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17/06/2022 | FRANCE | N°21NT01699

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juin 2022, 21NT01699


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 par lequel la préfète de l'Orne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100254 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2021, M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 par lequel la préfète de l'Orne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100254 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2021, M. B... A..., représenté par Me Abdou-Saleye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 de la préfète de l'Orne ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à la préfète de l'Orne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, et dans les mêmes conditions d'astreinte, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois en le mettant en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 200 euros.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

­ elle a été prise sans qu'il soit procédé à un examen sérieux de sa situation dès lors que sa demande n'a pas été examinée sur le fondement de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

­ elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de cet accord compte tenu de la durée de son séjour en France et de sa situation financière stable alors qu'elle porte également atteinte à toute la communauté musulmane d'Alençon ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

­ cette décision est illégale du fait de l'illégalité dont est entachée la décision portant refus de titre de séjour ;

­ elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

­ cette décision est illégale du fait de l'illégalité dont sont entachées les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2022, la préfète de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

­ le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant pour ne pas avoir apprécié cette situation au regard des stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 sera écarté dès lors qu'il est demandé une substitution de base légale qui ne prive pas l'intéressé d'une garantie ;

­ aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

­ l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code des relations entre le public et l'administration ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 1er juillet 1985, est entré en France le 16 juin 2015, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Le 3 juillet 2019, il a sollicité de la préfète de l'Orne son admission exceptionnelle au séjour, qui a été implicitement rejetée. Il a déposé une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour le 21 août 2020. Par un arrêté du 8 janvier 2021, la préfète de l'Orne lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 27 mai 2021 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Il ressort des pièces du dossier, notamment de son courrier du 17 août 2020 et du formulaire CERFA qu'il a renseigné que M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur afin que lui soit délivrée une carte de séjour mention " salarié ".

En ce qui concerne la régularisation exceptionnelle au titre de la vie privée et familiale :

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué mentionne les textes applicables à la situation du requérant, en particulier l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté mentionne également les circonstances de fait propres à la situation personnelle et familiale de M. A..., en particulier qu'il n'a pas justifié dans sa demande de considérations humanitaires alors qu'il est célibataire et sans enfant à charge. Ce faisant, le préfet n'a pas méconnu l'office de l'administration quant à l'examen d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, en examinant la demande au titre de la vie privée et familiale. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la demande de régularisation doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la régularisation exceptionnelle au titre d'une activité salariée :

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les textes applicables à la situation du requérant, en particulier l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté mentionne également les conditions d'entrée et de séjour en France de M. A... et la circonstance que la production d'un contrat de travail, si elle crée une présomption favorable, est cependant insuffisante, en l'absence d'invocation d'autres motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, pour justifier une admission exceptionnelle au séjour. Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que sa demande, en tant qu'elle tendait à obtenir la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier.

5. En second lieu, en vertu des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ". Aux termes de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".

6. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

7. Par ailleurs, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, le refus de titre de séjour opposé à M. A... trouve son fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose, qui peut être substitué aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette substitution de base légale, demandée par le préfet de l'Orne et sur laquelle le requérant a pu présenter des observations devant la cour, n'a privé l'intéressé d'aucune garantie. Par suite, il y a lieu d'accueillir la demande de substitution de base légale demandée par le préfet.

8. Si M. A... soutient résider habituellement en France depuis 2015 et avoir exercé une activité professionnelle de juillet 2015 à décembre 2018 au sein de l'Association socio-culturelle Maghrébine à la Mosquée Attaqwa dans le département de l'Essonne, cette association, ainsi qu'il le précise, n'a pas été en mesure de lui proposer un contrat de travail. S'il a exercé une activité professionnelle au sein de l'association Mahabba d'Alençon d'abord sous contrat à durée déterminée puis sous contrat à durée indéterminée à compter de janvier 2019, cette activité est récente à la date de l'arrêté en litige et ne saurait établir, ainsi que l'a retenu l'autorité préfectorale, une insertion socioprofessionnelle dans la société française. Au surplus, ainsi qu'il ressort de son avis de situation déclarative 2020, l'intéressé n'a déclaré aucun revenu au titre de l'année 2019. Il suit de là, et à supposer même que l'association Mahabba d'Alençon rencontrerait des difficultés de recrutement, que compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M. A..., célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et non dépourvu d'attaches familiales au Maroc, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'était entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation à la date de l'arrêté attaqué.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

10. En second lieu, M. A... reprend en appel le moyen déjà invoqué en première instance tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter aucune argumentation ni éléments nouveaux concernant sa situation personnelle. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 8 de leur décision.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour son information, à la préfète de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDEL

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT01699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01699
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : ABDOU-SALEYE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-17;21nt01699 ?
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