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25/10/2022 | FRANCE | N°21NT02860

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 25 octobre 2022, 21NT02860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités allemandes et d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais.

Par un jugement n° 2103877 du 26 avril 2021 le magistrat désigne du tribunal administ

ratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités allemandes et d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais.

Par un jugement n° 2103877 du 26 avril 2021 le magistrat désigne du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2021, M. B... représenté par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 avril 2021

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté méconnaît son droit à l'information prévu aux articles 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, 29 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 et 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, dès lors qu'il n'est ni établi qu'il ait reçu dès le début de la procédure les informations prévues par les dispositions susvisées par écrit, ou à défaut oralement, et dans une langue qu'il comprend, ni que le préfet l'ait informé des éléments relatifs à l'utilisation de ses empreintes digitales et données personnelles en temps utile ;

- il n'est établi ni que l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ait été conduit par une personne qualifiée en droit d'asile ni qu'il ait pu faire état de ses craintes d'être renvoyé par ricochet en Afghanistan, alors même que l'entretien a été de courte durée et qu'il a été mené en lien téléphonique avec un interprète en langue ouzbek alors qu'il avait indiqué vouloir une traduction en langue dari ;

- il est entaché d'un défaut d'examen du risque de violation des articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il existe un risque direct de mauvais traitements en Allemagne en ce que sa demande d'asile a été rejetée et qu'il risque d'être placé en détention du fait de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, et un risque indirect de mauvais traitements en cas de renvoi vers l'Afghanistan en ce que l'obligation de quitter le territoire allemand est définitive et exécutoire et que l'Afghanistan connait toujours une situation de violence généralisée ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que l'examen n'a pas tenu compte de sa vulnérabilité, du rejet de sa demande d'asile en Allemagne, de l'obligation de quitter le territoire allemand dont il fait l'objet, du risque de renvoi en Afghanistan et de sa situation en France, alors même qu'il a expressément sollicité la mise en œuvre de l'article 17 du règlement par courrier du 4 mars 2021 et que des raisons humanitaires auraient dû lui permettre de rester en France pour l'examen de sa demande d'asile

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 25 janvier 2022 de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fins d'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Le préfet de Maine-et-Loire a, le 4 novembre 2021, versé aux débats des pièces relatives à la situation de M. B....

Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2022 le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 2 septembre 2021, M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant afghan né le 15 septembre 1997 à Faryab (Afghanistan), déclare être entré irrégulièrement en France le 20 janvier 2021. Le 2 février 2021, sa demande d'asile a été enregistrée à la préfecture de police de Paris. A la suite de l'entretien individuel qui s'est tenu à la préfecture le même jour, la consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales de l'intéressé a révélé qu'il avait déjà sollicité l'asile en Hongrie et en Allemagne, où ses empreintes avaient été enregistrées préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Saisies par les autorités françaises le 4 mars 2021, les autorités hongroises ont refusé de de prendre en charge la demande d'asile de M. B... le 5 mars 2021. Saisies par les autorités françaises le 4 mars 2021, les autorités allemandes ont explicitement accepté de reprendre en charge la demande d'asile de M. B... le 9 mars 2021. Par un arrêté du 29 mars 2021, notifié le 1er avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre le 2 février 2021 lors de l'enregistrement de sa demande d'asile et à l'occasion de son entretien individuel, le guide du demandeur d'asile et deux brochures intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents ont été remis à M. B... en langue dari. Il n'a à aucun moment mentionné le fait qu'il ne comprendrait pas la langue dari, alors même qu'il ressort du compte-rendu de son entretien, sur lequel il a apposé sa signature sans formuler d'observation, qu'il a compris l'ensemble des termes de son entretien. Ainsi, il est suffisamment établi que les documents ont été remis à M. B... dans une langue qu'il comprend. Enfin, les informations lui ont été données avant que le préfet décide de le transférer dans l'Etat membre responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès leur passage dans la structure de pré-accueil. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. D'autre part, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et par l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision par laquelle les autorités françaises remettent un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié le 2 février 2021, soit avant l'intervention de l'arrêté contesté, d'un entretien individuel tel que prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Si cet entretien a été mené en ouzbek avec le concours d'un interprète de l'association ISM Interprétariat, c'est une langue que l'intéressé a déclaré comprendre. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait éprouvé ni indiqué éprouver des difficultés pour comprendre les informations qui lui ont été délivrées et qu'il ait été empêché de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien. Il ressort d'ailleurs du compte-rendu qui en a été établi et dont une copie lui a été remise que l'intéressé a attesté avoir compris les informations qui lui étaient données. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, il ressort des pièces du dossier que figurent les initiales et la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu les articles L. 571-1 et 573-1, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

9. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

11. M. B... fait valoir que l'examen de sa demande d'asile doit être pris en charge en France, au titre du droit souverain des autorités françaises d'accorder l'asile sur leur territoire, y compris lorsque cet examen relève de la compétence d'un autre Etat, eu égard, d'une part, au risque direct de mauvais traitements en Allemagne en ce que sa demande d'asile a été rejetée et qu'il risque d'être placé en détention du fait de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, et d'autre part, au risque indirect de mauvais traitements en cas de renvoi vers l'Afghanistan en ce que l'obligation de quitter le territoire allemand est définitive et exécutoire et que l'Afghanistan connaît toujours une situation de violence généralisée. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté attaqué a seulement pour objet de transférer M. B... en Allemagne. Aucun élément probant ne permet de tenir pour établi qu'il serait personnellement exposé en Allemagne à des risques de traitements inhumains ou dégradants, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités allemandes n'évalueront pas d'office le risque réel de mauvais traitements qui naîtraient pour le requérant de son éventuel retour en Afghanistan ni que le requérant ne serait pas en mesure de faire valoir auprès de ces autorités tout élément nouveau relatif à sa situation personnelle ou à la situation actuelle en Afghanistan, pays dans lequel il n'établit pas devoir nécessairement regagner la région de Faryab. En outre, M. B... n'apporte pas la preuve, d'une part, que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités allemandes, ni, d'autre part, qu'il ne puisse demander, le cas échant, une demande de réexamen, ni qu'une telle nouvelle demande ne serait pas examinée par ces mêmes autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni, enfin, que la décision d'éloignement qu'il présente serait immédiatement exécutoire dès lors que ladite décision demande préalablement au requérant d'engager des démarches pour se voir délivrer un passeport par les autorités de son pays. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait quant au rejet définitif de sa demande d'asile par les autorités allemandes et celui fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reprises par l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peuvent qu'être écartés.

12. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

13. M. B... se borne seulement à faire valoir, sans apporter de précisions ni de justifications, qu'il serait malade. Il ne ressort dès lors pas des pièces du dossier que le préfet de police de Paris ou celui de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2021. Dès lors ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... ne peuvent dès lors être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.

Le rapporteur,

T. C...

Le président,

O. GASPON

Le greffier,

S. PIERODE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02860
Date de la décision : 25/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-25;21nt02860 ?
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