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08/07/2022 | FRANCE | N°20NT02336

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 08 juillet 2022, 20NT02336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant à l'année 2010.

Par un jugement n° 1802708 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des m

moires enregistrés les 29 juillet 2020, 18 novembre 2021, 20 janvier 2022 et 8 mars 2022, ce dernier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant à l'année 2010.

Par un jugement n° 1802708 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juillet 2020, 18 novembre 2021, 20 janvier 2022 et 8 mars 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux, M. C... A..., représenté par Me Drévès, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement répond de manière succincte sur certains points ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- le service n'a jamais apporté la preuve que les premiers utilisateurs des véhicules avaient exercé leur droit à déduction et qu'en conséquence le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne pouvait être appliqué ;

- M. A... n'était pas en mesure de savoir que les premiers utilisateurs avaient exercé leur droit à déduction, et qu'en conséquence, le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne pouvait être appliqué ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires enregistrés les 3 février 2021, 17 décembre 2021 et 28 février 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut :

1°) au rejet de la requête

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré et à la remise à la charge de M. A... de cette majoration.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- la majoration pour manquement délibéré est justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dreves, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerçait à titre individuel, sous le nom commercial " Autotrust ", une activité de négoce en véhicules d'occasion. Il a fait l'objet, au titre de la période correspondant à l'année civile 2010, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause, selon la procédure contradictoire, l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à la revente de seize véhicules d'occasion. A la suite du recours hiérarchique, le service a abandonné les rectifications relatives à l'une des seize ventes, et maintenu les rectifications restantes. Après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation préalable, M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge. Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande en ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de la demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Le ministre chargé de l'économie et des finances relève appel de ce jugement, par la voie de l'appel incident, en tant qu'il a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a exposé les raisons pour lesquelles le service avait pu à bon droit remettre en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et a ainsi suffisamment motivé son jugement. Par suite, à supposer que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ait été soulevé, ce moyen doit être écarté.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

4. En l'espèce, il est constant que la proposition de rectification du 10 décembre 2013 mentionne le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En outre, le vérificateur a bien indiqué les motifs pour lesquels il entendait remettre en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, ainsi que les motifs justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

5. Enfin, à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 75 de la documentation administrative de base référencée 13 L-1513 du 1er juillet 2002, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté dès lors que la documentation en cause est relative à la procédure d'imposition et ne peut donc être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion, (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : "1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat-membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

8. En l'espèce, pour l'ensemble des véhicules en litige, si M. A... a reçu de ses fournisseurs espagnols, portugais ou roumain, des factures mentionnant que leur acquisition par le requérant était placée sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté qu'en réalité les véhicules avaient appartenu précédemment soit à des loueurs, soit à des concessionnaires, soit étaient utilisées à des fins professionnelle par des sociétés commerciales, et que ces propriétaires avaient ainsi bénéficié du droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée. Pour démontrer que M. A... ne pouvait ignorer le fait qu'il n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, et ce en dépit des mentions figurant sur les factures d'achat, le service s'est fondé sur le fait que l'intéressé était informé des diligences qu'il était censé accomplir en tant que professionnel de l'automobile, ces informations lui ayant été rappelées lors d'un précédent contrôle. Le service s'est également fondé sur la circonstance que le fait de faire appel à des sociétés espagnoles, portugaises et roumaines, pour des véhicules n'ayant jamais transité par ces pays, aurait dû accroître le niveau de vigilance de M. A.... Il s'est fondé en outre sur le fait que M. A... avait en sa possession les cartes grises des véhicules et allait chercher lui-même les véhicules en Allemagne, de sorte qu'il avait été en mesure de constater que les véhicules avaient appartenu soit à des loueurs, soit à des concessionnaires, soit avaient été utilisées à des fins professionnelle par des sociétés commerciales. Le service a enfin considéré que M. A... ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel de l'automobile, le fait qu'en Allemagne, l'acquisition d'un véhicule par un loueur, par un concessionnaire, ou par une société commerciale ouvrait droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et que l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge par les propriétaires suivants n'était donc pas possible. Au regard de l'ensemble de ces constatations, c'est à bon droit que le service a remis en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et a pratiqué les rappels de taxe correspondants.

Sur l'appel incident :

9. Aux termes de l'article 1729 code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

10. Pour justifier de l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, le service s'est fondé sur l'ensemble des éléments mentionnés au point 8, à savoir le fait que les règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée avaient été rappelées à M. A... lors d'un précédent contrôle, que le recours à des sociétés espagnoles, portugaises et roumaines, pour des véhicules n'ayant jamais transité par ces pays, aurait dû accroître le niveau de vigilance de M. A... et enfin le fait que M. A... disposait de l'ensemble des éléments permettant de constater que l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne pouvait être appliqué. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'administration fiscale apporte bien la preuve, qui lui incombe, que M. A... ne pouvait de bonne foi ignorer qu'il ne pouvait appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Par suite, et alors même qu'il n'avait pas exposé devant le juge de première instance ces motifs qui figuraient dans la proposition de rectification, c'est à bon droit que le service a fait application de cette majoration, et c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes en a prononcé la décharge.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande, et que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

Sur les frais liés au litige :

12. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1802708 du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 3 : La majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts est remise à la charge de M. A....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

Le rapporteur

H. B...La présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 20NT023362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02336
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET YANN DREVES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-08;20nt02336 ?
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