Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., ex-épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme 3 671 211,89 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime à la suite de l'intervention qu'elle a subie au centre hospitalier de Saint-Brieuc le 25 août 2010.
Par un jugement n° 1801423 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à verser à Mme C..., au titre de ses frais d'assistance par tierce personne, une somme de 836 865,36 euros, sous déduction des provisions qui lui avaient déjà été versées, ainsi qu'une rente trimestrielle viagère d'un montant de 27 604 euros et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 janvier, 24 février et 29 novembre 2021, l'ONIAM, représenté par la SCP UGGC avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2020 ;
2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise afin de déterminer les causes de l'accident médical dont a été victime Mme C... et ses préjudices et de sursoir à statuer dans l'attente du dépôt de ce rapport d'expertise ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le préjudice sollicité au titre de l'assistance par tierce personne dans l'attente de la production des justificatifs et à défaut de rejeter toute demande indemnisation pour ce poste de préjudice ou, très subsidiairement, réduire à de plus justes proportions le montant sollicité par Mme C... sous déduction des sommes déjà allouées à l'intéressée à titre provisionnel.
Il soutient que :
- Mme C... ayant refusé l'offre d'indemnisation complémentaire qu'il avait formulée, il lui est alors possible de remettre en cause le rapport d'expertise amiable sur le fondement duquel la victime a obtenu droit à réparation au titre de la solidarité nationale ;
* à titre principal, sur la demande d'expertise :
- c'est à tort qu'il n'a pas été fait droit à la demande d'expertise contradictoire qu'il avait sollicitée en première instance dès lors qu'il n'avait pas participé aux opérations d'expertise amiable préalables, que le rapport d'expertise est peu détaillé sur les suites opératoires de la première intervention qui a eu lieu du 25 août 2010 au 1er septembre 2010 et que, s'agissant des complications neurologiques, il avait été mis en évidence une prise en charge non conforme de Mme C... tant lors de la reprise chirurgicale réalisée le 1er septembre 2010 que la ré-intervention effectuée le 5 septembre suivant ; ces faits sont pourtant de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;
* à titre subsidiaire, sur les préjudices subis par Mme C... :
- s'agissant du préjudice sollicité au titre de l'assistance définitive par une tierce personne, il ne saurait être tenu compte du rapport effectué par le médecin conseil de Mme C... qui n'est pas réaliste en faisant état d'une assistance nécessaire 24 h/24 alors que selon le rapport d'expertise, l'état de santé de Mme C... nécessite l'assistance d'une infirmière à raison d'une heure par jour, assistance qui est nécessairement prise en charge par la sécurité sociale. En tenant compte d'une aide nécessaire de 18 heures par jour, dont seule une heure nécessite une aide spécialisée, de ce que Mme C... est assistée dans les actes de la vie civile par l'association tutélaire d'Ille et Vilaine et des aides perçues par l'intéressée, les arrérages échus, pour la période du 6 juin 2014 au 31 décembre 2021, date prévisible de l'arrêt à intervenir, doivent être évalués à la somme de 688 407 euros, somme à laquelle il conviendra de déduire les provisions déjà versées ; les arrérages à échoir seront versés trimestriellement, sous déduction des aides perçues par la victime qui lui reviendra de porter à la connaissance de l'ONIAM, sur la base d'une rente annuelle de 84 110,22 euros ;
- s'agissant des dépenses d'appareillage, il conviendra de tenir compte de l'allocation provisionnelle déjà accordée et de sursoir à statuer dans l'attente de production de justificatifs quant aux aides susceptibles d'être apportées à ce titre ou alors de rejeter la demande ; subsidiairement, l'aide technique dynamique pour le bras droit sera écartée car ce système n'apparaît pas dans la liste des dépenses de santé futures dressée par les experts ; le montant de l'indemnisation du fauteuil roulant manuel ne saurait excéder la somme de 3 723,82 euros et celui de son entretien, la somme de 5 294,41 euros ; les montants des indemnisations concernant le fauteuil roulant électrique, le lit médicalisé et le verticalisateur ne sauraient excéder respectivement les sommes de 92 631,44 euros, 693,50 euros et de 2 507,70 euros.
