Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 septembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) du Faouët lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 24 mois sans sursis, ainsi que la décision implicite du 9 janvier 2018 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1800657 du 3 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 18 septembre 2017 et du 9 janvier 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2020, le groupe hospitalier Bretagne Sud, représenté par Me Quentel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 septembre 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges se sont mépris sur la portée de la décision contestée du 18 septembre 2017, qui ne remplaçait pas la décision du 4 mars 2015 révoquant Mme B..., mais celle du 11 juillet 2017 ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que les décisions contestées étaient entachées d'une erreur d'appréciation s'agissant de la proportionnalité entre la sanction infligée à Mme B... et les faits reprochés à cette dernière, dès lors que :
* Mme B... n'a pas mentionné l'incident du 12 novembre 2014 dans le rapport de transmission du même jour qu'elle a complété ;
* Compte tenu de l'ancienneté de l'agent dans ses fonctions, de la vulnérabilité de la résidente blessée, de la gravité du manquement à ses obligations professionnelles commis par Mme B..., qui avait déjà été informée de la nécessité d'améliorer sa relation aux résidents, et alors même que ce manquement ne résulterait pas d'une intention délibérée, la sanction prononcée n'est pas disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, Mme A... B..., représentée par Me Friederich, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du groupe hospitalier Bretagne Sud en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par le groupe hospitalier Bretagne Sud ne sont pas fondés ;
- les décisions contestées sont illégales, dès lors qu'elle aurait dû être réintégrée préalablement à la nouvelle sanction adoptée à la suite du jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 mars 2017 ;
- la décision du 18 septembre 2017 est entachée de plusieurs erreurs de fait, en ce qu'elle relève à tort que :
* elle a bénéficié de formations pour gérer les situations d'agressions physiques de la part de personnes prises en charge ;
* elle n'avait pas amélioré sa manière de servir ;
* la plaie présentée par la résidente impliquée dans l'incident du 12 septembre 2014 n'était pas consolidée à la date de la saisine du conseil de discipline ;
* cette résidente était vulnérable ;
- les décision contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation, dès lors que l'absence d'amélioration de sa manière de servir sur laquelle elles se fondent ne constituent pas une faute disciplinaire ;
- son employeur a manqué à son obligation de loyauté à son égard, dès lors que les documents figurant à l'annexe 6 du rapport de saisine du conseil de discipline ne figuraient pas dans son dossier administratif.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 25 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée en qualité d'agent contractuel par le centre hospitalier (CH) du Faouët en 1999. Elle a été titularisée en 2003 en qualité d'agent des services hospitaliers puis, le 4 octobre 2007, en qualité d'aide-soignante de classe normale. A la suite d'un incident survenu le 12 novembre 2014 et impliquant une résidente de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) dépendant du centre hospitalier, Mme B... a été suspendue de ses fonctions. Le 23 février 2015, le conseil de discipline, saisi par le directeur de l'établissement d'une proposition de révocation de l'intéressée, s'est prononcé en faveur d'une exclusion temporaire de fonctions de deux ans, non assortie de sursis. Par une décision du 4 mars 2015, le directeur du CH du Faouët a révoqué Mme B... de ses fonctions à compter du 17 mars 2015. Saisi par l'intéressée, le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 13 avril 2017, annulé cette décision, au motif du caractère disproportionné de la sanction prononcée au regard des faits reprochés à Mme B.... A la suite de ce jugement, le directeur délégué du centre hospitalier a infligé à l'intéressée une exclusion temporaire de fonctions de 24 mois prenant effet au 1er septembre 2017 pour les faits survenus le 12 septembre 2014. A la suite d'un recours gracieux présenté par l'intéressée contre cette dernière décision, le directeur de l'établissement a, par une nouvelle décision du
18 septembre 2017, procédé au retrait de la décision du 11 juillet 2017 et prononcé à nouveau l'exclusion temporaire de fonctions de l'agent pour 24 mois non assortie de sursis du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2019. Par un recours gracieux effectué le 9 novembre 2017, l'intéressée a contesté cette nouvelle décision. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 septembre 2017, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, née le 9 janvier 2018. Par un jugement du 3 septembre 2020, dont le groupe hospitalier Bretagne Sud, venant aux droits du CH du Faouët, relève appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 18 septembre 2017 et du 9 janvier 2018.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme. Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins d'un mois (...). ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. La sanction en litige est fondée sur le fait que Mme B... a eu, le
12 septembre 2014, un acte violent envers une personne vulnérable en pinçant fortement une résidente de l'EHPAD, cet acte ayant occasionné l'arrachement d'un morceau de peau sur une longueur de deux centimètres qui a nécessité des soins infirmiers. L'administration a également relevé que l'intéressée n'avait pas amélioré sa manière de servir pour répondre aux qualités requises pour l'exercice de ses fonctions, malgré les alertes adressées auparavant à cet égard par sa hiérarchie.
