Vu, sous le n° 20NT02582, la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler la décision du 14 décembre 2018 par laquelle le directeur de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ... l'a placé en congé sans traitement pour maladie à compter du 1er septembre 2018 et la décision du 25 février 2019 par laquelle ce même directeur l'a placé en congé sans traitement pour maladie à compter du 1er septembre 2018, ensuite, d'enjoindre à cet établissement de lui octroyer un congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de cent euros par jour de retard et de produire le rapport d'expertise du docteur D..., enfin, de mettre à la charge de cet établissement le versement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1900865, 1901940 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2018 ainsi que sur les conclusions aux fins d'injonction du rapport d'expertise du docteur D... (articles 1er et 2), a annulé la décision du 25 février 2019 (article 3), a enjoint au directeur de l'EPLEFPA de ... de placer M. E... en congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter du présent jugement (article 4), a mis à la charge de l'EPLEFRA de ... une somme de 1 500 euros à verser à M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et a rejeté les conclusions présentées par l'EPLEFPA de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 6).
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 août 2020, 1er septembre 2021 et 7 octobre 2021, l'EPLEFPA de ..., représenté par Me Dubourg, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 3 à 6 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 25 février 2019 n'était pas simplement confirmative ; le second avis du comité médical avait pour seule vocation de modifier une erreur matérielle, de sorte que les circonstances de fait n'étaient pas distinctes ; à supposer même que la décision refusant le bénéfice d'un congé de grave maladie n'était pas confirmative, la décision de placement en congé sans traitement pour maladie l'était ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que le directeur de l'EPLEFPA était lié par l'avis du comité médical et a estimé, à tort, qu'il s'était senti lié par les avis médicaux des docteurs D... et B... ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne disposait d'aucun élément établissant que M. E... souffrait d'une pathologie présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, condition nécessaire à l'octroi d'un congé de grave maladie ou, comme le prévoit l'article 13 du décret du 17 janvier 1986, qu'il soit dans l'impossibilité d'exercer son activité et que son état de santé nécessite un traitement et des soins prolongés ; les examens menés en janvier ou février 2018 ne peuvent être écartés au seul motif qu'ils sont antérieurs à la demande de congé de grave maladie, dès lors que rien ne permet d'affirmer que l'état de santé de M. E... s'est aggravé entre cette période et le 19 mars 2018 ;
- l'injonction prononcée par le tribunal administratif doit être annulée par voie de conséquence du constat que sa décision était régulière ;
- à défaut de préciser si la situation à régulariser était statutaire ou financière, l'injonction prononcée est viciée dès lors que les différends liés au versement des indemnités journalières par la CPAM relèvent de la compétence du juge judiciaire ;
- l'injonction est irrégulière dès lors qu'elle suppose un placement en congé de grave maladie au-delà des périodes prévues par l'article 13 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;
- la décision de placement en congé sans traitement pour maladie, qui n'a pas été annulée par le tribunal administratif, fait obstacle à la régularisation de sa situation ;
- à titre subsidiaire, si la cour prononce une injonction, elle ne pourra qu'en préciser les modalités et la chronologie.
Par des mémoires, enregistrés les 10 février 2021 et 23 septembre 2021, M. E..., représenté par Me Barrault, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 25 février 2019 le plaçant en congé sans traitement pour maladie ;
2°) d'enjoindre à l'EPLEFPA de ... de lui accorder un congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'EPLEFPA de ... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un arrêt avant dire droit du 3 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a ordonné une expertise médicale complémentaire.
Par une ordonnance du 11 janvier 2022, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a désigné un médecin psychiatre en qualité d'expert.
Un projet de rapport a été transmis aux parties par l'expert le 12 avril 2022.
Le rapport d'expertise a été déposé et enregistré le 6 mai 2022 au greffe de la cour et communiqué le 12 mai 2022 aux parties.
Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2022, M. E... maintient ses conclusions antérieures en soutenant que l'expert a conclu que son état de santé justifiait l'attribution d'un congé de grave maladie.