Les demandes faites au titre des sangles verticalis et du surmatelas seront rejetées ;
- s'agissant de l'adaptation du logement, la demande sera rejetée dès lors que l'aménagement du logement antérieur était possible et que le surcoût occasionné par l'acquisition de la maison est sans lien avec le préjudice subi par Mme C... ;
- s'agissant de l'adaptation du véhicule, la demande sera écartée faute de justifier le lien avec le handicap de Mme C... ; subsidiairement, il sera sursis à statuer dans l'attente de justificatifs versés par l'intéressé sur les aides susceptibles de lui être allouées et qu'il conviendra de défalquer et à titre infiniment subsidiaire, à ce que ce chef de préjudice soit évalué à la somme maximale de 29 390,61 euros ;
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Par des mémoires enregistrés le 27 juillet 2021 et le 14 décembre 2021, Mme B... C..., ex-épouse D..., représentée par Me Lebois, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce que l'ONIAM soit condamné à lui verser la somme totale de 3 942 748,22 euros ou subsidiairement, une indemnité provisionnelle complémentaire de 400 000 euros dans l'hypothèse où il sera fait droit à la demande d'expertise formée par l'ONIAM ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande d'expertise sollicitée par l'ONIAM ne peut être accueillie compte tenu de l'autorité de la chose jugée et de ce que l'office n'a jamais contesté préalablement la conclusion des experts et les différentes décisions judiciaires en lui faisant des offres d'indemnisation ;
- par la voie de l'appel incident, l'ONIAM sera condamné à l'indemniser des préjudices suivants :
* au titre de l'assistance à tierce personne à compter du 1er décembre 2017, à la somme capitalisée de 3 407 753,02 euros en tenant compte du barème publié par la Gazette du palais, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui lui a été versée par le département des Côtes d'Armor et de ce qu'elle ne bénéficie d'aucune autre aide ;
* au titre de l'acquisition et du renouvellement des appareillages, à la somme de 234 455,34 euros, sans qu'il soit besoin de sursoir à statuer sur ce chef de préjudice dès lors qu'elle établit la nécessité d'acquérir ces appareils ainsi que leur coût ;
* au titre de l'adaptation de son logement, à la somme de 127 000 euros, qui représente la différence entre le prix de la maison qu'elle a acquise et l'appartement dont elle reste propriétaire ;
* au titre de l'acquisition et de l'adaptation du véhicule, à la somme de
173 539,86 euros, sur la base d'un renouvellement tous les 6 ans alors qu'elle ne perçoit pour ce chef de préjudice aucune aide.
Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2021, le centre hospitalier Yves Le Foll de Saint-Brieuc, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête en tant que l'ONIAM demande l'organisation d'une nouvelle expertise.
Il soutient que les moyens de l'ONIAM pour solliciter l'organisation d'une nouvelle expertise ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance n° 15NT01776 du 1er octobre 2015 par laquelle la cour administrative d'appel de Nantes a ordonné à l'ONIAM de verser à Mme C... une provision de 180 000 euros ;
- les ordonnances n° 1702139 du 7 décembre 2017 et n° 1803773 du 25 mars 2019 par lesquelles le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a ordonné à l'ONIAM de verser à Mme C... deux provisions de 100 000 euros chacune.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L'hirondel,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Chalanset représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ex-épouse D..., a subi, le 25 août 2010 au centre hospitalier de Saint-Brieuc, alors qu'elle était âgée de 60 ans, une colectomie droite en raison de la présence de plusieurs polypes dans ses intestins. Au cours de cette intervention, une perforation accidentelle de l'intestin grêle s'est produite, qui a été à l'origine d'une péritonite, compliquée d'un état de choc septique avec défaillance multiviscérale nécessitant deux nouvelles interventions qui ont été réalisées les 1er et 5 septembre 2010 ainsi que de longs soins en service de réanimation afin de faire face à la succession des complications graves qui ont engagé le pronostic vital de Mme C.... Du fait de ces complications, Mme C... est atteinte de tétraplégie et de graves séquelles neurologiques et souffre de troubles de la parole.
