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21/01/2022 | FRANCE | N°21NT02554

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 janvier 2022, 21NT02554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2102427 du 27 août 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2021, M. B..., représenté par >
Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2102427 du 27 août 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2021, M. B..., représenté par

Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 août 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 12 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou "travailleur temporaire" ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de tire de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre et 22 décembre 2021, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- et les observations de Me Maony, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen se disant né le 6 août 2000, est entré irrégulièrement en France le 21 avril 2017, selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 31 août 2020. Par arrêté du 12 avril 2021, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 27 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ".

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ". Enfin aux termes du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif n° 7137 rendu le 28 décembre 2000 par la justice de paix de Pita ainsi que les justificatifs de la transcription, le 30 décembre 2016, dans le registre de l'état civil de la commune urbaine de Pita pour cette même année 2016 d'un jugement supplétif daté du 28 décembre 2016. Ces documents ont fait l'objet d'avis défavorables de la direction zonale de la police aux frontières, en raison de la non-concordance des dates, lesquelles sont inscrites en chiffres, de l'absence de légalisation par les autorités consulaires françaises et des anomalies qui persisteraient à entacher ces documents dans l'hypothèse d'une erreur matérielle en ce qui concerne la date du jugement supplétif. En outre, M. B... s'est vu refuser une mesure d'assistance éducative par une décision de classement sans suite du 12 décembre 2017 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Brest et par un jugement rendu le 22 mai 2018 par le juge des enfants près ce tribunal au vu de cette expertise de la police aux frontières, d'un rapport d'évaluation socio-éducative et d'un rapport médico-légal concluant à la majorité de l'intéressé. Le requérant se prévaut par ailleurs, d'une attestation du 18 mai 2021 par laquelle le chef de greffe signataire du jugement supplétif précité confirme que ce jugement a été rendu le 28 décembre 2000. Toutefois ce document ne permet pas, à lui seul, de garantir l'authenticité des actes d'état civil présentés par l'intéressé. M. B... ne justifie pas davantage de son état civil en se prévalant de ses propres déclarations, des cartes d'identité consulaires qui lui ont été délivrées en 2018 et 2020 à partir des actes précités et des démarches entreprises en vue de la délivrance d'un passeport.

6. Dans le dernier état de ses écritures, le requérant produit un nouveau jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance établi le 18 août 2021 par le tribunal de première instance de Pita, cette décision juridictionnelle étant assortie de la mention de sa légalisation par le ministère des affaires étrangères de Guinée. Toutefois, cette légalisation ne peut, en application des articles 3 et 4 du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, qu'être effectuée par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français en résidence dans le pays d'origine de l'étranger, ou, lorsque les actes publics ont été émis par les autorités de ce pays dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation, par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire du pays où l'acte a été établi, en résidence en France. En l'espèce, si le jugement supplétif produit par M. B... et sa transcription portent le tampon d'une légalisation, celle-ci a été effectuée en Guinée par le ministère des affaires étrangères à Conakry le 14 septembre 2021. Ce jugement ne peut, dans ces conditions, être regardé comme étant valablement légalisé et se trouve ainsi dépourvu d'effet.

7. Il s'ensuit que c'est à bon droit au regard des dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé, le préfet du Finistère a estimé que l'intéressé n'avait pas présenté les documents justifiant de son état civil dans les conditions prévues par ces dispositions.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

9. M. B... se prévaut d'une présence de quatre années sur le territoire français, des liens qu'il a tissés en France notamment auprès des personnes qui l'hébergent ou dans le cadre de sa pratique sportive, ainsi que de sa réussite scolaire, attestée par le diplôme de CAP d'électricien qu'il a obtenu en juillet 2020, la poursuite de sa formation, par la voie de l'apprentissage, en vue de la préparation d'un baccalauréat professionnel dans un domaine qui connaît des difficultés de recrutement. Toutefois, alors que sa présence en France, où il est entré et s'est maintenu irrégulièrement, est relativement récente et qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où réside notamment sa mère et où il a vécu l'essentiel de son existence, l'intéressé ne justifie pas, en dépit de ses efforts d'intégration, de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels qu'en ne lui délivrant pas un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Finistère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

10. En dernier lieu, c'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, présidente,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

-M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 21 janvier 2022.

La rapporteure,

C. Brisson

Le président,

D Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT02554

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02554
Date de la décision : 21/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-21;21nt02554 ?
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