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29/03/2022 | FRANCE | N°21NT02220

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 mars 2022, 21NT02220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler les arrêtés des 5 mars et 6 mai 2021 pris respectivement par le préfet de Maine-et-Loire et le préfet de la Sarthe décidant son transfert aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, ensuite, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou subsidiairement, de procéder au réexamen de sa

situation dans un délai de à compter de la notification du jugement, enfin de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler les arrêtés des 5 mars et 6 mai 2021 pris respectivement par le préfet de Maine-et-Loire et le préfet de la Sarthe décidant son transfert aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, ensuite, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de à compter de la notification du jugement, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2105173 du 19 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée les 3 août 2021, M. A..., représenté par Me Chauvière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités espagnoles ;

3°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2021 du préfet de la Sarthe décidant son assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, ou subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il risque d'être éloigné vers son pays d'origine du fait du rejet de sa demande d'asile en Allemagne ;

- l'arrêté de transfert méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit avec une ressortissante française au Mans et ils envisagent de se marier ; son frère vit également en France ;

- l'arrêté d'assignation à résidence est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté d'assignation à résidence est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert ;

- l'arrêté d'assignation à résidence méconnaît les dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est entaché d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation ; il entrave également sa liberté d'aller et de venir et méconnaît son droit à un recours effectif.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 17 septembre 2021, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre et 30 décembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et informe la cour que l'intéressé a été déclaré en fuite, le délai d'exécution du transfert aux autorités espagnoles étant dès lors prolongé jusqu'au 15 juillet 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;

- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 6 avril 1974, est entré irrégulièrement en France le 5 novembre 2020. Il a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 31 décembre 2020. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Espagne le 15 septembre 2020 et qu'il avait irrégulièrement franchi la frontière espagnole dans la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande d'asile. Saisies le 5 janvier 2021 d'une demande de reprise en charge de M. A..., les autorités espagnoles ont donné leur accord le 15 janvier 2021. Par un arrêté du 5 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. A... aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. M. A... n'a pas déféré aux convocations du préfet tendant à ce que ces arrêtés lui soient notifiés en mains propres, et a élu domicile dans le département de la Sarthe. Il s'est vu notifier par le préfet de la Sarthe, le 6 mai 2021, l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 5 mars 2021 portant remise aux autorités espagnoles, ainsi qu'un arrêté du préfet de la Sarthe du 5 mai 2021 portant assignation à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. M. A... a, le 8 mai 2021, demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Par un jugement du 19 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête M. A... relève appel de ce jugement.

En ce qui concerne l'arrêté de transfert du préfet de Maine-et-Loire du 5 mars 2021 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. M. A... fait valoir qu'il mène une vie commune avec une ressortissante française, qu'il aurait rencontrée par l'intermédiaire d'un ami, et avec laquelle il avance avoir entretenu une relation à distance avant de s'installer avec elle à la fin de l'année 2020 au Mans, où le couple envisage de se marier. Toutefois, d'une part, il n'est pas démontré par les éléments du dossier, alors que l'intéressé s'est déclaré célibataire lors de l'entretien du 31 décembre 2020 et n'a pas davantage évoqué cette relation de concubinage lorsqu'il s'est présenté à sa convocation du 5 février 2021, l'existence d'une communauté de vie ancienne et stable. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le procureur de la République près le tribunal judiciaire du Mans a, par une décision du 20 avril 2021, sursis à la célébration du mariage des intéressés au vu des éléments en sa possession et des soupçons de fraude pesant sur la sincérité de l'union envisagée. Dans ces conditions, et malgré la présence régulière sur le territoire du frère de M. A..., le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet de Maine-et-Loire du 5 mars 2021 portant transfert aux autorités espagnoles porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

5. En troisième et dernier lieu, pour le surplus, M. A... se borne à reprendre devant le juge d'appel le même moyen que celui invoqué en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 5 mars 2021 décidant son transfert aux autorités espagnoles est suffisamment motivé.

En ce qui concerne l'arrêté du préfet de la Sarthe du 5 mai 2021 portant assignation à résidence :

6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités espagnoles contre l'arrêté l'assignant à résidence.

8. En deuxième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. A... vise l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, ainsi que l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles et expose les conditions actuelles de sa présence sur le territoire français. Il fait état notamment de ce qu'il est nécessaire de s'assurer de sa disponibilité pour la mise en œuvre du transfert vers l'Etat membre requis dont il fait l'objet. La décision contestée qui énonce de façon précise les considérations de fait et les motifs de droit est ainsi suffisamment motivée. Le moyen sera écarté.

9. En troisième lieu, M. A... soutient que l'arrêté d'assignation en litige est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne justifie pas de ce que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Toutefois, cet arrêté, qui se fonde sur la circonstance que M. A... fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités espagnoles, lesquelles n'ont pas entendu suspendre l'exécution des transferts pour raisons sanitaires, et qu'il justifie, par son adresse domiciliaire, de garanties de représentation suffisantes, satisfait aux conditions prévues à l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît adapté, nécessaire et proportionné à la finalité qu'il poursuit. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant cette décision doit être écarté.

10. En quatrième lieu, la décision portant assignation à résidence a été prise en vue de l'exécution de l'arrêté du 5 mars 2021 ordonnant le transfert de M. A... aux autorités espagnoles, qui ont accepté de prendre en charge l'intéressé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement ne demeurait pas alors une perspective raisonnable pouvant être exécutée dans le délai d'assignation à résidence. En outre, si M. A... fait état de sa situation de concubinage avec une ressortissante française, cette circonstance n'est pas de nature à justifier du caractère disproportionné de la mesure d'assignation à résidence et de l'obligation faite à l'intéressé de se présenter trois fois par semaine au commissariat central de police du Mans. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de la liberté d'aller et venir sera écarté.

11. En cinquième et dernier lieu, le requérant soutient qu'en lui notifiant l'arrêté d'assignation à résidence, le préfet l'aurait privé du délai de recours contentieux de quinze jours ouvert à l'encontre de la mesure d'éloignement et aurait ainsi méconnu " son droit au recours effectif ". Toutefois, ce moyen doit être écarté dès lors que l'intéressé n'a pas été empêché de contester l'arrêté litigieux devant le juge administratif et de faire valoir tout moyen à son encontre, jusque et y compris à l'audience.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 5 mars 2021 portant transfert aux autorités espagnoles et de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 6 mai 2021 décidant son assignation à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

Le rapporteur, Le président,

O. COIFFET O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02220
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : CHAUVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-29;21nt02220 ?
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