2. Saisie par le représentant légal de Mme C..., qui était alors placée sous tutelle, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Bretagne, se fondant sur les conclusions du rapport des docteurs Pedech et Platel du 5 janvier 2012 qu'elle avait désignés comme experts, a estimé, dans un avis du 11 juillet 2012, que Mme C... a été victime d'un accident médical non fautif dont l'indemnisation incombe à la solidarité nationale. A la suite d'un deuxième rapport d'expertise établi le 25 octobre 2013, la même commission a estimé, dans un deuxième avis rendu le 8 janvier 2014, que l'état de santé de Mme C... était consolidé le 19 avril 2013. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a formulé une première offre d'indemnisation, d'un montant total de 286 972 euros, correspondant aux préjudices personnels de Mme C..., que son fils, en qualité de tuteur de cette dernière, a acceptée le 19 avril 2014. La seconde offre d'indemnisation concernant les préjudices patrimoniaux a été refusée par le tuteur. Par une ordonnance du 29 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à verser à M. D..., en sa qualité de représentant légal de Mme C..., la somme provisionnelle totale de 99 059 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices patrimoniaux subis par celle-ci, somme portée à 180 000 euros par un arrêt de la cour administrative de Nantes du 1er octobre 2015. Par deux ordonnances du 7 décembre 2017 et 25 mars 2019, le juge des référés du tribunal de Rennes a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... deux nouvelles provisions de
100 000 euros chacune au titre des frais d'assistance par tierce personne. Le 22 janvier 2018, Mme C... a adressé à l'ONIAM et au centre hospitalier de Saint-Brieuc une demande préalable indemnitaire au titre des frais d'assistance par tierce personne, des frais d'appareillage, des frais d'aménagement du véhicule et des frais d'adaptation du domicile. Ces demandes ont été rejetées.
3. Par une demande enregistrée le 27 mars 2018, Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'ONIAM à réparer les conséquences dommageables de l'accident médical dont elle a été victime à la suite de l'intervention du 25 août 2010, au titre des préjudices qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement amiable. Par un mémoire en défense, l'ONIAM avait demandé au tribunal, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise et à titre subsidiaire de rejeter ou de réduire à de plus justes proportions, les demandes indemnitaires. Par un jugement du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à verser à Mme C..., au titre de ses frais d'assistance par une tierce personne, une somme de 836 865,36 euros, sous déduction des provisions qui lui ont déjà été versées, ainsi qu'une rente trimestrielle viagère d'un montant de 27 604 euros et a rejeté le surplus de la demande. L'ONIAM relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme C... demande à la cour de condamner l'Office à lui verser la somme totale de 3 942 748,22 euros ou subsidiairement, une indemnité provisionnelle complémentaire de 400 000 euros dans l'hypothèse où il sera fait droit à la demande d'expertise.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.
5. Alors que les éléments de pur fait contenus dans le rapport d'expertise des docteurs Pedech et Platel du 5 janvier 2012 n'étaient pas contestés, les premiers juges ont pu, à bon droit, se fonder sur les conclusions du rapport dès lors qu'ils avaient constaté qu'elles étaient corroborées par l'avis de la CCI de la région Bretagne du 11 juillet 2012. Dans ces conditions, à supposer que l'ONIAM ait entendu contester la régularité du jugement attaqué au motif que l'expertise amiable sur laquelle s'est fondé le tribunal pour mettre à sa charge la réparation des préjudices subis par Mme C... n'a pas été rendue à son contradictoire et ne pouvait dès lors lui être opposée, un tel moyen ne peut être qu'écarté.
