou de restreindre de manière caractérisée son attractivité. Elles n'ont, dans ces conditions, pas présenté de caractère insurmontable et n'excédaient pas les sujétions normales imposées aux riverains d'une voie publique dans l'intérêt général.

4. Au surplus, il résulte de l'instruction que l'activité de la salle de sport exploitée par la société est en constante diminution sans discontinuité depuis 2015, soit au moins trois ans avant le démarrage des travaux publics en cause. S'il est vrai que la baisse du chiffre d'affaires a été plus conséquente en 2018-2019 par rapport à 2017 qu'elle ne l'a été entre respectivement

2015-2016 et 2016-2017, elle s'accompagne également d'une hausse des nouvelles adhésions en 2018/2019 et d'une baisse du nombre de résiliations. En outre, il est constant que l'activité de la requérante s'inscrit dans un contexte de concurrence accrue sur le territoire de la ville de Caen en raison non seulement de la présence de nombreuses salles ayant la même activité, mais également de l'ouverture de nouvelles salles susceptibles d'intéresser une clientèle similaire alors même que la société requérante se prévaut d'un concept d'activité différent de celui développé par les autres salles en ce qu'elle propose une activité " sport-santé " s'adressant à un public de sportifs modérés, sans organisation de cours collectifs. La circonstance invoquée par la requérante que des salles, exploitées sous la même enseigne commerciale, auraient des résultats plus favorables, soit dans d'autres quartiers de la ville de Caen, soit dans d'autres villes, c'est à dire dans des environnements différents, ne peut suffire à établir que la baisse observée dans l'établissement en cause ne pourrait s'expliquer que par les travaux de voirie entrepris compte tenu notamment du contexte fortement concurrentiel dans lequel la société

BC Distribution se situe.

5. Par suite, la responsabilité sans faute de la communauté urbaine de Caen-la-Mer ne saurait être engagée en l'absence de dommages de travaux publics présentant un caractère grave et spécial.

6. Par ailleurs, le fait que d'autres commerces situés dans la même avenue du 6 juin auraient pu percevoir des indemnités en raison des dommages résultant des travaux entrepris ne saurait, contrairement à ce que soutient la requérante, suffire à établir que le principe d'égalité entre commerçants de cette voie aurait été méconnu dès lors notamment qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces commerces seraient dans la même situation que la requérante au regard de ces travaux.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société BC Distribution n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté urbaine Caen-la-Mer qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SARL BC Distribution et non compris dans les dépens.

9. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SARL BC Distribution la somme de 1 500 euros qui sera versée à la communauté urbaine

Caen-la-Mer au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL BC Distribution est rejetée.

Article 2 : La SARL BC Distribution versera à la communauté urbaine de Caen-la-Mer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BC Distribution et à la communauté urbaine Caen-la-Mer.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01667
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;22nt01667 ?
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