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25/03/2022 | FRANCE | N°21NT01868

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 25 mars 2022, 21NT01868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2100744 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Maon

y, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2100744 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mai 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 8 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en s'abstenant de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa situation professionnelle justifiait que lui soit délivré un titre de séjour en application du pouvoir discrétionnaire du préfet et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson et les observations de Me Maony, représentant

M. B..., ont été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 11 juillet 1989, est entré en France le 14 mai 2015, selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire pour raisons médicales le 14 septembre 2015 et s'est vu délivrer par le préfet du Bas-Rhin des autorisations provisoires de séjour à compter du 29 décembre 2015, puis une carte de séjour temporaire valable du 18 janvier 2017 au 17 janvier 2018. Par un arrêté du 10 décembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de renouvellement de ce titre de séjour présentée par l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours exercé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Strasbourg, confirmé par une ordonnance du 13 février 2020 de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy. M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès de la préfecture du Finistère le 28 septembre 2020. Par un arrêté du 8 janvier 2021, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. L'intéressé relève appel du jugement du 27 mai 2021 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes à l'encontre de la décision par laquelle le préfet du Finistère a rejeté sa demande de titre de séjour fondée notamment sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a invoqué des moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commises le préfet dans l'examen de la possibilité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " pour motifs exceptionnels. Il résulte des motifs énoncés aux points 6 et 7 du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté ces moyens en relevant que l'intéressé ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions précitées pour solliciter son admission au séjour au titre d'une activité salariée, l'examen d'un droit au séjour d'un ressortissant tunisien au titre d'une telle activité ne pouvant être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord franco-tunisien, sans préjudice de la mise en œuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose et que, au vu de l'ensemble de la situation personnelle de M. B..., dans ses dimensions tant professionnelle que privée et familiale, le préfet du Finistère n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission au séjour à titre exceptionnel. Dans ces conditions, au regard de la motivation de leur décision, les premiers juges ont, implicitement mais nécessairement, considéré qu'aucune erreur de droit ne peut être constatée du seul fait que le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation exceptionnel. Le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit par suite être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

4. Si M. B... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2015, des liens qu'il y a tissés dans son entourage et de la relation amicale puis sentimentale qu'il a nouée en 2020 avec une ressortissante française, l'intéressé célibataire et sans enfant, ne justifie ni de l'ancienneté ni de l'intensité des liens qu'il invoque. Le requérant, hébergé par la communauté d'Emmaüs auprès de laquelle il exerce des activités solidaires, ne justifie pas d'une autonomie dans ses conditions d'existence. S'il se prévaut en outre d'une insertion professionnelle dont attesteraient les activités précitées, les activités salariées qu'il a exercées principalement dans le cadre de missions d'intérim, sa formation en conduite d'engins de chantier, la perspective d'un contrat de professionnalisation, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... ne justifie pas d'une entrée régulière en France, n'a été admis à y séjourner qu'à titre provisoire entre 2015 et 2018 pour des raisons médicales et s'y est maintenu irrégulièrement en dépit de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet le 18 décembre 2018. Enfin, l'intéressé n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de près de vingt-six ans. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour en France de M. B..., la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. M. B... fait valoir que l'activité d'économie solidaire qu'il exerce depuis le mois d'octobre 2019 auprès de la communauté Emmaüs lui a permis de développer des compétences professionnelles, que sa formation en conduite d'engins de chantier lui a ouvert la perspective d'un recrutement dans un emploi de " maçon VRD " par un groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification, sous couvert d'un contrat de professionnalisation et que le métier de maçon connaît des difficultés de recrutement. Toutefois, à supposer avérées les perspectives professionnelles dont l'intéressé se prévaut ainsi, ces circonstances ne suffisent pas, eu égard à ce qui a été dit au point 4, à établir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Finistère aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. Les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent uniquement des orientations générales adressées par le ministre de l'intérieur aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation et non des lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge. Dès lors, cette circulaire ne comporte aucune interprétation d'une règle de droit positif ou description des procédures administratives au sens des dispositions précitées, et l'insertion par la loi du 10 août 2018 d'un nouvel article L. 312-3 dans le code des relations entre le public et l'administration ne saurait avoir eu pour effet de rendre ces orientations générales opposables aux administrés. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire devant le juge.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 25 mars 2022.

La rapporteure

C. Brisson Le président

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT018682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01868
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-25;21nt01868 ?
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