Sur la demande d'expertise nouvelle :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique : " L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est un établissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1, à l'article
L. 1142-1-1 et à l'article L. 1142-17, des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-1 de ce code : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 de ce code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 % (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article
L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1 l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. / (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. / (...) Si l'office qui a transigé avec la victime estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de produits de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 1142-14 est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci. (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM est tenu d'assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci à la seule condition qu'ils aient entraîné un taux d'incapacité permanente supérieur à 24% ou le décès du patient. Il ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant, sur le fondement du I de l'article L. 1142-1, la responsabilité de l'établissement de santé dans lequel l'acte a été réalisé. L'office peut uniquement demander à cet établissement de l'indemniser de tout ou partie des sommes ainsi à sa charge en exerçant à l'encontre de ce dernier l'action subrogatoire prévue au dernier alinéa de l'article L. 1142-17 du même code, s'il a versé une indemnité à titre transactionnel. La responsabilité de l'établissement n'est engagée, au titre de cette action qu'en cas de faute à l'origine du dommage.
9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport des experts désignés par la CCI de Bretagne, dont les conclusions claires et non équivoques peuvent être retenues à titre d'information alors même que l'ONIAM soutient ne pas y avoir été partie, ont estimé qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Brieuc n'avait été commise au cours de la prise en charge de Mme C.... Ainsi, la résection colique segmentaire réalisée le 25 août 2010 à la suite de la découverte d'un polype le 25 juin 2010 par coloscopie était justifiée afin de prévenir l'apparition d'un cancer du côlon compte tenu des antécédents de la patiente, de l'impossibilité de procéder à l'ablation complète de la tumeur sous endoscopie et de pouvoir affirmer le caractère bénin ou malin de cette tumeur. Par ailleurs, les soins post-opératoires prodigués en service de réanimation, puis en unité de soins continus, ont été constamment consciencieux, attentifs, adaptés à l'évolution et conformes aux données acquises de la science. Si une encéphalopathie s'est manifestée, une telle complication est inhérente à la pathologie en cause. En particulier, les experts, après avoir longuement expliqué le mécanisme par lequel le dommage est survenu, s'agissant notamment des altérations motrices et des fonctions encéphaliques supérieures puis précisé en quoi a consisté la prise en charge des complications de la patiente et alors que Mme C... ne présentait pas d'antécédents la prédisposant à la survenue d'une polyneuropathie, ont conclu que " la survenue d'une péritonite postopératoire, d'un syndrome infectieux, d'une défaillance multiviscérale et la nécessité d'une ventilation prolongée permettent d'imputer l'atteinte neurologique aux complications de la perforation accidentelle du 25 août " et ont écarté toute faute médicale. Enfin, la gravité du handicap dont Mme C... reste atteinte est sans commune mesure avec celle de son état initial et les complications liées à la péritonite sont notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée de manière suffisamment probable à court terme en l'absence de traitement. Les experts ont fixé le taux de l'incapacité permanente partielle à 90 %. L'ONIAM, qui a indemnisé la victime de ce préjudice à hauteur de 197 042 euros par un protocole d'indemnisation transactionnelle partielle acceptée par Mme C... le 19 avril 2014, ne conteste pas utilement ce taux, lequel ne peut, compte tenu de l'état de santé de Mme C... ci-avant rappelé, qu'être supérieur au taux de 24 %. Il suit de là, dès lors que le risque accidentel survenu lors de l'opération était inhérent à l'acte médical et qu'il ne pouvait être maîtrisé, ses conséquences doivent être dans leur totalité indemnisées au titre de la solidarité nationale dès lors que les dommages excèdent le seuil de gravité fixé au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
10. Si l'Office entend contester le rapport des experts désignés par la CCI de Bretagne en tant qu'ils n'ont pas retenu de faute à l'encontre du centre hospitalier en se prévalant des notes médicales établies à sa demande par le professeur Baste le 27 janvier 2015 et par le Dr A... le 13 février 2021, il n'a pas exercé l'action subrogatoire prévue au dernier alinéa de l'article L.1142-17 précité du code la santé publique afin d'obtenir la condamnation de l'auteur du dommage à réparer les préjudices de la victime. Dans ces conditions, et ainsi qu'il résulte du point 8, l'Office ne saurait se dispenser de son obligation totale envers la victime au titre de la solidarité nationale. Il suit de là que ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise n'offrent, dans la présente instance, aucune utilité et ne peuvent qu'être rejetées. Au surplus, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent sur la qualité du rapport d'expertise, très circonstancié, qui n'est pas sérieusement remise en cause par les brèves notes établies pour le compte de l'Office, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du centre hospitalier.