Par un mémoire enregistré le 9 juin 2022, l'EPLEFPA de ..., qui maintient ses précédentes conclusions, soutient que l'expertise, qui n'a pas respecté le principe du contradictoire, est irrégulière ; d'une part, l'établissement n'a pas été averti ni convoqué à la réunion d'expertise qui s'est tenue le 1er avril 2022 et à laquelle seul M. E... était présent ; d'autre part, l'expert évoque 702 pages de dossier qui ne lui ont pas été communiquées et ne sont pas davantage listées sous forme de pièces dans le rapport d'expertise. Aucune réunion préalable à l'examen médical de M. E... n'a été conduite et il n'a pu faire valoir sa relation des faits. Enfin, sur le fond, l'établissement conteste, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans son dire du 29 avril 2022, les déclarations qui ont pu être faites par M. E.... Si ce dernier semble avoir évoqué des propos désobligeants, une absence de respect et une absence de de reconnaissance pour le travail accompli, des conflits de valeur, une insécurité de l'emploi, des attitudes vexatoires, un mode de direction distancié ou encore une surcharge de travail et des objectifs irréalistes, en l'absence de précisions sur ces différents éléments et faute d'une discussion contradictoire préalable préparatoire à l'analyse médicale, l'établissement n'est pas en mesure de répondre avec précision à ces différents éléments.
II. Vu, sous le n° 21NT01379, la procédure suivante :
Par des lettres enregistrées les 11 février 2021 et 30 avril 2021, M. E..., représenté par Me Barrault, a sollicité l'exécution du jugement n°1900865-1901940 du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Rennes et demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre à l'EPLEFPA de ..., sous astreinte de cent euros par jour de retard, de le placer en congé de grave maladie à compter du 1er septembre 2017 ;
2°) de lui payer l'intégralité de son traitement pour la période du 1er septembre 2017 au 1er septembre 2018 et un demi-traitement pour la période du 1er septembre 2018 au 1er septembre 2019 ;
3°) de saisir le comité médical pour se prononcer sur un éventuel renouvellement du congé de grave maladie à compter du 1er septembre 2019 ;
4°) de mettre à la charge de l'EPLEFPA de ... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des courriers, enregistrés les 7 avril 2021 et 20 mai 2021, l'EPLEFPA de ..., représenté par Me Dubourg, expose les diligences qu'il a menées depuis le jugement du 22 juin 2020.
Par une ordonnance n° 21NT01379 du 28 mai 2021, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a décidé l'ouverture d'une phase juridictionnelle prévue à l'article R. 921-6 du code de justice administrative en vue de prescrire les mesures d'exécution de ce jugement.
Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2021, M. E..., représenté par Me Barrault, présente à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, les mêmes demandes que précédemment.
Il soutient que le jugement n'a pas été exécuté du fait de l'attitude de l'EPLEFPA.
Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2021, l'EPLEFPA de ..., représenté par Me Dubourg, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. E... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il a mené toutes diligences depuis le jugement du 22 juin 2020 pour régulariser la situation de M. E....
Vu les autres pièces des dossiers, dont l'ordonnance du 19 juillet 2022, par laquelle le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 2160 euros TTC.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dubourg, représentant l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ..., et de Me Barrault, représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., qui exerce les fonctions d'enseignant formateur au sein de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ... depuis son embauche en septembre 1990, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, est en arrêt de travail depuis 1er septembre 2017. Le 19 mars 2018, il a demandé à bénéficier d'un congé de grave maladie. Par une première décision du 14 décembre 2018, son employeur, après avis du comité médical départemental du 12 septembre 2018 favorable à l'attribution d'un congé de longue maladie, a rejeté sa demande. Après un deuxième avis du comité médical départemental du 6 février 2019 favorable à l'attribution d'un congé de grave maladie, le directeur de l'EPLEFPA a, par une décision du 25 février 2019, rejeté de nouveau cette demande.
