Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 23 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et de condamner l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité qui ne lui ont pas été versées ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1905670 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2021, M. B... A..., représenté par Me Lemasson de Nercy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 23 novembre 2016 du ministre de la défense ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité qui ne lui ont pas été versées ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il a bien contesté le taux de pourcentage d'invalidité de 20 % retenu et son état actuel suppose l'établissement d'un droit à pension à 70 % ;
- en application de l'ancien article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et ainsi qu'il résulte de son livret médical militaire, la bronchite qu'il a contractée en 1959 doit être imputée au service et ouvre droit à pension ; en conséquence, il est en droit de réclamer la condamnation de l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité non versées à tort ;
- en raison de l'inaction de l'administration et des juridictions françaises qui n'ont pas reconnu ses droits, il a subi un préjudice moral qui devra être indemnisé à hauteur de 100 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête présentée par M. A... est irrecevable dès lors que l'imputabilité au service de l'infirmité bronchique dont est atteint le requérant a été définitivement rejetée par une décision de la haute juridiction du 19 janvier 2000 qui a acquis l'autorité de la chose jugée.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L'hirondel,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., qui est né le 13 février 1939, a été incorporé, début mars 1959, au 25ème régiment d'artillerie de Thionville pour y effectuer son service militaire. Il a contracté une bronchite en avril 1959 qui a été soignée avant que l'intéressé ne soit réformé. Il a présenté une demande de pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles de sinusite maxillaire bilatérale avec dilatation des bronches " qui a été rejetée, en dernier lieu, par une décision du ministre de la défense du 23 novembre 2016. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 novembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 novembre 2016 ainsi qu'à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 295 381,68 euros au titre des pensions militaires d'invalidité qui ne lui ont pas été versées et la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. / (...). " Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une simple hypothèse médicale.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / (...) Il est concédé une pension : / (...) / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du livret médical de l'intéressé, que M. A... a été hospitalisé pour une " bronchite " qui s'est manifestée le 3 avril 1959, soit seulement quinze jours après son incorporation. En l'absence d'accomplissement d'un service pendant une durée de 90 jours, le requérant ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par ailleurs, il résulte du jugement du tribunal des pensions militaires de Quimper du 22 mai 2006, que les expertises médicales ordonnées par ce tribunal le 3 octobre 1988 et le 6 novembre 1995 ont conclu que les dilatations des bronches dont souffre l'intéressé sont innées ou acquises lors de pathologies de la petite enfance et ne sont en aucun cas imputables aux activités militaires. Au demeurant, M. A... avait lui-même indiqué aux experts avoir eu de fréquentes bronchites ainsi qu'un épisode d'infection respiratoire plus importante durant l'enfance et qu'il avait également mentionné sur le questionnaire qu'il avait rempli au Centre de sélection de Guingamp avoir souffert de bronchites, d'asthme et de pneumonie et qu'il ressentait encore les suites des bronchites. Selon le jugement de ce même tribunal du 24 janvier 2011, le certificat médical du 31 octobre 2008 que M. A... avait produit indique expressément que " l'interrogatoire rétrospectif plaide en faveur d'une dilatation des bronches acquises au cours de l'adolescence et révélée au cours du service militaire ". Dans ces conditions, la circonstance que le livret médical militaire mentionne l'apparition d'une bronchite au 3 avril 1959 alors que les examens médicaux initiaux réalisés en mars 1959 ne signalent aucune anomalie de l'appareil respiratoire ne saurait à elle seule établir l'imputabilité au service de l'affection dont souffre
M. A....
5. Au surplus, à supposer même que l'infirmité dont souffre M. A... puisse être imputée au service, il résulte de l'instruction que l'expert, spécialiste en pneumologie et allergogie respiratoire, a fixé, dans son rapport déposé le 21 décembre 1988, à 20 % le degré d'incapacité, par référence aux normes du guide barème après s'être appuyé tant sur des observations cliniques que sur les résultats d'examens radiographiques et une explorations fonctionnelle. Le taux d'invalidité a été ainsi fixé à 20 pour cent par l'arrêt devenu définitif de la cour régionale des pensions de Rennes du 4 octobre 1991. Le courrier et l'attestation d'un médecin du 26 novembre 1995, qui ne fait pas état de constatations personnelles issues d'un examen clinique de l'intéressé, n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert. Dans ces conditions, par application des dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. A... ne peut se voir davantage allouer, pour cet autre motif, une pension militaire d'invalidité.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de
non-recevoir opposée par la ministre des armées, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 novembre 2016 rejetant sa demande de pension. Par voie de conséquence, en l'absence d'illégalité de cette décision, M. A... n'est également pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'État à lui verser la pension et à réparer le préjudice allégué.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
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DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- D. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 25 mars 2022.
Le rapporteur
M. L'hirondel
Le président
D. Salvi
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21NT00012