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16/09/2022 | FRANCE | N°21NT03610

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 septembre 2022, 21NT03610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 6 avril 2020, par laquelle le directeur du centre hospitalier ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 16 mai 2018.

Par un jugement n° 2000911 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Desdoits, demande à la cou

r :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 décembre 2021 et la décisio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 6 avril 2020, par laquelle le directeur du centre hospitalier ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 16 mai 2018.

Par un jugement n° 2000911 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Desdoits, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 décembre 2021 et la décision du 6 avril 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 16 mai 2018 ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier ... de prendre une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 16 mai 2018 ainsi que les arrêts de travail consécutifs, et de régulariser son traitement assortis des intérêts au taux légal, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier ... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est pas motivée, dès lors notamment qu'elle n'énonce pas les considérations de fait qui ont conduit l'administration à refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 16 mai 2018 ;

- elle est entachée de vices de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été prise dans le délai impératif de deux mois qui était imparti par le jugement du 3 octobre 2019 pour réexaminer son dossier et que le centre hospitalier ... aurait dû consulter à nouveau la commission de réforme avant de se prononcer à nouveau sur l'imputabilité de l'accident du

16 mai 2018 au service ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que l'accident subi le 16 mai 2018 est en lien direct avec ses fonctions ;

- il subit un préjudice, lié en particulier, à l'impossibilité de travailler et à une perte de revenu depuis trois ans, pour lequel il introduira une demande devant le tribunal administratif, lorsque l'imputabilité au service de l'accident de service en cause aura été reconnue.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2022, le centre hospitalier ..., représenté par Me Lesné, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que, d'une part, elle ne comporte pas de conclusions à fin d'annulation du jugement du 6 décembre 2021, mais se borne à demander l'annulation de la décision contestée du 6 avril 2020 et que, d'autre part, elle se borne à reproduire intégralement la requête de première instance ;

- les conclusions tendant à ce que la cour donne acte au requérant de ce

qu'il se réserve de saisir le tribunal administratif pour demander l'indemnisation dans le cadre d'un recours de plein contentieux sont irrecevables, dès lors qu'elles n'entrent pas dans les pouvoirs de la cour et que, en tout état de cause, aucune réclamation indemnitaire préalable n'a été présentée en ce sens par le requérant ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... était affecté au centre hospitalier ... depuis le 2 juin 1997. Le directeur de cet établissement public lui a notifié, le 16 mai 2018, à l'issue d'un entretien, une décision de suspension de fonctions de quatre mois maximum en raison de faits susceptibles de constituer une faute, cette mesure étant accompagnée d'une saisine du conseil de discipline compétent concernant ces mêmes faits. Il a été hospitalisé le même jour à l'établissement public de santé mental de Caen et s'est vu prescrire un arrêt de travail pour maladie à partir du 16 mai 2018, qui a été renouvelé jusqu'au 11 novembre 2018. Suivant les conclusions d'un expert psychiatre désigné par le comité médical départemental, la commission de réforme hospitalière a émis, le 13 septembre 2018, un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 16 mai 2018. Par des décisions du 18 septembre 2018 et du 13 novembre 2018, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître l'accident du 16 mai 2018 comme imputable au service, ainsi que les arrêts de travail subséquents. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé ces décisions au motif de leur absence de motivation et a enjoint au centre hospitalier ... de réexaminer la demande de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par une décision du 6 avril 2020, le directeur du centre hospitalier ... a refusé de reconnaître l'accident du 16 mai 2018 et les arrêts de travail subséquents comme imputables au service. Par la requête visée ci-dessus, M. C... relève appel du jugement du 6 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application. Elle mentionne, de plus, notamment, les circonstances qu'aucun élément ne permet d'établir que la décision de suspension à titre conservatoire du 16 mai 2018 serait injustifiée ou que la procédure disciplinaire se serait déroulée dans des conditions anormales et qu'il n'existe aucun élément révélant la volonté délibérée de l'établissement de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé du requérant. Elle fait état encore de ce que la procédure de suspension de fonctions et la procédure disciplinaire ne sauraient intrinsèquement caractériser un accident de service au sens des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et que la pathologie de l'agent ne peut être imputée à un fait ou des circonstances particulières au sein du service pour être prise en charge au titre d'un accident de travail imputable au service. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation, notamment en fait, de la décision contestée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, le tribunal avait annulé, par son jugement du 3 octobre 2019, les décisions des 18 septembre et 13 novembre 2018 du directeur du centre hospitalier ... refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 16 mai 2018 et des arrêts de travail subséquents et avait enjoint au directeur de réexaminer la demande du requérant dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement. Compte tenu du motif qui était le support nécessaire de ce jugement, l'insuffisante motivation en fait des décisions annulées, le réexamen de la demande n'impliquait pas de saisir à nouveau la commission de réforme, qui avait déjà émis, le 13 septembre 2018, un avis, au demeurant, favorable, sur l'imputabilité au service de l'accident du 16 mai 2018, avant de statuer sur cette demande. Le moyen tiré de l'absence de saisine de cette commission préalablement à l'édiction de la décision contestée doit donc être écarté. Par ailleurs, la circonstance que cette décision n'ait pas été prise dans le délai de deux mois imparti par le jugement du 3 octobre 2019, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur sa légalité.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la décision en litige : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...). / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...). II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ".

5. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, le cas échéant après les avoir suspendus de leurs fonctions à titre conservatoire, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

6. M. C... soutient qu'il a été victime d'un accident de service sur son lieu de travail, le 16 mai 2018, du fait d'un entretien qu'il a eu ce jour avec le directeur de l'établissement public. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de cet entretien, l'intéressé s'est vu notifier une décision de suspension de ses fonctions de quatre mois, s'accompagnant d'une saisine du conseil de discipline, en raison d'un comportement inadapté et récurrent envers plusieurs agents féminins de l'établissement et qu'il a été informé de ce que le procureur de la République était saisi des faits en cause. Il en ressort également qu'il était très éprouvé à la suite de cet entretien, et que des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement l'ont accompagné, au vu de son état, jusque chez son médecin traitant, qui a demandé son hospitalisation, puis l'ont ramené au centre hospitaliser où il a été pris en charge par l'équipe psychiatrique de liaison. Il a été hospitalisé le même jour à l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Caen, d'où il est sorti le lendemain en s'étant vu prescrire un neuroleptique. Par la suite, il a bénéficié de congé pour maladie jusqu'au 1er avril 2019 en raison de troubles anxio-dépressifs pour lesquels il a suivi un traitement ainsi que des séances de psychothérapie. Il ressort encore des formulaires de prolongation d'accident de service qu'ils mentionnent un traumatisme psychologique à la suite d'un entretien conflictuel avec la direction.

7. Si M. C... soutient qu'au cours de l'entretien du 16 mai 2018, le directeur de l'établissement public lui a tenu des propos virulents et agressifs, en lui affirmant qu'il serait révoqué sur le champ, qu'il lui serait " interdit à jamais de travailler dans la fonction publique ", que " sa condamnation pénale serait certaine " et a menacé " de faire révoquer son épouse de l'éducation nationale ", la réalité de ces propos, qui sont contestés par le CH de Flers, ne peut être regardée comme établie par les seules allégations du requérant. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique de M. C... ait eu au cours de l'entretien en cause, par lequel il lui a communiqué des informations en elles-mêmes pénibles à entendre relatives aux circonstances de sa suspension de fonction, un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. De plus, la circonstance que le tribunal correctionnel d'Argentan ait relaxé M. C... de faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel, par un jugement du 20 avril 2021, ne permet pas de démontrer que la décision de suspension de fonctions prise le 16 mai 2018 à l'encontre de ce dernier, qui a, par ailleurs, fait l'objet le 14 janvier 2019, d'une décision de révocation devenue définitive, n'était pas fondée. Dès lors, cet entretien ne peut pas être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, malgré les effets négatifs qu'il a pu avoir sur la santé de l'intéressé. Par suite, et alors même que l'expert désigné par le comité médical et la commission de réforme ont émis des avis favorables à l'imputabilité au service de l'accident en cause, que l'administration n'était pas tenue de suivre, le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 16 mai 2018 doit être écarté.

8. En dernier lieu, la circonstance que la décision contestée ait eu des conséquences préjudiciables notamment au plan financier pour le requérant est sans incidence sur la légalité de cette décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de

non-recevoir opposées par le centre hospitalier, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier ... la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge M. C... la somme que demande le centre hospitalier ... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier ... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier ....

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2022.

Le rapporteur

X. B...Le président

D. SALVI

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03610
Date de la décision : 16/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP DESDOITS MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-16;21nt03610 ?
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