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03/06/2022 | FRANCE | N°21NT03331

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juin 2022, 21NT03331


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 juin 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement no 2101600 daté du 5 novembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 29 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Boezec, demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 juin 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement no 2101600 daté du 5 novembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Boezec, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il ne mentionne pas la date à laquelle il a été rendu, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- la décision de refus de titre de séjour contestée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le préfet aurait dû mettre en œuvre son pouvoir discrétionnaire d'admission exceptionnelle au séjour, compte tenu de l'opportunité, au regard de sa situation, d'une mesure de régularisation ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les observations de Me Beaudouin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant algérien né le 21 octobre 1988, est entré en France, selon ses déclarations, le 2 juin 2018. Par un arrêté du 17 juin 2021, le préfet du Calvados a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence en application de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement daté du 5 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision doit faire apparaître la date à laquelle elle a été prononcée.

3. Ainsi que le soutient le requérant, le jugement attaqué a été notifié le 29 octobre 2021. Il doit, dès lors, être regardé comme ayant été prononcé au plus tard à cette date. Or, il ressort de ce jugement qu'il mentionne comme sa date celle du 5 novembre 2021. Par suite, ce jugement, qui ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 741-2, doit être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le ribunal administratif de Caen.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 juin 2021 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 visé ci-dessus: " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".

6. Il ressort de l'arrêté contesté, qui est suffisamment motivé, que le préfet s'est fondé, pour refuser de délivrer au requérant un certificat de résidence, sur la circonstance que l'intéressé n'était pas entré régulièrement sur le territoire français. En se bornant à soutenir que l'autorité administrative n'a pas pris en compte sa communauté de vie avec une ressortissante française avec laquelle il s'est marié, le 15 février 2020, M. A... ne conteste pas utilement le bien-fondé de ce motif. Par suite, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit au regard des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait sollicité du préfet du Calvados qu'il fasse usage de son pouvoir discrétionnaire pour prononcer son admission exceptionnelle au séjour. Il ne ressort pas, non plus, de l'arrêté contesté que le préfet aurait examiné d'office l'opportunité d'une mesure de régularisation au regard de la situation de l'intéressé, ce qu'il n'était pas tenu de faire. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ainsi soulevé ne peut, dès lors, qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. A la date de l'arrêté en litige, M. A... ne séjournait en France que depuis trois ans, et avait donc vécu la majeure partie de sa vie en Algérie où ses parents résident encore. S'il était marié à une ressortissante française depuis le 15 février 2020, cette union et la communauté de vie étaient récentes. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'intégration professionnelle de l'intéressé, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. A....

10. En quatrième lieu, eu égard à ce qui précède, M. A... ne remplissait pas les conditions prévue pour l'obtention du certificat de résidence sollicité. Le préfet du Calvados n'était donc pas tenu de saisir la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En cinquième lieu, l'illégalité de la décision refusant de délivrer à M. A... un certificat de résidence n'étant pas établie, le moyen tiré, par voie d'exception, de cette illégalité et soulevé au soutien des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Dès lors que M. A... ne pouvait justifier d'une entrée régulière sur le territoire français et s'était vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français, qui a été prise à son encontre, après un examen particulier de sa situation, n'est entaché d'aucune erreur de droit au regard de ces dispositions.

13. En dernier lieu, l'illégalité de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré, par voie d'exception, de cette illégalité et soulevé au soutien des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, qui a été prise après un examen particulier de l'intéressé, ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juin 2021.

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État la somme que le requérant demande, pour la présente instance, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement no 2101600 daté du 5 novembre 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Caen et le surplus des conclusions de la requête sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2022.

Le rapporteur

X. CatrouxLe président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21NT03331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03331
Date de la décision : 03/06/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-03;21nt03331 ?
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