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18/11/2022 | FRANCE | N°22NT01272

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 novembre 2022, 22NT01272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2021 du préfet du Calvados lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2102830 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém

oire, enregistrés les 27 avril et 2 mai 2022, M. B..., représenté par Me Lebey, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2021 du préfet du Calvados lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2102830 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 avril et 2 mai 2022, M. B..., représenté par Me Lebey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er avril 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 26 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer le certificat de résidence sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros, à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure ; compte tenu de l'impossibilité de bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; elle ne mentionne pas le pays de renvoi, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens tirés du vice de procédure et de la méconnaissance des dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ne sont pas fondés et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 22 décembre 1983, est entré en France le 23 septembre 2018 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 22 octobre 2018. Il a sollicité son admission au séjour pour raisons médicales le 12 novembre 2019. Par un arrêté du 26 novembre 2021, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit. M. B... relève appel du jugement du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificat de résidence formées par les ressortissants algériens : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ".

3. En premier lieu, si M. B... fait valoir que la décision lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité pour raisons médicales a été prise plus de huit mois après qu'a été émis l'avis du collège de médecins de l'OFII et qu'un changement est intervenu entretemps dans son traitement médicamenteux, il ne résulte d'aucun principe ni d'aucun texte que le préfet doit statuer sur la demande de titre de séjour dans un délai contraint après que le collège de médecins de l'OFII a rendu son avis. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision contestée portant refus de titre de séjour doit être écarté.

4. En second lieu, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit émettre son avis au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Par son avis du 2 mars 2021, que le préfet du Calvados s'est approprié, le collège de médecins de l'OFII a estimé notamment que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, atteint d'une leucémie myéloïde chronique diagnostiquée en mars 2018 en Algérie, a bénéficié à compter de cette date, dans ce pays puis en France, d'un traitement médicamenteux par imatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase, auquel le médecin qui assure le suivi du requérant auprès de l'institut d'hématologie de Basse-Normandie a substitué, à compter du mois d'octobre 2021, le disatinib, médicament de deuxième génération de la même famille que le précédent. M. B... soutient que son traitement n'est pas disponible en Algérie, ainsi que l'établirait la liste des médicaments disponibles en officine établie en décembre 2021 par l'Observatoire de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutiques, organisme rattaché au ministère algérien de l'industrie pharmaceutique, liste sur laquelle n'apparaissent ni l'imatinib ni le disatinib. Toutefois, le préfet, qui fait valoir le caractère non exhaustif de cette liste, justifie de l'inscription de ces deux médicaments sur la nomenclature nationale des médicaments mise à disposition par le même ministère et actualisée en juin 2021, ainsi que, par ailleurs de la présence en Algérie de services spécialisées dans la prise en charge et le traitement de la leucémie myéloïde chronique. Les attestations produites par le requérant, non datées ou établies postérieurement à l'arrêté contesté par des pharmaciens et médecins algériens et faisant état d'une impossibilité de prise en charge de l'intéressé dans son pays d'origine, alors qu'il y a déjà bénéficié d'un suivi et d'un traitement, ne présentent pas un caractère suffisamment probant pour remettre en cause le sens de l'avis précité du collège de médecins de l'OFII. Il en va de même, eu égard aux termes dans lesquelles elle est rédigée, de l'attestation établie à la même période par un médecin généraliste exerçant en France, dont les affirmations ne sont pas corroborées par les certificats établis par le médecin prescripteur de l'institut d'hématologie qui suit M. B.... Enfin, en faisant état de considérations générales tirées d'articles de presse et relatant des difficultés d'approvisionnement de certains médicaments en Algérie, l'intéressé n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier effectivement dans ce pays d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, en refusant de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il avait sollicité pour raisons médicales, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 citées au point 2.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Le présent arrêt n'annulant pas la décision portant refus de titre de séjour, le moyen soulevé par M. B... et tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre, doit être écarté.

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis septembre 2018, qu'il est hébergé pas sa sœur, de nationalité française, et qu'il participe à des activités de bénévolat. Toutefois, l'intéressé, qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa et qui est dépourvu de ressources propres et de logement autonome, ne justifie pas d'une particulière intégration. En outre, le requérant, célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans et où résident ses parents et une partie de sa fratrie. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Compte tenu de l'absence d'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.

11. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'elle ne mentionnerait aucun pays de destination, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 14 de leur jugement.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, en prenant cette décision, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Si M. B... soutient que son état de santé fait obstacle à son retour en Algérie, il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

La rapporteure,

C. C... Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT012722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01272
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LEBEY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;22nt01272 ?
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