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18/01/2022 | FRANCE | N°19NT04961

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 18 janvier 2022, 19NT04961


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt no 19NT04961 du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer, jusqu'à l'expiration du délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la demande de la SAS Orbello Granulats Normandie tendant à l'annulation du jugement no 1801739 du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 4 avril 2018 de la préfète de l'Orne l'autorisant à exploiter une carrière et ses installations connexes au li

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Vu la procédure suivante :

Par un arrêt no 19NT04961 du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer, jusqu'à l'expiration du délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la demande de la SAS Orbello Granulats Normandie tendant à l'annulation du jugement no 1801739 du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 4 avril 2018 de la préfète de l'Orne l'autorisant à exploiter une carrière et ses installations connexes au lieu-dit " La Garenne de Villedieu " sur le territoire des communes de Tournai-sur-Dives et Villedieu-lès-Bailleul, afin de permettre à cette société de justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.

Par un mémoire du 1er juillet 2021, la SAS Orbello Granulats Normandie a communiqué à la cour un arrêté complémentaire de la préfète de l'Orne du 30 juin 2021 modifiant l'arrêté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018.

Elle soutient que cet arrêté complémentaire a régularisé les vices retenus par la cour dans son arrêt du 8 janvier 2021.

Par des mémoires, enregistrés les 6 août et 4 octobre 2021, l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", M. C... B... et Mme E... A... F..., concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et demandent, en outre, à la cour d'annuler l'arrêté complémentaire de la préfète de l'Orne du 30 juin 2021 modifiant l'arrêté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018.

Ils soutiennent que :

- l'étude portant sur l'état de pollution des sols est entachée d'insuffisances ;

- l'étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul est entachée d'insuffisances et d'erreurs ;

- ces insuffisances ont nui à l'information du public et ont exercé une influence sur le sens de la décision prise.

Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2021, la SAS Orbello Granulats Normandie conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ainsi qu'au rejet de la demande d'annulation de l'arrêté complémentaire de la préfète de l'Orne du 30 juin 2021 modifiant l'arrêté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018.

Par un courrier du 20 septembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par une ordonnance du 25 octobre 2021, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Un mémoire présenté par la SAS Orbello Granulats Normandie a été enregistré le 25 octobre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de Me Rebillard, représentant la SAS Orbello Granulats Normandie, et les observations de Me Lemaire, substituant Me Maître, représentant l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Dans son arrêt no 19NT04961 du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a considéré que l'autorisation environnementale délivrée par l'arrêté contesté de la préfète de l'Orne du 4 avril 2018 était entachée de deux vices tenant, d'une part, à l'insuffisance du diagnostic de l'état de pollution du sol de la carrière de la Garenne-de-Villedieu, en méconnaissance des dispositions alors applicables des articles L. 512-18 et R. 512-4 du code de l'environnement (point 22 de l'arrêt), et, d'autre part, à l'insuffisance de l'étude d'impact s'agissant des effets susceptibles d'être portés par le projet à la commanderie de l'ordre des chevaliers de Malte, au manoir des templiers et à l'église Saint-Jean Baptiste de Villedieu-lès-Bailleul, en méconnaissance du 4° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement (point 25 de l'arrêt). La cour a, par ailleurs, en raison de l'insuffisance de l'étude d'impact sur le patrimoine culturel, réservé la réponse à apporter au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement en tant que le projet est susceptible de porter atteinte à ce patrimoine (point 86 de l'arrêt). La cour a, enfin, considéré que les illégalités qu'elle avait relevées pouvaient être régularisées par la réalisation par le pétitionnaire d'un nouvel état de pollution des sols portant sur l'intégralité de la carrière de la Garenne-de-Villedieu et par une analyse complémentaire portant sur l'impact du projet sur la commanderie de l'ordre des chevaliers de Malte, le manoir des templiers et l'église Saint-Jean Baptiste de Villedieu-lès-Bailleul, et défini les modalités d'information et de participation du public (point 90 de l'arrêt). À la suite de ce premier arrêt de la cour, un arrêté complémentaire de la préfète de l'Orne du 30 juin 2021 modifiant l'arrêté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018 a été communiqué à la cour, dont l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres demandent l'annulation.

2. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / (...) "

Sur l'état de la pollution des sols :

3. Aux termes de l'article L. 512-18 du code de l'environnement : " L'exploitant d'une installation classée relevant des catégories visées à l'article L. 516-1 est tenu de mettre à jour à chaque changement notable des conditions d'exploitation un état de la pollution des sols sur lesquels est sise l'installation. Cet état est transmis par l'exploitant au préfet, au maire de la commune concernée et, le cas échéant, au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme concerné ainsi qu'au propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation. Le dernier état réalisé est joint à toute promesse unilatérale de vente ou d'achat et à tout contrat réalisant ou constatant la vente des terrains sur lesquels est sise l'installation classée. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 512-4 du même code, alors en vigueur : " La demande d'autorisation est complétée dans les conditions suivantes : / (...) 4° Lorsque le dossier est déposé dans le cadre d'une demande de modification substantielle en application du II de l'article R. 512-33 et si l'installation relève des catégories mentionnées à l'article L. 516-1, la demande comprend l'état de pollution des sols prévu à l'article L. 512-18 ; / Lorsque cet état de pollution des sols met en évidence une pollution présentant des dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques ou de nature à porter atteinte aux autres intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, l'exploitant propose soit les mesures de nature à éviter, réduire ou compenser cette pollution et le calendrier correspondant qu'il entend mettre en œuvre pour appliquer celles-ci, soit le programme des études nécessaires à la définition de telles mesures. (...) ".

4. Une étude relative à l'état de la pollution des sols de la carrière de la Garenne-de-Villedieu, portant sur l'ensemble de l'emprise projetée de la carrière, a été réalisée le 16 mars 2021 par la société Axe. Trente-trois sondages ont été effectués, dont vingt-et-un dans la " zone 1 (installations existantes) ", sept dans la " zone 2 (future plateforme de traitement des matériaux) " et cinq dans la " zone 3 (l'ensemble des parcelles agricoles au nord de la carrière) ". Les résultats d'analyse des échantillons de sol prélevés n'ont pas révélé de pollution des sols pour les zones 2 et 3, à l'inverse de deux secteurs de la zone 1 - le secteur " atelier " d'environ 200 mètres carrés sur 60 cm de profondeur moyenne et le secteur " cuve aérienne de GNR " d'environ 200 mètres carrés sur 85 cm de profondeur moyenne - qui font l'objet d'une pollution par des hydrocarbures en teneurs modérées à fortes. L'étude conclut que " l'état de pollution ne met pas en évidence des dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité, la salubrité publique et n'est pas de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement puisque : / - la pollution est circonscrite dans l'enceinte du site, en surface et en profondeur ; / - la nappe souterraine n'est pas impactée ; / - les pollutions sont situées dans des zones peu fréquentées par les travailleurs du site et dans des zones en courant d'air ; / - une dalle béton recouvre la pollution sur une grande partie des deux zones. " Au regard des quantités de terre polluée, elle recommande " d'éliminer les pollutions concentrées et circonscrites par excavation dans le cadre de la remise en état du site : / - lors du démantèlement de la cuve de GNR lorsque celle-ci n'aura plus d'usage (échéance non déterminée mais prévue avant la cessation d'activité) ; / - lors du démantèlement de l'atelier prévu à la cessation d'activité ".

5. En premier lieu, si les requérants soutiennent que cette étude a été réalisée selon un référentiel abrogé, à savoir la méthodologie issue de la circulaire du 8 février 2007 du ministre chargé de l'environnement, et non selon la méthodologie issue de la " note du 19 avril 2017 relative aux sites et sols pollués " et de la " méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués " élaborée en avril 2017 par le ministère chargé de l'environnement, il résulte de l'instruction que la société Axe fait l'objet d'une certification " LNE SSP " qui atteste de la conformité des services qu'elle propose aux exigences de la norme de référence NF X 31-620 relative aux sites et sols pollués, actualisée en 2018, cette norme de référence ayant été elle-même élaborée conformément à la " méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués " d'avril 2017. Il ressort également de l'offre technique remise par la société Axe à la SAS Orbello Granulats Normandie préalablement à la réalisation de l'étude de l'état de la pollution des sols que la première société s'est engagée à respecter, notamment, la " circulaire ministérielle du 8 février 2007 relative à la gestion des sites potentiellement pollués, mise à jour en avril 2017 et son guide d'application de 2017 " ainsi que la norme NF X 31-620. Ces références sont également citées dans l'étude réalisée le 16 mars 2021 et il résulte de l'instruction que cette dernière a été effectuée conformément à la norme NF X 31-620. Dans ces conditions, alors même que l'étude en cause se réfère à certains endroits, notamment dans sa partie IX " Conclusions et recommandations ", uniquement à la circulaire abrogée du 8 février 2007, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que cette étude n'aurait pas été réalisée conformément à la norme NF X 31-620.

6. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que " la stratégie d'échantillonnage retenue par la société Axe " serait " discutable " dès lors que les sondages S8 à S12 " ont été effectués sur des sols préalablement excavés et modifiés par l'exploitant ", l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres n'établissent pas que l'étude de l'état de pollution des sols serait insuffisante.

7. En troisième lieu, un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Ainsi qu'il a été jugé au point 14 de l'arrêt no 19NT04961 de la cour du 8 janvier 2021, la demande de la société Orbello Granulats Normandie ayant été déposée le 12 octobre 2015, la régularité de la procédure ayant précédé l'autorisation en litige doit, en application du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, être appréciée au regard des dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de cette ordonnance. Dès lors, l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, dans sa version issue du décret no 2017-609 du 24 avril 2017, qui n'est pas applicable ratione temporis au projet litigieux.

8. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit, l'étude du 16 mars 2021 relative à l'état de pollution des sols de la carrière de la Garenne-de-Villedieu conclut que " l'état de pollution ne met pas en évidence des dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité, la salubrité publique et n'est pas de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ". Dès lors, la SAS Orbello Granulats Normandie n'était pas tenue de proposer, conformément aux dispositions applicables de l'article R. 512-4 du code de l'environnement, soit les mesures de nature à éviter, réduire ou compenser cette pollution et le calendrier correspondant qu'elle entend mettre en œuvre pour appliquer celles-ci, soit le programme des études nécessaires à la définition de telles mesures.

9. Il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré par l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres de ce que l'étude relative à l'état de la pollution des sols de la carrière de la Garenne-de-Villedieu réalisée le 16 mars 2021 serait insuffisante.

Sur l'étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul :

10. Une étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul, à savoir la commanderie de l'ordre des chevaliers de Malte, construite au XIIème siècle, le manoir des templiers, datant du XVème siècle et l'église Saint-Jean Baptiste de Villedieu-lès-Bailleul, a été réalisée en mars 2021 par la société Socotec. Cette étude de 98 pages comporte notamment une description de l'état initial des monuments, une analyse des effets sur ceux-ci de l'exploitation de la carrière et des mesures visant à éviter, réduire ou compenser ces effets, ainsi qu'une évaluation des risques sanitaires.

11. En premier lieu, l'article 23 de l'arrêté du 4 avril 2018 a fixé à 400 000 tonnes par an en moyenne la production de la carrière et à 500 000 tonnes par an la production maximale de celle-ci. Contrairement à ce que soutiennent l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres, cet arrêté n'autorise pas la SAS Orbello Granulats Normandie à extraire 15 millions de tonnes de matériaux sur la durée de 30 années d'exploitation de la carrière, correspondant à 500 000 tonnes par an, mais prévoit à son article 23 que la quantité globale des produits minéraux à extraire est de 12 millions de tonnes. Dès lors, si la SAS Orbello Granulats Normandie pourra faire varier la production annuelle de la carrière dans la limite maximale de 500 000 tonnes par an, sa production moyenne sur 30 ans sera de 400 000 tonnes par an. Il s'ensuit que l'étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul n'est pas insuffisante, dans sa partie " Géologie ", en tant qu'elle se fonde sur un volume autorisé d'extraction de 12 millions de tonnes de matériaux sur la durée d'exploitation de la carrière. Par ailleurs, l'évolution de la fréquence de réalisation des tirs de mines liée à l'extension litigieuse de la carrière a, en tout état de cause, été évaluée (en page 62 de l'étude) au regard de la limite maximale de 500 000 tonnes par an, et non au regard de la limite de 400 000 tonnes par an en moyenne comme le soutiennent à tort les intimés. Enfin, s'il est vrai que, en page 69 de l'étude d'impact, l'estimation du trafic de véhicules lié à l'exploitation future de la carrière n'a été faite qu'au regard d'une production moyenne de 400 000 tonnes par an, sans évaluer l'impact sur ce trafic d'une production exceptionnelle de 500 000 tonnes par an, il ressort de cette étude que les véhicules desservant la carrière passeront au plus près à environ 600 mètres au sud des monuments patrimoniaux du centre-bourg de Villedieu-les-Bailleul, " prévenant ainsi tout impact induit par ce trafic sur ces monuments ". Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que cette insuffisance de l'étude d'impact a pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

