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20/05/2022 | FRANCE | N°22NT00060

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 mai 2022, 22NT00060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'annuler l'arrêté 12 octobre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision l'obligeant à quitter le territoire français jusqu'à la lecture en audience publique de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande de réexamen de s

a situation au regard de l'asile ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet d'Ille-et-Vilai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'annuler l'arrêté 12 octobre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision l'obligeant à quitter le territoire français jusqu'à la lecture en audience publique de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande de réexamen de sa situation au regard de l'asile ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

Par un jugement n° 2105496 du 10 décembre 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Il soutient que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... dès lors que l'intéressé n'avait nullement porté à sa connaissance sa situation familiale en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2022, M. B... A..., représenté par Me Gourlaouen, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

2°) par la voie de l'appel incident :

­ à ce qu'il soit d'enjoint, sous astreinte, au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

­ ou subsidiairement de suspendre l'exécution de l'arrêté préfectorale en litige jusqu'à ce que sa demande d'asile soit réexaminée ;

3°) de mettre à la charge de l'État au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que

­ la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est irrecevable faute de contenir l'exposé des faits ;

­ le moyen présenté par le préfet n'est pas fondé ;

­ l'arrêté en litige doit être également annulé par les mêmes moyens que ceux présentés en première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 31 octobre 1996, ressortissant soudanais, a déclaré être entré en France le 19 septembre 2019. Le 22 octobre 2019, il a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande par une décision du 29 janvier 2021, confirmée le 22 juillet 2021 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 12 octobre 2021 pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Soudan comme pays de destination d'une mesure d'éloignement forcé. Par un jugement du

10 décembre 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. ". Ces dispositions n'exigent pas que les faits et les moyens soient exposés de manière distincte.

3. Si le préfet d'Ille-et-Vilaine s'en remet, dans la première partie de sa requête consacrée à l'exposé des faits, aux écritures produites en première instance, sans les avoir jointes, il développe cependant, dans une seconde partie, afin de contester le bien-fondé du motif retenu par le jugement attaqué, les éléments tant de fait que de droit quant aux conditions dans lesquelles M. A... a présenté sa demande de titre de séjour. Par suite, la requête d'appel du préfet satisfaisant aux exigences de motivation prévues par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la fin de non-recevoir opposée par M. A... ne peut qu'être écartée.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

4. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 541-2 de ce code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. " Aux termes du second alinéa de l'article L. 542-1 du même code : " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ".

5. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 532-54 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.". Aux termes de l'article R. 532-57 du même code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

6. Pour annuler l'arrêté en litige pour examen insuffisant de la situation de l'intéressé, le président du tribunal administratif de Rennes a estimé que l'autorité préfectorale ne pouvait ignorer la situation familiale de M. A... en France dès lors que différents membres de sa famille avaient également déposé des demandes de reconnaissance du statut de réfugié, qui avaient été examinées conjointement, seule sa sœur Layla A... obtenant le bénéfice de ce statut.

7. Toutefois, la confidentialité des éléments d'information détenus par l'OFPRA et la CNDA relatifs à la personne sollicitant la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle. Par suite, les services de la préfecture, qui ont instruit le dossier de M. A..., et qui sont seulement informés de la date de notification de la décision de la CNDA par des moyens de traitements informatiques, n'avaient pas connaissance du contenu de son dossier de demande d'asile et donc ne pouvaient avoir connaissance de la présence d'autres membres de sa famille en France du seul fait du dépôt de la demande d'asile. En outre, dès lors que M. A... avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du droit d'asile, il ne pouvait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qu'en cas de rejet, il pourrait faire l'objet d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour accompagnée d'une mesure d'éloignement assortie d'une décision fixant le pays de destination. Ainsi, il lui appartenait, au cours de l'instruction de cette demande, de faire valoir auprès de l'administration, qui n'était pas tenue de l'inviter à user de cette possibilité, toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux de nature à justifier son admission au séjour, y compris sur un fondement autre que l'asile. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. A..., qui avait indiqué être célibataire et sans enfant, n'a pas informé la préfecture de la présence de l'ensemble des membres de sa famille sur le territoire français et n'a pas sollicité un titre de séjour en se prévalant de cette situation. Dans ces conditions, le préfet ne peut être regardé, en n'ayant pas mentionné cet élément dans l'arrêté en litige, comme ayant entaché celui-ci d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. A....

Le préfet d'Ille-et-Vilaine est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur un tel motif pour annuler son arrêté du 12 octobre 2021.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour.

Sur les moyens communs à l'encontre des décisions :

9. Par un arrêté n°35-2021-09-22-00003 du 22 septembre 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné à M. Guillaume, secrétaire général de la préfecture de ce département, délégation à effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'État dans le département d'Ille-et-Vilaine à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers. Dans ces conditions, M. C... tenait de l'arrêté susmentionné du 22 septembre 2021 compétence pour signer l'arrêté du 12 octobre 2021 portant obligation de quitter le territoire français de M. A... et fixant le pays de destination sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.

Sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne les moyens soulevés au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision :

10. En premier lieu, il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le préfet

d'Ille-et-Vilaine a visé les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a fait application. Il a rappelé, ensuite, que M. A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français depuis que sa demande d'asile avait été rejetée par une décision prise par la CNDA le 22 juillet 2021, notifiée le 27 juillet suivant. L'arrêté mentionne, par ailleurs, les circonstances de fait propres à la situation de l'intimé, notamment sa situation familiale telle que déclarée dans le formulaire de demande d'asile de l'intéressé et les conditions de son séjour en France. L'arrêté précise, de plus, que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans son pays d'origine compte tenu, d'une part, des décisions prise par l'OFPRA et la CNDA et, d'autre part, des éléments portés à la connaissance de l'autorité préfectorale. Ainsi, alors que le préfet n'avait pas à mentionner de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait se rapportant à la situation de M. A... et que la motivation de la décision ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs, que la décision contestée est motivée en droit et en fait. Il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. A... soutient avoir le centre de ses intérêts privés et familiaux en France en faisant valoir que l'ensemble de sa famille y vit dont, notamment, sa sœur Layla, qui a obtenu la reconnaissance du statut de réfugié par une décision du 29 janvier 2021. Il indique, par ailleurs, être un soutien important, à son jeune frère qui est tétraplégique et totalement dépendant pour les actes de la vie courante. Il allègue, enfin, justifier d'une bonne intégration au sein de la société française pour être étudiant à l'université Rennes 2 et être bénévole au sein de la médiathèque de Fougères. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a déclaré être entré sur le territoire français le 19 septembre 2019, alors qu'il était âgé d'environ 23 ans, sans pouvoir justifier d'une entrée régulière. Il n'a pu s'y maintenir qu'en sollicitant son admission au séjour en qualité de réfugié, ce qui, à la date de la décision contestée, lui avait été définitivement refusée. S'il allègue de la présence en France des membres de sa famille, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 7, qu'il n'a pas déclaré cette situation aux services de la préfecture. Si sa sœur Layla a obtenu la reconnaissance du statut de réfugié, tel n'est pas le cas, en revanche, pour les autres membres de sa famille. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, ses parents et son jeune frère auraient obtenu la régularisation de leur situation administrative et auraient été admis à séjourner en France. De même, il ne ressort pas de ces pièces que M. A... serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Au surplus, si l'intimé fait valoir être un soutien indispensable à son frère handicapé, il n'apporte au soutien de son allégation aucun élément pertinent permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé alors que ses parents sont présents auprès de son frère. Dans ces conditions et compte tenu du caractère très récent du séjour en France de l'intéressé, quand bien même il a poursuivi ses études à l'université, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté, ainsi que celui tiré de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste dont serait entachée cette décision dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant. Si la situation administrative de ses parents et de son jeune frère venait à être régularisée, il appartiendrait seulement, compte tenu de cet élément de fait nouveau, à M. A..., s'il s'y croit fondé, de déposer une nouvelle demande de titre de séjour.

13. En dernier lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a pas pour objet de fixer le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement.

En ce qui concerne les moyens soulevés au soutien des conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision :

14. D'une part, aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ". En vertu de l'article L. 752-6 de ce code : " Lorsque le juge n'a pas encore statué sur le recours en annulation formé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 614-1, l'étranger peut demander au juge déjà saisi de suspendre l'exécution de cette décision. "

15. D'autre part, aux termes de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : / (...) 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable ; (...) ". Aux termes de l'article L. 541-3 de ce code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L.542-1 et L. 542-2. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 (...) ".

16. Si postérieurement à l'arrêté contesté, M. A... a saisi l'OFPRA d'une demande de réexamen de sa demande d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'Office, statuant selon la procédure accélérée prévue à l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande. Cette demande étant, par suite, toujours en cours d'instruction, M. A... peut, en application de l'article L. 542-2 du même code, se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que l'Office ait statué sur sa demande et la mesure d'éloignement ne peut, de plein droit, être mise à exécution conformément aux dispositions de l'article L. 541-3 du même code. Au demeurant, le préfet d'Ille-et-Vilaine a délivré à l'intimé, le 15 novembre 2021, une " attestation de demande d'asile - Procédure accélérée ", valable jusqu'au 14 mai 2022 afin de l'autoriser à se maintenir sur le territoire français, ce qui a pour effet de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement contestée. Il appartiendra seulement au préfet, si l'OFPRA n'avait pas toujours statué sur la demande de réexamen de proroger la durée de validité du certificat. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A..., présentées à titre subsidiaire, et tendant à ce que la cour, sur le fondement des dispositions des articles L. 752-5 et L. 752-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suspende l'exécution de l'arrêté préfectoral en litige jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande de réexamen de sa demande d'asile par l'OFPRA.

Sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de destination :

17. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;

/ (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

18. M. A... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il sera exposé à un risque de persécutions de la part des autorités soudanaises en raison de ses activités en faveur des droits de l'homme et de son activité actuelle sur les réseaux sociaux alors que, de plus, la situation politique y est extrêmement tendue. Toutefois, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue que le mandat d'amener qui aurait été pris à son encontre le 25 septembre 2019 n'avait pas déjà été présenté à l'appui de sa demande d'asile qui, comme il a déjà été dit, a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 29 janvier 2021 confirmée par une décision de la CNDA du 22 juillet 2021. L'extrait de compte issu des réseaux sociaux ne permet pas d'apprécier l'année des commentaires qui y sont portés ni, au surplus, si l'intimé a fait l'objet de menaces de la part des autorités de son pays à la date de la décision contestée en raison du contenu de ce compte. Dans ces conditions, alors même que le Soudan connaîtrait une situation politique tendue, M. A... n'apporte pas, en l'état du dossier, d'élément suffisamment probant de nature à justifier qu'il serait personnellement et actuellement exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article

3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 12 octobre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette la demande présentée par M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. A... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2105496 du 10 décembre 2021 du président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A..., devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour son information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2020.

Le rapporteur,

M. LHIRONDEL

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

.

N°22NT00060 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00060
Date de la décision : 20/05/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET CAROLE GOURLAOUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-05-20;22nt00060 ?
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