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29/04/2022 | FRANCE | N°21NT02960

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 avril 2022, 21NT02960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... et Mme D... C... épouse A... B... ont demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 10 mai 2021 par lesquels le préfet du Finistère a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement nos 2102728, 2102729 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure deva

nt la cour :

I. Par une requête enregistrée le 24 octobre 2021 sous le numéro 21NT02960, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... et Mme D... C... épouse A... B... ont demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 10 mai 2021 par lesquels le préfet du Finistère a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement nos 2102728, 2102729 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 24 octobre 2021 sous le numéro 21NT02960,

M. E... A... B..., représenté par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2021 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est dépourvu de base légale, dès lors qu'il ne statue pas dans son dispositif sur la demande de titre de séjour ;

- le refus de séjour, à le supposer pris à son encontre, méconnaîtrait les articles

L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaîtrait les dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du

28 novembre 2012 ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.

M. E... A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2022.

II. Par une requête enregistrée le 24 octobre 2021 sous le numéro 21NT02962,

Mme D... C... épouse A... B..., représentée par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2021 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est dépourvu de base légale, dès lors qu'il ne statue pas dans son dispositif sur la demande de titre de séjour ;

- le refus de séjour, à le supposer pris à son encontre, méconnaîtrait les articles

L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaîtrait les dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du

28 novembre 2012 ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... B... ne sont pas fondés.

Mme D... C... épouse A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les observations de Me Maony, représentant M. et Mme A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., de nationalité angolaise, né le 8 juin 1969 à Ambiz (Angola), et Mme C... épouse A... B..., de nationalité congolaise, née le 20 mai 1983 à Kinshasa déclarent être entrés avec leurs deux enfants mineurs sur le territoire français le 17 juin 2016, où ils ont sollicité, le 20 septembre 2018, le bénéfice du statut de réfugié. Par deux décisions des

19 février 2019 et 20 décembre 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes d'asile. Les intéressés ont formé contre ces décisions des recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui ont été rejetés par deux décisions rendues les 8 octobre 2019 et 31 juillet 2020. Le préfet du Finistère a alors, par deux arrêtés du 11 janvier 2021, décidé de les obliger à quitter le territoire français dans les trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement forcé. Par un jugement du 17 mars 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes, a annulé les arrêtés du 11 janvier 2021 et a enjoint au préfet du Finistère de réexaminer leur situation. Le 23 mars 2021, M. A... B... et Mme C... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles

L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 10 mai 2021, le préfet du Finistère a pris à leur encontre deux arrêtés dont les dispositifs indiquent notamment que les intéressés sont obligés de quitter le territoire français dans un délai de trente jours (article 1er) et fixent le pays de destination (article 2). M. A... B... et Mme C..., par deux requêtes distinctes, no 21NT2960 et n° 21NT02962, qu'il y a lieu de joindre, dès lors qu'elles sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés du 10 mai 2021.

2. En premier lieu, il ressort des termes des arrêtés contestés du 10 mai 2021 qu'ils ont été pris sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un ressortissant étranger auquel la délivrance d'un titre de séjour a été refusée. Si les arrêtés contestés ne comportent pas, tant dans leur titres que dans leur dispositifs, de mention expresse relative à une décision de refus de délivrance de titre de séjour, contrairement à la lettre de notification qui les accompagnent, il ressort de leurs motifs que le préfet du Finistère a examiné si les intéressés pouvaient se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour en déduire qu'ils ne remplissaient pas les conditions prévues par ces dispositions. Il en résultait, dès lors, implicitement, mais nécessairement, des décisions refusant de les admettre au séjour. Par suite le moyen tiré de ce que les décisions contestées sont entachées d'un défaut de base légale doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

4. M. A... B... et Mme C... ne séjournaient en France que depuis cinq ans environ à la date des décisions contestées. Malgré leur participation à l'activité d'associations, la scolarisation de leurs enfants et leurs activités ponctuelles en tant que travailleurs saisonniers, ils n'étaient toutefois pas durablement insérés dans ce pays, en particulier sur le plan professionnel, et n'y disposaient pas de ressources personnelles suffisantes et stables. Il ne ressort pas, de plus, des pièces du dossier qu'ils ne pourraient poursuivre leur vie familiale et la scolarisation de leurs enfants dans un autre pays que la France. Dans ces conditions, les refus de titre de séjour contestés n'ont pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en l'absence de considérations exceptionnelles ou de motifs exceptionnels ressortant des pièces du dossier de nature à justifier l'admission au séjour des intéressés, celles de son article L 435-1.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre des requérants n'ont pas pour effet de faire obstacle au maintien de leur vie familiale et de la scolarisation de leurs enfants, dès lors, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette vie et cette scolarisation ne pourraient se poursuivre ailleurs qu'en France, où les intéressés n'ont pas noué des liens personnels d'une particulière intensité. Par suite, les stipulations précitées n'ont pas été méconnues.

7. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination méconnaîtraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par le même motif que celui retenu, à bon droit, par les premiers juges.

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B..., à Mme D... C... épouse A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2022.

Le rapporteur

X. Catroux

Le président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21NT2960, 21NT029622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02960
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-29;21nt02960 ?
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