12. En deuxième lieu, il ressort des pages 27 à 29 de l'étude d'impact que les extractions actuelles ont lieu à une distance minimale à vol d'oiseau de 355 m de l'église Saint-Jean Baptiste de Villedieu-lès-Bailleul, de 360 m A... la commanderie de l'ordre des chevaliers de Malte et de 395 m du manoir des templiers, tandis que les extractions futures auront lieu à 365 m de l'église, 350 m A... la commanderie et 375 m du manoir. La plateforme des installations actuelles de la carrière est pour sa part située à 420 m de l'église, 425 m A... la commanderie et 520 m du manoir, tandis que la plateforme des futures installations secondaires et tertiaires sera située à 440 m de l'église, 475 m A... la commanderie et 650 m du manoir. Cette étude relève également que le nouveau poste primaire de concassage sera localisé à l'angle nord-ouest de la fosse actuelle, à environ 400 m de l'église, 390 m A... la commanderie et 400 m du manoir, et sera donc plus proche de l'église et du manoir (de respectivement 20 et 120 m par rapport à la plateforme des installations actuelles) mais plus éloigné de la commanderie (de 30 m). Elle ajoute que le nouveau poste primaire sera néanmoins positionné en contrebas de 30 m du terrain naturel. Elle en conclut que, bien que le périmètre étendu de la carrière sera plus proche des monuments remarquables de Villedieu-les-Bailleul que le périmètre autorisé par l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2003, l'exploitation prévue par l'arrêté contesté du 4 avril 2018 n'entraînera " aucun rapprochement significatif de l'ensemble des activités d'extraction et de traitement des matériaux vis-à-vis des monuments ". Contrairement à ce que soutiennent l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres, cette conclusion relative à l'absence de rapprochement significatif de l'ensemble des activités d'extraction et de traitement des matériaux vis-à-vis des monuments remarquables de Villedieu-les-Bailleul n'est pas erronée et n'est pas contradictoire avec les distances précitées. Partant, l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres ne sont pas fondés à soutenir que les prétendues erreurs relatives à la localisation du projet n'ont pas permis d'apprécier de manière précise l'importance des nuisances que l'exploitation projetée pourrait entraîner sur le patrimoine remarquable de Villedieu-lès-Bailleul.

13. En troisième lieu, si l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres soutiennent que l'étude d'impact se contente d'analyser les effets des poussières de grès armoricain, correspondant au gisement de matériaux que le carrier était jusque-là autorisé à exploiter, alors que les retombées atmosphériques émises par les poussières de calcaire " seront en réalité totalement différentes ", elle ne verse au dossier aucune pièce de nature à établir la réalité de cette allégation. Dès lors, alors même que l'arrêté contesté autorise la SAS Orbello Granulats Normandie à exploiter un nouveau gisement composé de calcaire, qui constituera l'essentiel de la production future, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait lacunaire ou erronée en ce qui concerne la prise en compte des poussières de calcaire. Par ailleurs, comme il a été dit précédemment, la plateforme des futures installations secondaires et tertiaires de traitement des matériaux sera plus éloignée des monuments remarquables de Villedieu-lès-Bailleul que les installations actuelles, ce qui engendrera un éloignement du chargement et de la circulation des camions. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que la conclusion de cette étude (page 74) selon laquelle l'exploitation prévue n'induira pas d'augmentation des émissions de poussières vers les monuments précités serait erronée.

