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30/09/2022 | FRANCE | N°22NT01036

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 septembre 2022, 22NT01036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 du préfet de la Sarthe lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n°2101166 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2022, M. C..., représenté par >
Me Cesse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 février 2022 du le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 du préfet de la Sarthe lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n°2101166 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2022, M. C..., représenté par

Me Cesse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 février 2022 du le tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler cet arrêté du 24 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, au cas où il ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, la même somme à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-11, 7°, L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- le droit d'être entendu tel qu'il résulte de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L.122-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été mis en œuvre avant son édiction ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2022, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est tardive, dès lors qu'elle a été enregistrée le 5 avril 2022 pour une notification au requérant effectuée le 4 mars 2022 ;

- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France au cours de l'hiver 2017. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Sarthe par une ordonnance de placement provisoire du 6 décembre 2017 puis par une mesure de tutelle du 9 janvier 2018. Il a sollicité le 13 mai 2020 du préfet de la Sarthe la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-15, L. 313-11, 7° ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 24 décembre 2020 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. C... relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe à la requête :

2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif au contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. (...) ".

3. Il ressort du dossier de première instance que le jugement attaqué du 17 février 2022 a été notifié à M. C..., le 7 mars 2022. Or, la requête visée ci-dessus a été enregistrée au greffe de la cour le 5 avril 2022, soit avant l'expiration du délai d'appel d'un mois, prévu par les dispositions précitées, qui est, d'ailleurs, un délai franc. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet, tirée de la tardiveté de la requête, doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 décembre 2020 :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure

d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

5. D'autre part, la délivrance d'une carte de séjour temporaire n'est pas seulement subordonnée au respect des conditions de fond prévues par l'article cité au point précédent, mais également au respect, par le demandeur, des règles de recevabilité de sa demande et, notamment de celles imposées par les dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ".

6. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 111-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dernières dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

7. M. C... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif du 20 novembre 2017, un acte de naissance du 23 novembre 2017, un extrait de naissance du même jour, ainsi qu'une carte consulaire délivrée le 27 août 2018 et un passeport délivré le

28 février 2019. Le préfet a toutefois estimé que ces documents ne permettaient pas de justifier de l'état civil et de l'âge du requérant, en se fondant sur cinq rapports simplifiés d'analyse documentaire défavorables réalisés le 9 novembre 2020 par la cellule " fraude documentaire " de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Nantes. Selon ces rapports, l'acte de naissance et l'extrait d'acte de naissance ont été falsifiés, ce qui rend irrecevables comme justificatifs d'identité notamment le jugement supplétif et la carte d'identité consulaire, qui ont été transmis avec ces documents.

8. Toutefois, l'administration, qui s'est appropriée le sens de ces rapports, ne conteste pas la valeur probante du jugement supplétif en lui-même. Elle ne précise pas comment la falsification de l'acte de naissance et de l'extrait d'acte de naissance en litige serait de nature à remettre en cause la validité du jugement supplétif qui a été rendu avant que ces actes soient dressés. Les mentions portées sur le jugement supplétif, l'acte de naissance, l'extrait de naissance, le passeport et la carte consulaire de l'intéressé sont, par ailleurs, concordantes. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, dont la charge lui incombe, de la fraude alléguée qui entacherait le jugement supplétif. Par suite, le préfet de la Sarthe, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, au motif que M. C... ne justifiait pas de son état civil et de sa minorité au moment de son placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, a, ainsi que le soutient ce dernier, fait une inexacte application des dispositions précitées.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus

de titre de séjour du 24 décembre 2020 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Le présent arrêt implique nécessairement mais seulement, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet de la Sarthe réexamine la situation de M. C.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme à Me Cesse, avocat de M. C..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 février 2022 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 24 décembre 2020 pris à l'encontre de M. C... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 30 septembre 2022.

Le rapporteur,

X. A...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01036
Date de la décision : 30/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-30;22nt01036 ?
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