5. Le fait reproché à Mme B..., dont la matérialité n'est pas contestée par celle-ci, constitue de la part d'une aide-soignante un manquement grave à ses obligations en matière de prise en charge des usagers de l'établissement et de respect de leur dignité et de leur intégrité, alors même que l'acte en cause à l'égard d'une personne vulnérable ne découlerait pas d'une intention préméditée. Il ne ressort pas, de plus, des pièces du dossier que l'intéressée ait relaté la blessure en cause dans le cahier de liaison. Si Mme B... n'avait fait jusqu'alors l'objet d'aucune sanction disciplinaire, elle avait été alertée, notamment dans le cadre des évaluations dont elle avait fait l'objet, sur son obligation d'améliorer sa manière de servir en particulier concernant sa relation avec certains résidents et avait bénéficié de formations sur la prise en charge des personnes âgées. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, non assortie de sursis, qui a été infligée à l'intéressée, et qui d'ailleurs avait recueilli un avis favorable unanime du conseil de discipline, était disproportionnée au regard de la gravité du fait qui a fondé les décisions contestées. Par suite, le groupe hospitalier Bretagne Sud est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 18 septembre 2017 et du 9 janvier 2018 au motif d'une telle disproportion.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B....
Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a suivi les formations complémentaires, mentionnées dans la décision du 18 septembre 2017, en vue de lui permettre de consolider ses compétences en matière de prise en charge des personnes âgées et de la rendre capable de gérer des situations difficiles avec ces personnes. S'il est fait mention dans cette décision de ce que l'intéressée n'avait pas amélioré sa manière de servir, cette circonstance, qui ressort de ses évaluations sur les années précédant les faits en litige, n'a pas été relevée comme une faute, mais comme un élément de nature à permettre d'apprécier la gravité de la faute qui a fondé la sanction. Par ailleurs et en tout état de cause, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la blessure de la résidente résultant de l'incident du 12 septembre 2014 aurait été consolidée à la date de saisine du conseil de discipline, soit le 9 janvier 2015. Enfin, il est établi, ainsi que la décision du 18 septembre 2017 le relève, que cette résidente, âgée, dépendante et présentant des troubles psychiatriques était vulnérable. Par suite, les erreurs de fait ou d'appréciation alléguées par Mme B... ne peuvent qu'être écartées.
8. En deuxième lieu, si la décision contestée s'est référée à l'infraction prévue par l'article 222-13 du code pénal, elle ne s'est pas fondée sur le fait que l'intéressée aurait commis une telle infraction mais sur des faits de violence sur une personne dont la vulnérabilité était connue.
9. En troisième lieu, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Toutefois, si les rapports circonstanciés établis le
23 mars 2009, le 2 février 2012 et le 25 juin 2012 sur le comportement professionnel de
Mme B..., n'ont été communiqués pour la première fois à cette dernière qu'en même temps que le rapport de saisine du conseil de discipline, ces rapports ne constituaient pas, en tout état de cause, la preuve de la faute qui a motivé la sanction en litige.
10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision du
18 septembre 2017 que Mme B... était, à la date de cette décision, juridiquement réintégrée dans ses fonctions d'aide-soignante en exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 avril 2017. Par suite, la circonstance que fait valoir cette dernière selon laquelle elle n'avait pas été effectivement réintégrée dans l'établissement, à cette même date, n'entache les décisions contestées d'aucune illégalité.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, que le groupe hospitalier Bretagne Sud est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 18 septembre 2017 et du 9 janvier 2018.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du groupe hospitalier Bretagne Sud, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande le groupe hospitalier Bretagne Sud au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 3 septembre 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du groupe hospitalier Bretagne Sud et les conclusions de Mme B... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au Groupe hospitalier Bretagne Sud.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2022.
Le rapporteur
X. CatrouxLe président
D. Salvi
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03440