La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2022 | FRANCE | N°21NT02293

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 novembre 2022, 21NT02293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 2100570 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés les 9 août 2021 et 12 juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Ifrah, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 2100570 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2021 et 12 juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Ifrah, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 7 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 du préfet de l'Orne ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ou à titre subsidiaire, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat et à son profit la même somme, sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il est entaché de l'incompétence de son signataire, compte tenu du caractère trop général de l'arrêté de délégation du 12 janvier 2021 ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa demande au titre de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée de l'incompétence de son signataire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, en ce qu'il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations, au mépris de son droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne a été méconnu ;

- elle méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- il n'est pas justifié que le préfet aurait procédé à un examen particulier des risques en cas de renvoi au Maroc.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.

Par décision du 27 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme D....

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., de nationalité marocaine, née le 29 octobre 1967, est entrée en France en juin 2016 sous couvert d'un visa de court séjour au-delà de la durée de la validité duquel elle s'est maintenue en France. Elle a obtenu une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à compter du 2 mars 2017 puis une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 1er mars 2020. Elle a ensuite sollicité un titre de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par arrêté du 11 février 2021, le préfet de l'Orne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement n° 2100570 du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

2. Par un arrêté du 12 janvier 2021 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. B... C..., directeur à la préfecture de l'Orne, a reçu délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Cet arrêté de délégation, qui vise l'arrêté de nomination de M. C... en qualité de directeur des libertés publiques et des collectivités locales, énumère limitativement et de manière exhaustive les actes que ce directeur est habilité à signer au nom du préfet et ne peut être regardé comme présentant un caractère trop général. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut, dès lors, qu'être écarté comme manquant en fait.

3. La décision portant refus de titre de séjour, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de Mme D..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée. Il en est de même de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a pas, en vertu de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, à faire l'objet d'une motivation distincte. La décision fixant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office vise les articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que l'intéressée n'établit pas que sa vie ou sa sécurité seraient menacées en cas de retour au Maroc. L'arrêté du préfet de l'Orne est ainsi suffisamment motivé.

4. Il ressort des termes mêmes de la demande de titre de séjour dont elle a saisi le préfet de l'Orne que Mme D... n'a pas précisé le fondement textuel de sa demande et qu'elle faisait valoir les liens personnels et familiaux qu'elle a en France, l'état de santé de sa sœur, et ses efforts d'insertion socio-professionnels. Dans ces conditions, alors qu'elle ne se prévalait pas d'un motif exceptionnel ou de considérations humanitaires, le préfet de l'Orne ne s'est pas mépris sur la demande dont il était saisi en estimant que Mme D... sollicitait un droit au séjour sur le seul fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'ailleurs, lorsqu'il a sollicité par courrier du 20 avril 2020 que la requérante produise des éléments complémentaires, il lui a indiqué explicitement qu'il avait regardé sa demande comme présentée sur le fondement de ces dispositions, sans que l'intéressée ne réagisse. Dans ces conditions, le préfet de l'Orne n'était nullement tenu d'examiner le droit au séjour de l'intéressée au regard des dispositions alors applicables de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a dès lors pas commis l'irrégularité alléguée par Mme D... en ne procédant pas à un tel examen.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; "

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire en juin 2016, soit moins de cinq ans avant l'intervention de l'arrêté en litige. Si elle fait valoir sa relation de concubinage avec un ressortissant de nationalité française, elle n'apporte pas d'éléments de nature à justifier de l'ancienneté, de l'intensité et de la stabilité de ses liens avec ce dernier à la date de la décision attaquée, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la cohabitation a seulement débuté quelques semaines après l'intervention de l'arrêté contesté et que la requérante reste silencieuse sur les circonstances de leur rencontre et sur la consistance des liens qui les unissent. Dans ce contexte, et malgré tant la proximité qu'elle revendique avec ses sœurs et ses neveu et nièce que ses perspectives d'insertion socio-professionnelle, Mme D... ne justifie pas de liens personnels et familiaux suffisamment stables, intenses et anciens sur le territoire français pour considérer que le refus de titre qui lui a été opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de ses motifs. Le moyen tiré de l'inexacte application du 7° de l'article L. 313-11 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. Le préfet de l'Orne n'ayant pas examiné la demande de titre de séjour de Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette dernière ne peut utilement faire valoir qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

8. Eu égard aux motifs énoncés au point 6, le refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requérante, qui n'apporte aucun élément concret sur le rôle qu'elle joue dans l'éducation de ses neveu et nièce, n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaitrait les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par ailleurs, elle ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre du refus de titre de séjour qui n'emporte pas, par lui-même, fixation du pays de renvoi.

9. Mme D... reprend en appel le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français a été édictée sans respect de la procédure contradictoire ou du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte européenne des droits fondamentaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

10. Contrairement à ce qu'indique la requérante, l'arrêté en litige mentionne bien que la mesure d'obligation de quitter le territoire français est fondée sur le 3° de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui venait de se voir refuser la délivrance d'un titre de séjour, relevait bien du champ d'application de ces dispositions permettant dans une telle hypothèse à l'autorité préfectorale de prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur de droit. Pour les motifs énoncés au point 6, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ou qu'elle méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requérante ne peut utilement invoquer l'article 3 de la même convention selon lequel nul ne peut être soumis à la torture ou à des peines inhumaines et dégradantes à l'encontre de la mesure d'obligation de quitter le territoire français qui n'emporte pas, par elle-même, fixation du pays de renvoi.

11. Enfin, Mme D... ne s'est jamais prévalue d'un quelconque risque de traitement inhumain et dégradant prohibé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel elle serait exposée en cas de retour au Maroc, ni à l'appui de sa demande de titre, ni dans le cadre de sa requête dans laquelle elle se borne à soutenir sans apporter le moindre élément probant qu'elle serait rejetée par sa famille au Maroc. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la motivation de l'arrêté en litige révèlerait un défaut d'examen par le préfet de l'Orne des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre des frais liés à l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

La rapporteure,

J. E...

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02293
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;21nt02293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award