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17/06/2022 | FRANCE | N°21NT03276

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juin 2022, 21NT03276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 7 juillet 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement no 2104085 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 novembre 2021 et le 15 avril 2022, Mme D...

, représentée par Me Jeanneteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 7 juillet 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement no 2104085 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 novembre 2021 et le 15 avril 2022, Mme D..., représentée par Me Jeanneteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler cet arrêté du 7 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le jugement attaqué :

- il est insuffisamment motivé ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2021, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Jeanneteau, représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante nigériane née le 13 février 2003, est entrée en France le 23 avril 2019 selon ses déclarations. Par une ordonnance de placement provisoire du 10 septembre 2019 puis par jugement du tribunal des enfants de A... du 12 novembre 2019, elle a été confiée à l'aide sociale à l'enfance. A compter du 11 mars 2020, elle a été placée sous tutelle de l'Etat avant de bénéficier d'un contrat jeune majeur valable du 13 février au 31 mai 2021, renouvelé du 1er juin au 30 novembre 2021. Le 26 janvier 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-15, L. 316-1 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 juillet 2021, le préfet du Finistère a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination Par un jugement du 21 octobre 2021, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 juillet 2021 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de

" salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressée, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. Les dispositions de l'article précité n'exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d'origine et, d'autre part, que la délivrance du titre doit procéder d'une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française.

4. Pour prendre l'arrêté contesté, le préfet s'est fondé en particulier sur la circonstance selon laquelle Mme D... n'établit pas l'absence de lien avec sa famille dans son pays d'origine. Il a relevé, à cet égard, que l'intéressée a dissimulé le fait qu'elle avait obtenu un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes, le 26 février 2019. Il ressortait, en effet, de la consultation des données biométriques de la base de données Visabio que ses deux parents ont donné leur accord pour l'obtention d'un tel visa, qu'ils ont fourni des certificats de naissance, leurs passeports, des attestations de prise en charge financières de leur fille, ainsi qu'un document les engageant à un retour au Nigéria à l'issue du séjour.

5. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que Mme D..., qui a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de seize ans et huit mois, a poursuivi, avec sérieux, durant l'année scolaire 2020-2021, une formation en CAP " métiers de la mode ", après une année de seconde dans un lycée général. La structure qui l'a accueilli a, de plus, émis un avis favorable concernant son intégration dans la société française. En faisant du critère de l'isolement familial un critère prépondérant sans porter une appréciation globale sur la situation de Mme D..., alors qu'au demeurant, cette dernière soutient qu'elle a eu recours à un passeur pour entrer en France et qu'elle n'a pas connu ses parents, en étayant ses allégations de témoignages, dont l'administration ne remet pas en cause la valeur probante, le préfet du Finistère a commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 7 juillet 2021 ainsi que, par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Le présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Finistère réexamine la demande de Mme D.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de munir l'intéressée dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Jeanneteau, avocate de Mme D..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement no 2104085 du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du préfet du Finistère du 7 juillet 2021 pris à l'encontre de Mme D... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Jeanneteau une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

X. C...

La présidente,

C. Brisson

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT032762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03276
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : JEANNETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-17;21nt03276 ?
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