Sur les préjudices :
11. Pour évaluer le montant des préjudices restés à la charge de Mme C..., il convient de tenir compte des aides qui ont pu lui être éventuellement versées. Il résulte de l'instruction que l'intéressée bénéficie, depuis le 8 décembre 2017, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), pour un montant net mensuel de 1 196,48 euros. Il ne résulte pas, en revanche, de cette même instruction, notamment de l'attestation du président du département des Côtes d'Armor du 29 mars 2019, qu'elle bénéficierait d'autres aides.
En ce qui concerne les frais d'assistance par tierce personne :
12. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts du 25 octobre 2013 et de la note de l'ergothérapeute du 23 juillet 2016, que Mme C... est atteinte d'une tétraplégie flasque incomplète sans troubles sensitifs, d'une dysarthrie et une dysphonie d'origine cérébelleuse et de troubles de la déglutition avec fausses routes. Elle ne peut ainsi effectuer, sans l'aide d'une tierce personne, les gestes les plus élémentaires de la vie courante tels que se lever ou se coucher, faire sa toilette, s'habiller ou se déshabiller, préparer ses repas, s'alimenter ou se rendre aux toilettes. Par ailleurs, la marche lui est impossible et elle ne peut se déplacer qu'en fauteuil roulant, manœuvrant partiellement et avec difficulté celui qui est électrique, ce qui nécessite une aide et une surveillance pour les manœuvres délicates. Il suit de là que l'état de santé de Mme C... requiert la présence à ses côtés d'une tierce personne et une surveillance continue, même la nuit, dès lors, ainsi que le précise à juste titre l'ergothérapeute, qu'" elle ne peut gérer sa propre sécurité en cas de problème majeur ". Mme C... a, au demeurant, bénéficié depuis son retour à son domicile d'une assistance 24 h sur 24, ainsi qu'il résulte des " forfaits journaliers " souscrits auprès d'une entreprise d'aide à domicile. Par suite, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir, alors même que les experts ont relevé un besoin d'aide humaine à hauteur de 19 heures par jour, dont une heure de présence infirmière, que la prise en charge des frais d'assistance par tierce personne de Mme C... ne saurait être calculée sur la base d'une présence quotidienne d'une tierce personne pendant 24 heures.
S'agissant des arrérages échus :
Quant à la période du 6 juin 2014, date du retour à domicile, au 31 décembre 2017 :
14. Pour cette période, Mme C... produit les factures de la société Vitalliance dont il résulte qu'elle a été exposée à des frais d'assistance par tierce personne pour un montant total de 305 946,89 euros.
Quant à la période courant du 1er janvier 2018 à la date du présent arrêt :
15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'état de santé de Mme C... requiert l'assistance d'une tierce personne à hauteur de 24 heures par jour. Eu égard à sa nature, et sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'aide puisse être qualifiée d'" active " ou de " passive ", cette assistance, qui consiste à aider l'intéressée à maintenir son hygiène, à l'accompagner dans ses déplacements et à assurer à sa place les tâches ménagères et, pour le reste, à procéder à une simple surveillance, ne nécessite pas de qualifications particulières. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'une assistance adaptée à l'état de santé de Mme C... s'élèverait à un coût supérieur à celui résultant d'un taux horaire de 13 euros, calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales, et sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail. Par suite, il sera fait une exacte appréciation en évaluant ce poste de préjudice à la somme de 526 854,31 euros.
16. Il résulte des points 12 et 13 que les arrérages échus concernant les frais d'assistance par tierce personne doivent être fixés à la somme de 832 801,20 euros. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit, Mme C... bénéficie, depuis le 8 décembre 2017, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), pour un montant net mensuel de 1 196,48 euros. Après déduction des sommes versées au titre de l'APA, le montant des frais d'assistance par tierce personne exposés jusqu'à la date du présent arrêt s'élève à la somme de 772 579,20 euros.
