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25/01/2022 | FRANCE | N°20NT03306

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 25 janvier 2022, 20NT03306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 3 novembre 2017 par laquelle le directeur de l'office public de l'habitat (OPH) Orne Habitat a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ainsi que le rejet de son recours gracieux dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1800824 du 18 août 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 octobre 2020 e

t 12 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Desert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 3 novembre 2017 par laquelle le directeur de l'office public de l'habitat (OPH) Orne Habitat a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ainsi que le rejet de son recours gracieux dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1800824 du 18 août 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 octobre 2020 et 12 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Desert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 août 2020 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'OPH Orne Habitat de lui accorder la protection fonctionnelle dans un délai qui ne saurait excéder deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'OPH Orne Habitat le versement de la somme de 800 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- les faits dont elle se prévaut, pris dans leur ensemble et non isolément, sont constitutifs d'un harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 janvier et 6 avril 2021, l'office public de l'habitat Orne Habitat, représenté par Me Apéry-Chauvin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Desert, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir été recrutée dans le cadre d'un emploi jeune par l'Office Public d'Habitat (OPH) Orne Habitat, Mme B... a été titularisée au mois de mai 2004 au grade d'adjointe administrative. A partir du 1er janvier 2005, elle a exercé les fonctions de responsable du point d'accueil de Vimoutiers, lequel dépend de l'agence d'Argentan. Le 30 juin 2015, Mme A..., directrice de l'agence de Flers, a été nommée directrice par intérim de l'agence d'Argentan. Mme B..., qui a présenté des complications à la suite d'une intervention chirurgicale, a été placée en arrêt de maladie ordinaire du 10 novembre 2015 au 31 janvier 2016 puis du 5 février 2016 au 2 octobre 2016. Elle a repris ses fonctions le 3 octobre 2016 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Par un courrier, reçu par Orne Habitat le 15 septembre 2017, Mme B... a déposé une demande de protection fonctionnelle à raison des faits de harcèlement qu'elle estime avoir subis de la part de sa supérieure hiérarchique. Sa demande a été rejetée le 3 novembre 2017. Elle relève appel du jugement du 18 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 3 novembre 2017 :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Par ailleurs, si la protection fonctionnelle n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

4. En premier lieu, Mme B... met en avant le refus qui lui a été initialement opposé de lui accorder une quatrième semaine de congé entre le 27 juillet et le 25 août 2017 pour accompagner son enfant qui devait subir une intervention chirurgicale. Pour justifier cette décision, sa supérieure hiérarchique a invoqué la nécessité d'assurer la continuité du service public. Elle a cependant donné son accord pour une absence de deux demi-journées pendant cette semaine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette intervention aurait présenté un caractère d'urgence particulière, ni qu'elle n'aurait pu être programmée durant les congés de Mme B.... De plus, la circonstance qu'il a été demandé aux agents exerçant des fonctions similaires de se concerter pour prendre leurs congés durant l'été apparaît justifiée par la nécessité de maintenir ouverts les points d'accueil destinés aux locataires. En définitive, Mme B... a obtenu satisfaction et l'agence a été fermée durant son congé. Si la requérante se prévaut du mail de sa responsable d'agence en date du 30 juin 2017 attestant de leurs relations difficiles, le ton excédé de Mme A..., ne peut, dans un contexte de vacances estivales et de gestion simultanée de deux agences, être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme manifestant une attitude excédant les pouvoirs hiérarchiques d'un chef de service.

5. En deuxième lieu, Mme B... conteste la tenue d'un entretien d'évaluation au titre de l'année 2016, alors qu'elle était en congé de maladie jusqu'au 3 octobre de cette année. Au cours de l'entretien du 30 novembre 2016, sa responsable lui a demandé une " remobilisation " autour du travail et de revoir son attitude. Elle lui a notamment reproché d'avoir signé le 17 octobre 2016 un courrier sans délégation. Si les reproches ainsi formulés, sur un ton relativement ferme, peuvent s'apparenter à un entretien individuel d'évaluation, cette mise au point, après deux mois de reprise de son activité professionnelle par Mme B..., n'excède cependant pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique d'un chef de service.