2. M. E... a, les 15 février et 19 avril 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes de deux demandes dirigées contre les deux décisions citées plus haut portant refus de lui accorder un congé de grave maladie. Après jonction, cette juridiction a, par un jugement du 22 juin 2020, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2018 ainsi que sur les conclusions aux fins d'injonction du rapport d'expertise du docteur D... (articles 1er et 2), a annulé la décision du 25 février 2019 (article 3), a enjoint au directeur de l'EPLEFPA de ... de placer M. E... en congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter du présent jugement (article 4), a, enfin, mis à la charge de l'EPLEFRA de Merdrigac une somme de 1 500 euros à verser à M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et a rejeté les conclusions présentées par l'EPLEFPA de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 6).
3. Par une requête n° 20NT02582, l'EPLEFPA de ... relève appel des articles 3 à 6 de ce jugement. Parallèlement, à la suite de la demande d'exécution de jugement présentée par M. Genevriez, le président de la cour a, par une ordonnance n° 21NT01379 du 28 mai 2021, décidé l'ouverture de la phase juridictionnelle prévue à l'article R. 921-6 du code de justice administrative en vue de prescrire les mesures d'exécution du jugement du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Rennes.
4. Par un premier arrêt du 3 décembre 2021, la cour, qui a jugé que les éléments médicaux contradictoires versés au dossier par les parties ne permettaient ni de connaître la nature exacte de la pathologie dont souffre M. E... ni de savoir si cette pathologie nécessite un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée, éléments susceptibles de conduire à l'octroi d'un congé de grave maladie, a diligenté une expertise médicale complémentaire. Le rapport de l'expert psychiatre a été déposé et enregistré le 4 mai 2022 au greffe de la cour. Les parties ont produit des observations après expertise, le 9 juin 2022.
5. Les requêtes n° 20NT02582 et n° 21NT01379 se rapportent à un même jugement. Il y a lieu, par suite, de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la requête n° 20NT02582 présentée par l'EPLEFPA de ... :
En ce qui concerne la régularité des opérations d'expertise :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. ".
7. L'EPLEFPA de ..., qui, à la suite du projet de rapport qui lui avait été transmis par l'expert le 12 avril 2022 avait critiqué dans un dire à l'expert le déroulement des opérations d'expertise, soutient que l'expertise qui n'a pas respecté le principe du contradictoire est irrégulière aux motifs que l'établissement n'a pas été averti ni convoqué à la réunion d'expertise qui s'est tenue le 1er avril 2022 et à laquelle seul M. E... était présent, et que les 702 pages de dossier qu'évoque l'expert dans son rapport ne lui ont pas été communiquées.
8. D'une part, aux termes de l'article R.621-7 du code justice administrative : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée. / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. " Si ces dispositions fixent les modalités selon lesquelles un expert désigné par le tribunal doit avertir les parties des réunions ou visites qu'il organise, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de lui imposer d'en organiser.
9. D'autre part, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.
10. Il résulte de l'instruction que si l'expert a pris connaissance du dossier contentieux qui lui a été transmis par le greffe de la cour, lequel comportait sans aucun ajout l'ensemble des écritures échangées entre les parties devant le tribunal et devant la cour ainsi que les courriers pris dans le cadre de l'instruction, et qu'il a, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, également reçu dans son cabinet pour examen M. E... le 1er avril 2022 afin de se prononcer, par ses constatations médicales, sur son état de santé au 1er septembre 2017 et sur l'évolution de cet état depuis lors, il n'a pas toutefois, ainsi que le fait valoir l'EPLEFPA de ..., convoqué de réunion ou organisé d'échange contradictoire entre les deux parties avant la remise de son projet de rapport.
11. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'expert qui n'avait pas, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la cour, à se prononcer sur l'imputabilité de la pathologie de M. E... au service, c'est-à-dire sur son origine professionnelle, a, après examen de l'intéressé, constaté " qu'à la date du 1er septembre 2017, l'agent présentait une décompensation psychique dans le cadre d'une symptomatologie anxio-dépressive sévère ; que cette symptomatologie évoluait depuis environ quatre ans et a entrainé un effondrement dépressif incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle, nécessitant des soins prolongés associant psychothérapie et prescription de psychotrope, que les conséquences traumatiques sont toujours présentes et obèrent tout retour au travail ; qu'elles constituent un facteur invalidant ". L'expert s'est ainsi, conformément à sa mission, prononcé sur des éléments de pur fait pour caractériser la pathologie de M. E... au regard des éléments de nature médicale à apprécier qui sont posés par l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 rappelé au point 5 et qui ont pu être contradictoirement discutés dans la présente instance. Dans ces conditions, l'EPLEFPA de ... n'est pas fondé à soutenir que l'expertise serait irrégulière en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire et que la cour ne pourrait se fonder sur le rapport qui lui a été remis.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal par M. E... contre la décision du 25 février 2019 :
12. Il ressort des pièces du dossier que le comité médical départemental saisi dans le cadre de la demande de congé de grave maladie de M. E... a émis un avis favorable, dans sa séance du 12 septembre 2018, à l'attribution à ce dernier d'un congé longue maladie d'une durée de quatre fois six mois à compter du 1er septembre 2017. Par une décision du 14 décembre 2018, le directeur de l'EPLEFPA de ... a rejeté la demande de l'intéressé et l'a placé en congé sans traitement pour maladie à compter du 1er septembre 2018, dont M. E... a demandé l'annulation dans une première demande n° 1900865 présentée devant le tribunal. Le comité médical départemental a, dans sa séance du 6 février 2019, rendu un avis favorable à l'attribution à M. E... d'un congé de grave maladie pour une durée de quatre fois six mois à compter du 1er septembre 2017 et jusqu'au 31 août 2019. Le directeur de l'EPLEFPA de ... a, à la suite de ce second avis, pris une seconde décision de rejet dont l'annulation a également été demandée dans une seconde demande présentée à la même juridiction sous le n° 1901940.
13. L'EPLEFPA soutient que la décision du 25 février 2019 serait une simple décision confirmative de la décision du 14 décembre 2018. Toutefois, la décision contestée du 25 février 2019 a été prise dans des circonstances de fait distinctes de celles ayant donné lieu à la décision précédente, un nouvel avis ayant été émis par le comité médical départemental. Elle n'est, par suite, pas une simple décision purement confirmative de la décision du 14 décembre 2018 mais s'est substituée à celle-ci. C'est dès lors à bon droit que les premiers juges, qui ont estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la décision du 14 décembre 2018, ont écarté la fin de non-recevoir opposée par l'EPLEFPA de ... contre la demande dirigée contre la décision du 25 février 2019 refusant à M. E... l'octroi d'un congé de longue durée.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 25 février 2019 :
14. Aux termes de l'article 91 de la loi du 24 décembre 2009 : " Afin d'harmoniser les règles et modalités de contrôle des assurés se trouvant dans l'incapacité physique médicalement constatée de continuer ou de reprendre le travail, le contrôle des arrêts de travail dus à une maladie d'origine non professionnelle des personnes mentionnées à l'article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est confié, à titre expérimental et par dérogation à l'article 35 de la même loi, aux caisses primaires d'assurance maladie et aux services du contrôle médical placés près d'elles. Cette expérimentation s'applique aux arrêts prescrits pour une durée inférieure à six mois consécutifs et n'ouvrant pas droit au régime des congés de longue maladie ou de longue durée. (...) ".
15. Aux termes de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt-quatre mois suivants. / En vue de l'octroi de ce congé, l'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. La décision d'octroi est prise par le chef de service sur avis émis par le comité médical saisi du dossier. (...) Le congé pour grave maladie peut être accordé par période de trois à six mois. (...). ". Aux termes de l'article 16 de ce même décret : " L'agent contractuel qui cesse ses fonctions pour raison de santé (...) et qui se trouve sans droit à congé rémunéré est : / - en cas de maladie, placé en congé sans traitement pour maladie pour une durée maximale d'une année si l'incapacité d'exercer les fonctions est temporaire. (...) ".
16. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que, pour refuser l'octroi d'un congé de grave maladie à M. E... à compter du 1er septembre 2017, le directeur de l'EPLEFPA s'est fondé sur une attestation du docteur D..., médecin généraliste agréé, en date du 22 février 2018 ainsi que sur une expertise réalisée en février 2018 par le docteur B..., médecin diligenté par la CPAM, selon lesquelles l'état de santé de l'intéressé lui permettait de " reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 1er janvier 2018 ". Toutefois, les dispositions de l'article 91 de la loi du 24 décembre 2009 ne s'appliquant pas aux congés de longue et de grave maladie, l'attestation du docteur D... ne liait pas le directeur de l'EPLEFPA, contrairement à ce que ce dernier soutient. Par ailleurs, cette lettre du docteur D... du 22 février 2018, indiquant sans en justifier que l'intéressé est " apte à reprendre son poste ", fait suite à un examen médical pratiqué le 17 janvier 2018, soit avant que M. E... ait déposé une demande de congé grave maladie, et en dehors de la procédure de saisine du comité médical départemental. D'autre part, l'expert désigné par la cour a, ainsi qu'il a été indiqué au point 11, constaté " qu'à la date du 1er septembre 2017, l'agent présentait une décompensation psychique dans le cadre d'une symptomatologie anxio-dépressive sévère ; que cette symptomatologie évoluait depuis environ quatre ans et a entrainé un effondrement dépressif incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle, nécessitant des soins prolongés associant psychothérapie et prescription de psychotrope, que les conséquences traumatiques sont toujours présentes et obèrent tout retour au travail ; qu'elles constituent un facteur invalidant ". Ces constatations médicales permettent clairement de considérer que M. E... remplissait bien les conditions posées par les dispositions du premier alinéa de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 pour bénéficier d'un congé de grave maladie et ce, le cas échéant, pendant une période maximale de trois ans. Par suite, la décision du 25 février 2019 par laquelle le directeur de l'EPLEFPA a rejeté la demande de congé pour grave maladie, que cet agent avait présentée, est entachée d'illégalité et doit être annulée.
17. Il résulte de ce qui précède que l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de son directeur du 25 février 2019 portant refus de faire droit à la demande de M. E... de lui accorder un congé de grave maladie.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
18. M. E... demande à la cour, dans son mémoire du 10 février 2021, ainsi qu'il l'avait fait devant les premiers juges, d'enjoindre à l'EPLEFPA de ... de lui accorder un congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de cent euros par jour de retard. Le jugement attaqué, que la cour n'annule ni ne réforme, ayant donné lieu à une requête n°21NT01379 aux fins d'exécution, qui est jointe à la requête au fond, et à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, il y a lieu de se prononcer sur la demande d'injonction dans le cadre de l'instance aux fins d'exécution.
Sur la requête n° 21NT01379 présentée devant la cour par M. E... :
19. En vertu de l'article 2 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " Les prestations en espèces versées par les caisses de sécurité sociale en matière de maladie, maternité, paternité, adoption, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que les pensions de vieillesse allouées en cas d'inaptitude au travail sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par l'administration durant les congés prévus aux articles 12 à 15. (...) Lorsqu'en application de l'article R. 321-2 du code de la sécurité sociale les prestations en espèces servies par le régime général sont diminuées, le traitement prévu aux articles 12 et 13 est réduit à due concurrence de la diminution pratiquée. ".
20. Par ailleurs, aux termes de l'article R.323-11 du code de la sécurité sociale : " La caisse primaire de l'assurance maladie n'est pas fondée à suspendre le service de l'indemnité journalière lorsque l'employeur maintient à l'assuré, en cas de maladie, tout ou partie de son salaire ou des avantages en nature, soit en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, soit en vertu des usages, soit de sa propre initiative. (/) Toutefois, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues. (/) Lorsque, en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, le salaire est maintenu en totalité ou en partie sous déduction des indemnités journalières, l'employeur qui paie tout ou partie du salaire pendant la période de maladie sans opérer cette déduction est subrogé de plein droit à l'assuré dans ses droits aux indemnités journalières pour la période considérée, à condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période. Dans les autres cas, l'employeur est seulement fondé à poursuivre auprès de l'assuré le recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières, dans la limite du salaire maintenu pendant la même période. ".
