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25/03/2022 | FRANCE | N°21NT01215

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 25 mars 2022, 21NT01215


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2100586 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejetés sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er mai 2021 et 4

février 2022, M. C..., représenté par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2100586 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejetés sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er mai 2021 et 4 février 2022, M. C..., représenté par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 avril 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 13 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cas d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- A... tenu de l'impossibilité de bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de cette décision prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'illégalité de cette décision prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi ;

- cette décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 janvier et 21 février 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson et les observations de Me Maony représentant

M. C... ont été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 21 octobre 1986, est entré en France le 28 septembre 2017, selon ses déclarations. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par décision du 31 juillet 2018 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par décision du 17 décembre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 25 février 2019, le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté a été confirmé par un jugement du 26 mars 2019 du tribunal administratif de Rennes et par un arrêt du 8 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes. Après avoir sollicité une mesure de protection contre l'éloignement le 6 juin 2019, l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour pour raisons médicales le 20 juillet 2020. Par un arrêté du 13 octobre 2020, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. M. C... relève appel du jugement du 2 avril 2021 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision portant refus de titre de séjour. En particulier, il vise les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité géorgienne M. C..., expose le contenu de l'avis du 28 septembre 2020 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a été produit au dossier et indique que l'intéressé ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour sollicité pour raisons médicales. Par suite cette décision de refus de titre de séjour, dont il ne ressort pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen personnalisé de sa situation, est suffisamment motivée.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Par son avis du 28 septembre 2020 que le préfet du Finistère s'est approprié, le collège de médecins de l'OFII a estimé notamment que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, est atteint d'une paraplégie post-traumatique complète, antérieure à son entrée en France et à caractère spastique, accompagnée d'escarres sacrées et ischioiliaques, ainsi que d'une vessie neurologique impliquant la réalisation d'auto-sondages. Sa prise en charge est constituée, à la date de l'arrêté contesté, de séances de rééducation par kinésithérapie, de soins infirmiers quotidiens, d'injections intra-détrusoriennes de toxines botuliques et d'un traitement médicamenteux. En se prévalant de considérations générales sur le système de santé géorgien, le requérant n'établit pas qu'il serait dans l'impossibilité de bénéficier effectivement dans ce pays, où il a déjà été pris en charge, des soins appropriés qui lui sont régulièrement dispensés par des professionnels de santé. En outre, la circonstance que le set d'auto-sondage prêt à l'emploi qu'il utilise ne serait pas disponible en Géorgie ne suffit pas à établir qu'il ne pourrait y réaliser ces auto-sondages au moyen d'un dispositif équivalent. Si M. C... se prévaut également de l'absence de commercialisation en Géorgie d'une partie des médicaments composant son traitement, dont font état les courriers des 6 novembre 2020 et 1er février 2022 du ministère géorgien de la santé qu'il produit, ces mêmes documents mentionnent expressément la disponibilité de substituts de même substance active. Si tel n'est pas le cas pour l'un des laxatifs qui lui sont prescrits, le préfet établit toutefois la présence sur la liste des produits pharmaceutiques disponibles en Géorgie de médicaments relevant de la même classe thérapeutique. En ce qui concerne l'anticholinergique qui lui a été prescrit et qui est également mentionné comme non enregistré sur le marché pharmaceutique de la Géorgie par les courriers précités du ministère géorgien de la santé, le requérant n'établit pas que ce médicament figurait dans son traitement médicamenteux à la date de l'arrêté contesté. Par suite, et alors même qu'un précédent avis du collège de médecins de l'OFII, rendu plus d'un an avant celui du 28 septembre 2020, a été favorable à l'intéressé, le préfet du Finistère n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. A... tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, M. C... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis le mois de septembre 2017 avec son épouse et son fils, sa fille les ayant rejoints ensuite, que ses enfants, nés en 2009 et 2013, sont scolarisés respectivement en classe de 6ème et de CE1 à la date de l'arrêté contesté et inscrits dans des clubs sportifs. Toutefois, alors que la présence en France de sa famille est relativement récente, l'intéressé, qui a fait l'objet ainsi que son épouse d'une précédente mesure d'éloignement, ne justifie pas d'une particulière intégration, notamment sociale et professionnelle. Il n'allègue ni n'établit être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, qu'il a quitté à l'âge de trente ans ou d'y poursuivre la scolarité de ses enfants. A... tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. C..., la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. A... tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. C... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.

10. Ainsi qu'il é été dit au point 4, M. C... n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, en fixant la Géorgie comme pays à destination duquel l'intéressé était susceptible d'être reconduit d'office, le préfet du Finistère n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 25 mars 2022.

La rapporteure,

C. Brisson

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT012152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01215
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-25;21nt01215 ?
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