La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2022 | FRANCE | N°21NT02701

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 25 février 2022, 21NT02701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2104590 du 13 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 7 septembre

2021 et lui a enjoint de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2104590 du 13 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 7 septembre 2021 et lui a enjoint de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 septembre 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que :

­ le jugement attaqué est entaché d'une erreur matérielle concernant le nom de l'enfant dont M. A... est le père ;

­ à la date de la décision contestée, M. A... ne justifiait pas entretenir des liens avec cet enfant, ni participer à son entretien et à son éducation ;

­ M. A... présente une menace grave pour l'ordre public pour avoir été l'auteur de violences conjugales ;

­ la mesure d'éloignement est également justifiée par le seul fait que l'intéressé, qui n'a pas justifié d'une entrée régulière en France, se maintient sur le territoire de manière irrégulière, sans avoir jamais effectué de démarches de régularisation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 et 22 décembre 2021,

M. C... A..., représenté par Me Vitel, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

­ l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine est entaché d'un vice de procédure pour méconnaître le droit d'être entendu et respecter le principe du contradictoire, droits garantis par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

­ l'arrêté en litige porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ses attaches familiales en France où il réside depuis 2015 alors qu'il ne présente pas une menace à l'ordre public ;

En ce qui concerne la décision n'octroyant aucun délai de départ volontaire :

­ cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

­ elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L.612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur le risque de fuite ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

­ cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

­ elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que rappelés précédemment ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

­ cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français ;

­ elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'une information spéciale ;

­ elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie d'une présence en France de presque sept ans et d'attaches familiales ainsi que de garanties de représentation et ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

­ elle a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à défaut d'avoir été entendu préalablement ;

­ elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que rappelés précédemment.

Par une lettre du 27 janvier 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de procéder à une substitution de base légale, dès lors que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire peut être légalement fondée sur le 2° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au lieu des 1°, 4° et 8° du même article.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 7 septembre 2021, notifié le jour même à 17 h 30, faisant obligation à M. C... A..., ressortissant béninois né le 17 avril 1989, de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui "

3. M. A... soutient qu'il est entré en France en février 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes, qu'il y séjourne depuis cette date et qu'il ne présente pas une menace à l'ordre public. Il allègue, en outre, qu'il est le père d'une enfant, dénommée Fadwa A..., née le 9 juillet 2017 à Montreuil (93), de sa relation avec une ressortissante béninoise, en situation régulière, Mme D... B... et qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de cette enfant. Toutefois, alors même qu'il n'a pas fait l'objet de condamnation judiciaire, l'intimé ne conteste pas qu'il est connu des services de police pour être l'auteur en 2020 de violences conjugales à l'égard de son ancienne compagne, Mme B..., dont il déclare être séparé depuis mars 2020. Alors qu'il ne partage pas sa résidence avec son enfant, les faibles versements d'argent effectués au profit de la mère de cette dernière à compter de novembre 2017 (100 euros en 2017, 450 euros en 2018, 1 100 euros en 2019, 800 euros en 2020 et 400 euros en 2021 jusqu'en septembre 2021, date de l'arrêté contesté) ne sont pas de nature à établir qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Les factures qui portent son nom ne sauraient davantage établir que les achats ont été effectués pour subvenir aux besoins de son enfant et les pièces médicales et scolaires établis au nom de l'enfant qu'il s'investirait de manière régulière dans son éducation. Enfin, les photographies produites n'établissent pas l'existence d'une relation familiale suivie alors qu'il résulte, de plus, des écritures de première instance de l'intimé, qu'il ne voit plus sa fille depuis sa séparation avec la mère de cette dernière qui refuse qu'il la rencontre. Si l'intéressé a indiqué avoir effectué des démarches auprès d'un avocat pour avoir un droit de visite, ainsi qu'il résulte d'un courriel de son conseil du 13 octobre 2020, il ne justifie pas avoir engagé, à la date de l'arrêté contesté, qui est intervenu onze mois après, les procédures recommandées dans ce courriel. Il suit de là qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intimé entretiendrait avec sa fille des liens d'une particulière stabilité et intensité. Par ailleurs, si M. A... fait valoir que deux de ses sœurs vivent en France en situation régulière, il ne justifie pas des relations qu'il entretient avec elles. En revanche, il résulte des déclarations mêmes de l'intimé qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vit notamment sa mère. Par suite, l'obligation de quitter le territoire en litige, qui n'est pas entachée d'une erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation, n'est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 7 septembre 2021 au motif que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... :

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse uniquement aux institutions et organes de l'Union. Le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un État membre est donc inopérant. Toutefois, il résulte également de cette jurisprudence que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il n'implique toutefois pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, l'étranger soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

7. Il ressort du procès-verbal de l'audition menée le 7 septembre 2021 à 14 h 33 par les services du commissariat de police de Saint-Malo dans le cadre de l'interpellation de M. A... que celui-ci a été interrogé sur sa situation administrative en France, notamment sur les conditions de son entrée et de son séjour, sur les attaches qu'il avait en France ainsi que sur les liens qu'il avait conservés avec son pays d'origine et les risques qu'il encourrait en cas de retour dans ce pays. Il a été ainsi en mesure de préciser les étapes de son parcours en France et ses moyens de subsistance, les motifs de sa résidence à Saint-Malo ainsi que la présence en France d'un enfant à Paris. Il a également été interrogé sur l'éventualité qu'une mesure d'éloignement puisse être prise à son encontre, l'intimé se bornant à répondre " ce serait horrible et catastrophique " indiquant qu'il n'avait rien à rajouter. Au demeurant, l'intéressé ne fait état d'aucun élément pertinent, susceptible d'influer sur le contenu de la décision en litige qu'il n'aurait eu la possibilité de présenter. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière pour avoir porté atteinte à son droit d'être entendu ne peut être qu'écarté.

8. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant. Il relève les conditions d'entrée et du séjour en France de M. A... et précise, alors même qu'il justifierait d'une entrée régulière, qu'il pourrait également faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet retient également que l'intéressé a été placé en garde à vue pour des faits de violence conjugale et qu'il était déjà connu pour des faits similaires commis le 4 mars 2020, de sorte que son comportement violent et répété présente une menace à l'ordre public, justifiant aussi la possibilité de prendre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. A... conteste qu'il puisse être regardé comme une menace à l'ordre public, la motivation de la décision est indépendante du bien-fondé de ses motifs. L'autorité préfectorale a également pris en compte l'ancienneté et l'intensité de ses liens avec la France, en particulier à l'égard de son enfant et de la mère de sa dernière en relevant qu'il ne justifiait pas participer à l'entretien et à l'éducation de cette enfant, ni entretenir des liens d'une particulière intensité. Il n'établissait également pas avoir des liens particuliers avec ses deux sœurs qui vivraient en France alors que sa mère réside dans son pays d'origine et qu'il ne fait état d'aucun problème de santé. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait illégal pour être insuffisamment motivé.

9. En troisième lieu, il ressort de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée.

10. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, et alors même que l'intimé bénéficierait d'une promesse d'embauche, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise en méconnaissance de ces stipulations et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. En cinquième lieu, si M. A... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut être regardé comme constituant une menace à l'ordre public, il résulte des énonciation de cette décision qu'elle a également été prise sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 2° l'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré (...) s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour (...) ". Il est constant, ainsi qu'il ressort des procès-verbaux d'audition établis par les services du commissariat de police de Saint-Malo que M. A... s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif à supposer même établie la circonstance que la présence de M. A... ne constituait pas une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen ne peut être qu'écarté.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

14. En second lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent ce qui été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

S'agissant de la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

15. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". En vertu de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Enfin, l'article L. 612-3 de ce code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) ".

17. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

18. Il résulte de l'énonciation de la décision contestée que pour refuser l'octroi d'un délai de départ, le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est notamment fondé sur la circonstance que l'intéressé s'était, en tout état de cause, maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de ce visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Comme il a été exposé au point 12, ce motif n'est pas entaché d'erreur de fait. Si le préfet a pris sa décision en se fondant sur les dispositions du 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... entrait aussi dans le cadre des dispositions précitées du 2° du même article. Le préfet pouvait légalement ainsi considérer qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. En l'espèce, l'intimé ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à établir que ce risque n'était pas caractérisé à la date de la décision contestée, les seules circonstances qu'il séjourne en France depuis près de sept ans et qu'il ait une domiciliation administrative auprès d'une association située à Paris ne permettant pas d'établir que la décision de refus de délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.

S'agissant de la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

19. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

20. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette décision et de ce que la durée pendant laquelle il lui est interdit de revenir sur le territoire commence à courir à la date à laquelle il satisfait à son obligation de quitter le territoire français. (...). ".

21. Il résulte de ces dispositions qu'elles définissent les informations devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, ces dispositions, qui sont propres aux conditions d'exécution de l'interdiction, sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à son annulation.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11.". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

23. Si M. A... allègue qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, il n'est pas contesté qu'il a fait l'objet, dans un délai rapproché, en 2020 puis en 2021, de deux plaintes de la part de ses anciennes compagnes pour des violences conjugales. Dans ces conditions, alors même que ces plaintes n'auraient pas été suivies d'une condamnation et eu égard également à la durée du séjour irrégulier de près de sept ans et, ainsi qu'il a été dit, en l'absence pour l'intimé d'établir une relation familiale suivie en France, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en prenant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

24. En quatrième lieu, si M. A... allègue qu'il n'a pas été informé préalablement de ce que la mesure d'éloignement était également susceptible d'être assortie d'une interdiction temporaire du territoire, il a été cependant mis à même, ainsi qu'il a été dit au point 7, de présenter ses observations sur sa situation personnelle, en particulier sur les critères définis à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. L'intéressé ne fait état d'aucun élément pertinent, susceptible d'influer sur le contenu de la décision en litige qu'il n'aurait eu la possibilité de présenter. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure administrative qui a été suivie aurait pu aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'intéressé aurait été privé de faire valoir sur la possibilité de prendre une telle interdiction. Par suite, alors que M. A... ne peut utilement invoquer une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'adresse uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.

25. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés pour les motifs mentionnés au point 3.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 7 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

27. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées à fin d'injonction par M. A... ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E:

Article 1er : Le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Franck, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2022.

Le rapporteur

M. L'hirondel

La présidente

C. Brisson

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

2

N° 21NT02701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02701
Date de la décision : 25/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL AEQUAE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-25;21nt02701 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award