S'agissant des arrérages à échoir :
17. S'agissant des frais futurs d'assistance par une tierce personne non échus à la date du présent arrêt, il y a lieu d'accorder à Mme C... une rente trimestrielle et non un capital compte tenu de l'âge de la victime. Cette rente, d'un montant trimestriel de 34 608 euros, calculé sur la base du besoin en assistance par une tierce personne de 24 heures par jour et d'un taux horaire fixé à 14 euros, qui tient compte des majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les dimanches et les jours fériés calculées en retenant une année de 412 jours, sera versée à terme échu.
S'agissant des frais d'appareillage :
18. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et du rapport de l'ergothérapeute, que le handicap de Mme C... justifie l'utilisation d'un certain nombre de matériels que Mme C... a acquis et dont une partie du prix d'achat est resté à sa charge, à savoir : un fauteuil roulant électrique (31 656,50 euros), un fauteuil roulant manuel pliable (1 118,82 euros), un lit médicalisé (237 euros), un sur-matelas anti-escarre (697 euros), un dispositif de transfert de la position couchée à la position assise (857 euros) ainsi qu'une aide technique dynamique pour le bras droit (15 601,02 euros), destinée, selon l'ergothérapeute, à " augmenter de façon notable les capacités fonctionnelles des membres supérieurs ". De même, il est constant, compte tenu du handicap dont souffre Mme C..., que les " sangles verticalis AKS " (110 euros) lui sont nécessaires. Il y a lieu de retenir que ces équipements ont été acquis en 2016, date à laquelle les devis pour leur acquisition ont été établis. Enfin, Mme C... a eu à souscrire un forfait annuel d'entretien du fauteuil roulant électrique pour un montant de 329,05 euros. Ces acquisitions représentent une somme totale de 50 606,39 euros qu'il convient de mettre à la charge de l'ONIAM. De même, l'intimée est fondée à demander le remboursement des frais qu'elle a exposés le 24 octobre 2019 pour faire réparer son fauteuil roulant électrique, d'un montant de 937,08 euros.
19. Par ailleurs, il y a lieu de prévoir un renouvellement tous les cinq ans de ces matériels et de mettre à la charge de l'ONIAM leurs frais de renouvellement sur présentation des factures correspondantes, pour la part restant à la charge de Mme C.... L'ONIAM est également condamné, et sur présentation des mêmes justificatifs, à rembourser tous les frais éventuels de réparation de ces matériels pouvant intervenir durant cette période.
S'agissant des frais d'adaptation du logement :
20. Il résulte du rapport d'expertise que l'appartement dans lequel vivait Mme C..., au premier étage sans ascenseur, n'était plus adapté à son handicap ce qui rendait nécessaire un déménagement compte tenu des contraintes matérielles découlant de son état de santé. L'appartement dans lequel vivait Mme C..., d'une valeur de 60 000 euros, était, selon l'acte de vente qu'elle a produit, de type "F IV" comprenant une entrée, une cuisine, une salle de séjour, trois chambres, dont une avec placard penderie, une salle d'eau avec appareil à douche, un lavabo et des WC. L'appartement disposait également d'une cave au sous-sol. Selon l'acte notarié de la maison nouvellement acquise par Mme C... en 2014 au prix de 187 000 euros, celle-ci dispose d'un aménagement semblable avec une entrée avec placard, un salon-séjour avec cuisine, trois chambres, une salle d'eau, des WC, une buanderie, un garage et un abri de jardin sur un terrain de 381 m². Si le déménagement est inhérent aux conséquences de l'accident médical dont elle a été victime, la maison acquise par Mme C... présente toutefois un standing supérieur à l'appartement qu'elle occupait précédemment. Dans ces conditions, et après avoir déduit du prix d'achat de la maison la valeur de l'appartement que l'intimée a gardé, il sera fait une juste appréciation des frais correspondants à la nécessité d'adapter le logement au handicap de l'intéressée, en les évaluant à la somme de 30 000 euros.
