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11/10/2022 | FRANCE | N°21NT02983

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 11 octobre 2022, 21NT02983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., par une requête enregistrée le 8 avril 2020, a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'examen de sa nouvelle demande d'apatridie et d'enjoindre à l'Office d'enregistrer sa nouvelle demande d'apatridie en lui communiquant un nouveau formulaire de demande de statut d'apatride, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir et sous

astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2001725 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., par une requête enregistrée le 8 avril 2020, a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'examen de sa nouvelle demande d'apatridie et d'enjoindre à l'Office d'enregistrer sa nouvelle demande d'apatridie en lui communiquant un nouveau formulaire de demande de statut d'apatride, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2001725 du 16 août 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 octobre 2021 et 7 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Le Crane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 1er octobre 2019 de l'OFPRA du 6 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, d'enregistrer sa nouvelle demande d'apatridie en lui communiquant un nouveau formulaire " Demande de statut d'apatride ", et ce dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 € par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée n'est pas simplement confirmative ;

- l'OFPRA a commis une erreur de fait en estimant, d'une part, qu'elle n'avait pas accompli de démarches suffisantes auprès des différentes institutions locales ou nationales en charge de l'état civil et, d'autre part, pas fourni des éléments probants sur son parcours migratoire ;

Par un mémoire enregistré le 22 juin 2022 l'OFPRA représenté par Me Cano conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision contestée est purement confirmative et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides

publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Crane, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 28 septembre 1994 en Russie, est entrée irrégulièrement en France en 2007 accompagnée de sa mère Narine et de son frère Vartan. Elle a sollicité la reconnaissance de la qualité d'apatride par une demande du 23 avril 2013, rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 avril 2015. Mme C... a présenté une demande de réexamen de sa situation à cet Office les 4 octobre 2018 et 22 mars 2019. Sa demande été rejetée par une décision du 1er octobre 2019. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par l' OFPRA à la demande de première instance,

2. La décision de l'OFPRA du 10 avril 2015 refusant à Mme C... la qualité d'apatride était fondée sur les circonstances que les explications de celle-ci relatives aux démarches qu'elle aurait pu accomplir auprès des autorités russes et arméniennes s'étaient avérées sommaires et déterminantes. Il ressort des pièces du dossier que depuis cette décision, Mme C... a saisi les ambassades russe, arménienne et azerbaidjanaise, par courrier avec accusé de réception et par courrier électronique à plusieurs reprises en 2015, 2016, 2017 et 2018. Ainsi, la réponse de l'OPFRA a sa demande de nouvel examen de son apatridie par l'OFPRA le 1er octobre 2019, alors que les circonstances de fait étaient différentes, ne peut être regardée comme une décision purement confirmative. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par l'OFPRA doit être écartée.

Sur la légalité de la décision attaquée,

3. Aux termes de l'article 1er de la convention de New-York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 : " Aux fins de la présente Convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. (...) ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit des démarches répétées et assidues, le ou les Etats de la nationalité desquels elle se prévaut ont refusé de donner suite à ses démarches.

4. Mme C... établit avoir, depuis plusieurs années, entrepris des démarches aux fins de se voir délivrer un passeport ou des documents permettant de justifier de sa nationalité et de son identité. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'intéressée produit des courriers émanant de travailleurs sociaux adressés au préfet du Finistère en 2011 et 2012 rappelant les démarches invoquées par l'intéressée et par sa mère, dans la même situation, et entreprises par elles dès 2011 aux fins d'obtenir des documents d'identité auprès des ambassades d'Arménie et d'Azerbaïdjan en France. Mme C... justifie également, par la production de courriers recommandés avec accusé de réception, avoir, entre 2015 et 2018, chaque année, présenté des demandes répétées auprès des ambassades d'Azerbaïdjan, d'Arménie et de Russie en France afin d'obtenir les documents d'identité et de nationalité demandés par le préfet. Son conseil est également intervenu au soutien des démarches entreprises auprès de ces autorités afin que la situation de l'intéressée au regard des lois nationales de ces pays sur la nationalité soit examinée. Mme C... a ainsi sollicité en vain une vingtaine de fois ces ambassades entre 2015 et 2018 et sa mère a également tenté, par l'intermédiaire de l'ambassade de France à Bakou, d'obtenir une copie de son acte de naissance. Ainsi, les demandes susmentionnées doivent être regardées, contrairement à ce que soutient l'OFPRA, comme constituant des démarches répétées et assidues tendant à ce que les autorités azerbaïdjanaises, arméniennes ou russes reconnaissent Mme C... comme étant l'une de leurs ressortissantes. Mme C... est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er octobre 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'examen de sa nouvelle demande d'apatridie.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Eu égard au motif de l'annulation de la décision de l'OFPRA, le présent arrêt implique nécessairement que sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride soit réexaminée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'OFPRA de lui permettre de déposer une nouvelle demande de reconnaissance de la qualité d'apatride en lui communiquant un nouveau formulaire " demande de statut d'apatride ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Le Crane, avocat de la requérante, d'une somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'OFPRA demande au titre des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001725 du tribunal administratif de Rennes du 16 août 2021 la décision du 1er octobre 2019 par laquelle Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'examen de la nouvelle demande de reconnaissance de la qualité d'apatride présentée par Mme C... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de permettre à Mme C... de déposer une nouvelle demande de reconnaissance de la qualité d'apatride en lui communiquant un formulaire " demande de statut d'apatride ".

Article 3 : L'Etat versera à Me Le Crane, conseil de Mme C..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Les conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 octobre 2022.

Le rapporteur,

T. B...Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02983
Date de la décision : 11/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : LE CRANE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-11;21nt02983 ?
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