6. En troisième lieu, Mme B... met en avant le refus de son employeur de lui attribuer un véhicule de fonction muni d'une boîte de vitesse automatique à la suite de son affectation à Argentan. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a repris ses fonctions à compter du 3 octobre 2016 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à Vimoutiers, étant précisé qu'en raison de ses restrictions médicales elle était dispensée de faire visiter les logements et de rencontrer les locataires sur place. Pour tenir compte des observations émises par le médecin de prévention, Orne Habitat lui a proposé, le 15 septembre 2017, une affectation temporaire sur un poste aménagé de chargée d'accueil à l'agence de l'Aigle, qu'elle a refusé. Si lors de sa visite de reprise le médecin du travail a souligné la nécessité de continuer l'aménagement de son poste en évitant la montée d'escalier, la conduite de véhicule non équipé de boite de vitesse automatisée sur un trajet de plus de 15 kms, le 19 décembre 2017, un poste de chargée de clientèle à l'agence d'Argentan lui a été proposé avec un temps partiel à 80% assorti d'indemnités kilométriques pour l'utilisation de son propre véhicule pour se rendre sur son lieu de travail. Mme B... a accepté cette seconde proposition avant de se rétracter le 2 janvier 2018. Par ailleurs, son employeur justifie, compte tenu des éléments mentionnés ci-dessus, de la nécessité de supprimer le poste de responsable du point accueil de Vimoutiers à compter du 1er février 2018 afin de rationaliser et améliorer l'organisation des agences, certains agents d'Argentan devant effectuer le trajet pour accomplir les tâches que Mme B... n'était plus en mesure d'accomplir. En tout état de cause, l'affectation de cette dernière à Argentan est postérieure à la décision contestée.

7. En quatrième lieu, si Mme B... soutient qu'elle a eu peu de contacts avec sa supérieure hiérarchique en trois ans, il est constant qu'au cours de l'année 2016 elle a été placée en congé de maladie jusqu'au 3 octobre. Par ailleurs, sa responsable avait également en charge l'agence de Flers et n'était pas présente sur le site de Vimoutiers. Par suite, la requérante n'établit pas une animosité particulière à son encontre de la part de Mme A..., ni la volonté de la tenir à l'écart.

8. En cinquième lieu, Mme B... évoque les difficultés qu'elle a rencontrées dans l'exercice de son mandat syndical. La requérante se prévaut de la teneur du courriel du 24 mai 2017 dans lequel sa supérieure hiérarchique lui indique que ses autorisations d'absence finiront par " poser un problème ". Le motif de continuité du service public ainsi seulement évoqué par sa responsable d'agence ne peut cependant être regardé comme portant une atteinte actuelle à l'exercice de l'activité syndicale de Mme B..., dès lors qu'il n'est pas contesté que toutes ses demandes d'absences pour l'exercice de son mandat de représentante du personnel ont été acceptées.

9. En dernier lieu, la requérante mentionne des évènements postérieurs à la décision contestée, qui selon elle, confirment les faits de harcèlement moral dénoncés ci-dessus. Elle cite notamment les propos tenus par le directeur de l'OPH au cours de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 26 juin 2019, celui-ci ayant indiqué que les agents non satisfaits de leurs conditions de travail pouvaient quitter l'établissement. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que cette remarque était personnellement adressée à Mme B..., ni même qu'aucune discussion n'était possible au sein de l'OPH, quand bien même ces propos peuvent apparaître peu propices à favoriser le dialogue social. L'intéressée met également en avant la reconnaissance tardive de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 8 janvier 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le 24 mai 2018, la commission de réforme départementale a émis un avis défavorable à l'imputabilité au service de cet arrêt maladie, que le 20 septembre 2018, à la suite d'une expertise réalisée le 9 juillet 2018, cette instance a émis un avis favorable à sa demande et que l'expert missionné par l'OPH s'est prononcé dans le même sens le 12 avril 2019. L'OPH a ainsi reconnu l'imputabilité au service de ses arrêts de travail par une décision prise le 26 juin 2019. Par suite, ces faits postérieurs ne révèlent aucune animosité, ni aucun acharnement à son encontre de la part de sa hiérarchie, d'autant que depuis le 1er octobre 2017, un nouveau directeur avait été nommé à l'Agence d'Argentan

10. Compte tenu des éléments mentionnés aux points 4 à 9, même pris dans leur ensemble, Mme B... ne peut être regardée comme apportant des éléments de fait suffisants pour faire présumer l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral à son encontre. Les différends qui ont pu l'opposer à ses supérieurs hiérarchiques se rattachent à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, de sorte que la décision contestée refusant de lui accorder la protection fonctionnelle n'est entachée d'aucune illégalité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'une contradiction de motifs, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur de l'OPH Orne Habitat de lui accorder la protection fonctionnelle, dans un délai qui ne saurait excéder deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'OPH Orne Habitat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à Orne Habitat de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'OPH Orne Habitat tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'office public de l'habitat Orne Habitat.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 janvier 2022.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03306
Date de la décision : 25/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : DESERT PAULINE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-25;20nt03306 ?
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