S'agissant des frais d'adaptation du véhicule de Mme C... :
21. Mme C... peut prétendre au remboursement des dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation de son véhicule. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, même si l'intéressée ne peut conduire, ses déplacements nécessitent qu'elle dispose d'un véhicule adapté conduit par un accompagnant dans lequel elle pourra être installée grâce à l'intervention d'une aide et emporter le fauteuil roulant pliable. Il suit de là que l'état de santé de Mme C... nécessite l'acquisition et le renouvellement d'un véhicule automobile adapté à son handicap.
22. Il résulte de l'instruction que Mme C... a acquis en juillet 2016 un véhicule Renault Trafic, pour un montant total, aménagements compris, de 49 375,95 euros qu'il convient de mettre à la charge de l'ONIAM. Il y a lieu de prendre en compte un renouvellement du véhicule tous les sept ans en y incluant un abattement pour la revente de l'ancien véhicule. Il sera fait une juste appréciation du préjudice lié au renouvellement de ce véhicule en allouant à Mme C... une rente trimestrielle de 1 320 euros dont le versement commencera à courir à compter de la date du présent arrêt. Pour la période antérieure, courant de juillet 2016 à la date de cet arrêt, l'ONIAM est condamné à verser les arrérages échus, soit la somme de 22 110 euros.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander que l'indemnité totale mise à la charge de l'ONIAM soit portée à la somme de 925 608,62 euros, que le montant des rentes trimestrielles viagères soit portée à la somme de 34 608 euros au titre de l'assistance par une tierce personne et de 1 320 euros au titre du renouvellement du véhicule et à ce que l'office lui rembourse, pour la part restant à sa charge et sur présentation des factures, les matériels d'appareillage cités au point 18 dans le cadre d'un renouvellement tous les cinq ans. Le montant dû au titre des rentes trimestrielles sera revalorisé en fonction des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. En outre, le montant de la rente versée au titre de l'assistance par une tierce personne sera réduit, le cas échéant, au prorata du nombre d'heures de prise en charge totale de Mme C... en centre de rééducation, centre hospitalier ou maison de retraite. Les sommes perçues au titre de prestations de compensation du handicap en seront, le cas échéant, déduites. Il appartiendra en conséquence à Mme C... de fournir à l'ONIAM les justificatifs établissant éventuellement sa prise en charge par un centre de rééducation, un centre hospitalier ou un établissement d'hébergement pour personnes âgées, ainsi que les montants de la prestation de compensation du handicap et son complément perçus pendant chaque période. En cas de prise en charge totale de l'intimée par un de ces organismes, la rente versée au titre du renouvellement du véhicule ne sera plus due, sauf à Mme C... d'en justifier l'utilité.
Sur les frais liés au litige :
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'ONIAM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : Le montant de l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM au bénéfice de Mme C... par l'article 1er du jugement attaqué est porté à la somme totale de 925 608,62 euros sous déduction des provisions qui lui ont été effectivement versées en exécution des ordonnances n° 15NT01776 du 1er octobre 2015, n° 1702139 du 7 décembre 2017 et n° 1803773 du 25 mars 2019.
Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à Mme C... deux rentes trimestrielles viagères, l'une d'un montant de 34 608 euros au titre de l'aide à tierce personne, l'autre de 1 320 au titre du renouvellement du véhicule dans les conditions fixées au point 23 du présent arrêt.
Article 4 : L'ONIAM est condamné à rembourser à Mme C..., pour la part restant à la charge de cette dernière et sur présentation des factures, le renouvellement des matériels d'appareillage cités au point 18 dans le cadre d'un renouvellement tous les cinq ans commençant à courir à compter de la date du présent arrêt ainsi que tous les frais de réparation de ces matériels.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes n°1801423 du 19 novembre 2020 est réformé en tant qu'il est contraire aux articles 2 à 4 du présent arrêt.
Article 6 : L'ONIAM versera à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme B... C..., au centre hospitalier de Saint-Brieuc, à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, rapporteur.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
Le rapporteur
M. L'HIRONDEL
Le président
D. SALVI
La greffière
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00201