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03/06/2022 | FRANCE | N°21NT01816

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juin 2022, 21NT01816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2021 du préfet du Morbihan lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'obligeant à remettre son passeport aux services de gendarmerie de Saint-Avé.

Par un jugement n° 2101138 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

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r une requête enregistrée le 6 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Guillou, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2021 du préfet du Morbihan lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'obligeant à remettre son passeport aux services de gendarmerie de Saint-Avé.

Par un jugement n° 2101138 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Guillou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 juin 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 26 janvier 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la compétence de l'auteur de cette décision n'est pas établie ;

- à défaut de permettre au juge de s'assurer de la saisine pour avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et de vérifier la légalité de cet avis, cette décision est entachée de vices de procédure ;

- le préfet s'étant cru lié par l'avis qu'aurait rendu ce collège de médecins, il a entaché sa décision d'erreur de droit ;

- en prenant cette décision, le préfet, qui ne s'est pas prononcé sur l'accessibilité dans son pays d'origine aux soins qui lui sont nécessaires, a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu de son état de santé, la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- en prenant cette décision, le préfet, qui ne s'est pas renseigné sur l'évolution de sa situation, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la compétence de l'auteur de cette décision n'est pas établie ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- la compétence de l'auteur de cette décision n'est pas établie ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2022, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant gambien né le 5 janvier 1988, est entré irrégulièrement en France le 10 août 2018, selon ses déclarations. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par décision du 23 juillet 2019 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 11 novembre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. M. A... a présenté le 6 août 2019 une demande de titre de séjour pour raisons médicales. Par un arrêté du 26 janvier 2021, le préfet du Morbihan a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. L'intéressé relève appel du jugement du 4 juin 2021 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Par son avis du 29 décembre 2020, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. L'intéressé, qui s'était prévalu à l'appui de sa demande de titre de séjour du 6 août 2019 d'un handicap lié à une prothèse de hanche, n'apporte aucun élément de nature à contredire le sens de cet avis, que le préfet du Morbihan s'est approprié. Dans ces conditions, le requérant, ne peut utilement se prévaloir ni de l'absence d'examen par le préfet de la possibilité de bénéficier dans son pays d'origine des soins qui lui seraient nécessaires et dont il ne précise au demeurant pas la nature ni d'une indisponibilité dans ce même pays de la technique de fécondation in vitro envisagée par les services hospitaliers. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

4. M. A... soutient que le préfet du Morbihan n'a pas pris la mesure de son état de santé. Toutefois, ni ces allégations, dépourvues de toute autre précision, ni les justificatifs médicaux produits par l'intéressé, dont il ressort seulement que son couple, pris en charge pour une infertilité primaire en octobre 2020, a entamé des démarches en vue d'une assistance médicale à la procréation pour laquelle il a donné son consentement postérieurement à l'arrêté contesté, ne suffisent à établir qu'en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M. A... se prévaut de son mariage, le 24 novembre 2018, avec une ressortissante française, soit trois mois après son entrée irrégulière sur le territoire français. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en dépit de ce mariage, prononcé vingt-six mois avant l'arrêté contesté, l'intéressé a attesté sur l'honneur être célibataire auprès des services de la préfecture en mai 2020, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour. En outre, M. A... ne justifie pas de ce que les démarches entamées par son couple en vue d'une assistance médicale à la procréation auraient dépassé une phase seulement préparatoire du processus à la date de l'arrêté en litige. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du caractère insuffisamment établi de l'ancienneté, de l'intensité et de la stabilité de la relation invoquée par le requérant, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Morbihan, qui n'était pas tenu d'interroger l'intéressé sur l'évolution de sa situation, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit pour s'être estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII, et de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, M. A... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés.

10. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté, aux points 11 et 13 de leur jugement, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une incompétence de son auteur et aurait été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. En l'absence d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, M. A... ne saurait exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante doivent être écartés.

13. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'une incompétence de son auteur et aurait été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 3 juin 2022.

La rapporteure

C. C... Le président

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT018162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01816
Date de la décision : 03/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : GUILLOU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-03;21nt01816 ?
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