14. En quatrième lieu, il ressort de l'article 23 de l'arrêté du 4 avril 2018 que les limites de 400 000 tonnes par an et de 500 000 tonnes par an pour, respectivement, la production moyenne et la production maximale de l'activité de la carrière sont subordonnées notamment à l'aménagement d'une voie de liaison entre l'extrémité sud de la plateforme des installations et la RD 916. En l'absence de ces aménagements, les productions seraient fixées à 150 000 tonnes par an en moyenne et 250 000 tonnes par an de production maximale, correspondant aux productions autorisées par l'autorisation précédente accordée par un arrêté du préfet de l'Orne du 28 juillet 2003. L'étude d'impact rappelle, dans sa partie relative à l'évolution du trafic routier engendré par le projet, que l'augmentation de la production de la carrière, et donc l'augmentation corrélative du trafic de poids-lourds desservant celle-ci, sont subordonnées à l'aménagement d'une voie d'accès par le sud à la plateforme des installations depuis la RD 916. Elle conclut que, une fois cet aménagement réalisé, les véhicules desservant la carrière ne traverseront plus le centre-bourg de Villedieu-lès-Bailleul et passeront à au moins 600 mètres de ses monuments remarquables. Dès lors, à supposer même que l'arrêté du 3 novembre 2020 par lequel le maire de Villedieu-lès-Bailleul a réglementé l'usage des chemins ruraux de la commune, notamment en y interdisant la circulation des véhicules de plus de 20 tonnes, soit de nature à compromettre la réalisation de l'aménagement de la voie d'accès par le sud à la plateforme de la nouvelle installation de traitement des matériaux, ce qui n'est au demeurant pas démontré, il ne résulte pas de l'instruction que les impacts de l'évolution du trafic routier, qui se fondent sur des hypothèses et des conditions rappelées dans l'étude, seraient inexacts ou insuffisants.

15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul réalisée en mars 2021 doit être écarté.

Sur l'information et la consultation du public sur la mesure de régularisation :

16. Comme il a été dit aux points 9 et 15, les moyens tirés de ce que l'étude relative à l'état de la pollution des sols de la carrière de la Garenne-de-Villedieu réalisée le 16 mars 2021 et l'étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul réalisée en mars 2021 seraient entachées d'insuffisances doivent être écartés. Dès lors, le moyen tiré de ce que les insuffisances alléguées entachant ces études ont nui à l'information complète du public et ont exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative ne peut qu'être écarté.

17. Par ailleurs, il n'est pas soutenu par l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres que les modalités d'information et de participation du public, fixées au point 90 de l'arrêt no 19NT04961 du 8 janvier 2021 de la cour, sur l'étude relative à l'état de la pollution des sols de la carrière de la Garenne-de-Villedieu et l'étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul réalisées en mars 2021, n'auraient pas été respectées.

18. Par suite, les vices de procédure entachant l'arrêté contesté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018, retenus par la cour aux points 22 et 25 de son arrêt du 8 janvier 2021, ont été régularisés par l'arrêté complémentaire de la préfète de l'Orne du 30 juin 2021.

Sur les atteintes portées aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

19. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'étude du 16 mars 2021 relative à l'état de pollution des sols de la carrière de la Garenne-de-Villedieu, dont l'insuffisance n'est pas établie, conclut que " l'état de pollution ne met pas en évidence des dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité, la salubrité publique et n'est pas de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ". Par ailleurs, alors que cette étude recommandait, au regard des quantités de terre polluée par des hydrocarbures, d'éliminer ces pollutions par excavation dans le cadre de la remise en état du site, à la cessation de l'activité de la carrière, la préfète de l'Orne prescrit à l'exploitant, dans son arrêté complémentaire du 30 juin 2021, de procéder au traitement des sols pollués dans un délai de six mois à compter de la notification de cet arrêté.

20. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact sur le patrimoine bâti de Villedieu-les-Bailleul réalisée en mars 2021, que les aménagements paysagers prévus au sein de la " zone tampon " et du verger existants entre les monuments remarquables de Villedieu-les-Bailleul et la carrière permettront de prévenir toute visibilité sur les nouvelles installations de celle-ci depuis ces monuments. Ni les vibrations émises lors des tirs de mines ni l'augmentation du trafic ni les émissions de poussières générées par la future exploitation ne sont susceptibles d'affecter l'intégrité de ce patrimoine. Enfin, aucun risque n'est établi pour la santé des riverains et des visiteurs des monuments remarquables de Villedieu-les-Bailleul.

21. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté n'assure pas la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la SAS Orbello Granulats Normandie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 4 avril 2018 de la préfète de l'Orne, et, d'autre part, que l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté complémentaire de la préfète de l'Orne du 30 juin 2021 modifiant l'arrêté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018.

Sur les frais liés au litige :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres devant le tribunal administratif de Caen et ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté complémentaire de la préfète de l'Orne du 30 juin 2021 modifiant l'arrêté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Orbello Granulats Normandie, à l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", à M. C... B..., à Mme E... A... F..., à M. et Mme D... et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée pour son information à la préfète de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Bréchot, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2022.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLe président,

A. Pérez

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

No 19NT04961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04961
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET FIDAL (RENNES)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-18;19nt04961 ?
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