21. Le jugement attaqué, à l'article 4 de son dispositif, a enjoint au directeur de l'EPLEFPA de ... de placer M. E... en congé de grave maladie et de régulariser sa situation dans un délai de deux mois à compter du présent jugement. Or il résulte de l'instruction que ce jugement, que la cour n'annule ni ne réforme, n'a pas été exécuté.
22. Eu égard aux motifs d'annulation retenus dans l'instance n°20NT02582, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à l'EPLEFPA de ... de placer M. E... en congé de grave maladie à compter du 1er septembre 2017 au 31 août 2019, de lui verser, ainsi que l'impose l'article 13 du décret du 17 janvier 1986, cité au point 15, l'intégralité de son traitement pendant une période de douze mois à compter du 1er septembre 2017 jusqu'au 1er septembre 2018 puis un demi-traitement du 1er septembre 2018 au 31 août 2019, et ce, au vu de l'avis du comité médical émis le 6 février 2019. L'EPLEFPA de ... devra saisir à nouveau ce comité afin qu'il se prononce sur le reliquat possible d'un an de congé de grave maladie, ainsi que le permet également l'article 13 du même décret. Enfin, la circonstance, avancée par l'EPLEFPA de ..., que la CPAM a suspendu depuis le 1er février 2018 le versement des indemnités journalières dues à M. E... et que cette décision l'empêcherait d'exécuter le jugement n° 1900865-1901940 du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Rennes, demeure sans incidence sur l'obligation d'exécution de ce jugement qui pèse sur l'établissement, dès lors qu'il appartient à ce dernier de placer son agent dans la position administrative légale correspondant à sa situation avec versement de ses traitements et indemnités dus, puis, en application de la subrogation réglementaire instituée à son profit et rappelée au point 20, de réclamer à la CPAM le montant des indemnités journalières éventuellement dues et non versées à l'agent.
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à l'EPLEFPA de ... de régulariser la situation de M. E... comme indiqué ci-dessus dans un délai de deux mois et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard.
Sur les frais d'expertise :
24. Les frais d'expertise taxés et liquidés par ordonnance du président de la cour en date du 19 juillet 2022 sont mis à la charge définitive de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ....
Sur les frais liés au litige :
25. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par l'EPLEFPA doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPLEFPA, en application des mêmes dispositions, le versement à M. E... d'une somme de 1 500 euros pour chacune des deux instances.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 20NT02582 de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ... est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au directeur de l'EPLEFPA de ... de placer M. E... en congé de grave maladie à compter du 1er septembre 2017, de lui verser l'intégralité de son traitement et des indemnités dus pendant une période de douze mois à compter du 1er septembre 2017 au 1er septembre 2018 puis un demi-traitement du 1er septembre 2018 au 1er septembre 2019. L'EPLEFPA de ... saisira le comité médical départemental afin qu'il se prononce sur le maintien en congé de grave maladie de M. E... pour une troisième année et procèdera, à l'issue, au réexamen de la situation de M. E... en prenant une nouvelle décision.
Article 3 : Les mesures décrites à l'article 2 seront mises en œuvre dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt. Cette injonction est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard.
Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ....
Article 5 : L'EPLEFPA de ... versera à M. E... une somme de 1 500 euros dans chacune des instances n° 20NT02582 et n° 21NT01379 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par l'EPLEFPA de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions présentées par M. E... dans les deux instances sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au directeur de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de ... et à M. A... E....
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juillet 2022.
Le rapporteur,
O. C...Le président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
Nos 20NT02582, 21NT01379 2
1