Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et l'arrêté modificatif du 28 janvier 2021 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 2100740 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 juillet et 16 septembre 2021 et
23 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Mazouin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 14 décembre 2020 et 28 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour du 28 janvier 2021 :
- il est entaché d'une erreur d'appréciation quant à la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en Mongolie ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de séjour pris à son encontre prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
Sur l'obligation de se présenter deux fois par semaine aux services de police :
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre prive de base légale l'obligation de se présenter aux services de police.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante mongole, est entrée en France en mars 2012, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée le 30 avril 2012 par l'Office français de protection des étrangers et apatrides (OFPRA). Elle a demandé, le 3 décembre 2013, la délivrance d'un titre de séjour, et s'est vu octroyer une autorisation provisoire de séjour de six mois pour raisons médicales. Par un arrêté du 6 octobre 2015, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 13 février 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et s'est vu accorder un titre de séjour pour raisons médicales d'une durée de trois ans, valable jusqu'au
6 août 2020. Par un arrêté du 14 décembre 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de renouveler ce titre de séjour. Après réexamen de la situation de l'intéressée, dont l'époux, M. E..., a fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet a, par un arrêté du 28 janvier 2021, retiré l'arrêté du 14 décembre 2020, refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C... et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. Par un jugement du 3 juin 2021, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 14 décembre 2020 et 28 janvier 2021.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, s'il peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
3. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, ainsi qu'il ressort de son avis du 23 septembre 2020, que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que cet état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Pour contester le sens de cet avis, Mme C..., qui souffre d'une pathologie dépressive chronique, pour laquelle elle bénéficie d'un suivi médical en France, produit notamment un document sur le système de santé mentale de Mongolie, au demeurant peu lisible, présentant les statistiques sur les soins de psychiatrie disponibles en Mongolie en 2017. Ce seul document, s'il en ressort que les psychiatres, personnels psychiatriques et unités de soins de santé mentale, sont moins développés en Mongolie qu'en France, au regard des populations respectives de ces pays, ne permet toutefois pas d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un accès effectif, dans son pays d'origine, à un traitement, notamment médicamenteux, adapté à son état de santé. Dans ces conditions, les éléments que fait valoir la requérante ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII sur la possibilité pour elle de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de délivrer à la requérante un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour n'étant pas établie, eu égard à ce qui précède, le moyen soulevé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de cette illégalité ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, la requérante reprend en appel le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et reprises à L. 611-3, 9° du même code. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. A la date de l'obligation de quitter le territoire français contestée, Mme C... séjournait en France depuis plus de huit ans. Si son mari, M. E..., un ressortissant géorgien et leurs deux enfants, nés en 2011 et 2016, y résidaient aussi, ce dernier avait fait l'objet, le 14 décembre 2020, alors qu'il était incarcéré, d'une obligation de quitter sans délai le territoire français ainsi que d'une interdiction de retourner dans ce pays pendant une durée de trois ans. Alors que l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas pour effet de séparer la requérante des membres de sa famille, qui ne bénéficient d'aucun droit au séjour en France, il ressort en revanche des pièces du dossier que la cellule familiale de la requérante peut se reconstituer notamment en Géorgie, pays où l'intéressée s'est mariée et où sa famille a fait de long séjour et qui dispose d'un système de soins permettant la prise en charge de sa pathologie. Il ne ressort pas des pièces du dossier, de plus, que la cellule familiale de la requérante ne pourrait pas se reconstituer en Mongolie, ni que les enfants de la requérante ne pourraient poursuivre leur scolarité dans ce pays ou en Géorgie. Enfin, la seule circonstance que l'intéressée a exercé une activité professionnelle en qualité d'agent d'entretien au sein d'un établissement de santé privé après avoir conclu, le 11 mars 2019 un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, ne suffit pas à établir une insertion sociale et professionnelle d'une particulière intensité. Dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a obligé la requérante à quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
8. En dernier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, eu égard ce qui précède, le moyen soulevé contre la décision faisant obligation à Mme C... de se présenter plusieurs fois par semaine auprès des services de police et tiré, par voie d'exception, de cette illégalité ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2022.
Le rapporteur
X. Catroux
Le président
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT021732