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11/01/2022 | FRANCE | N°20NT02904

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 11 janvier 2022, 20NT02904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 août 2019 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision du 28 mars 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1902389 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me

Brand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 août 2019 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision du 28 mars 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1902389 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me Brand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la société Kloeckner Metals France et/ou de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en appliquant l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 dès lors que sa rédaction antérieure s'applique compte tenu de la date à laquelle s'est tenue la première réunion des instances représentatives du personnel ;

- la décision du 19 août 2019 est insuffisamment motivée, en méconnaissance des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail et de la circulaire du 30 juillet 2012, dès lors qu'elle n'énonce ni la cause économique du licenciement ni les conséquences sur l'emploi de la salariée de la restructuration menée et qu'elle ne contient aucun élément de droit ou de fait laissant supposer de la vérification par l'autorité administrative de la régularité de la procédure de licenciement et du respect de la procédure conventionnelle ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne contient aucun élément de droit ou de fait laissant supposer de la vérification par l'autorité administrative de la régularité de la procédure de licenciement ;

- la procédure de licenciement est irrégulière dès lors que le contenu de la note d'information communiquée le 2 juin 2016 aux membres du comité d'établissement de la société KDI de Rouen était insuffisant et que les éléments transmis le 9 juin 2016 ne sont pas de nature à pallier cette carence, et que le comité d'établissement n'a pas émis d'avis sur son licenciement ;

- l'employeur a manqué à son obligation de recherche de reclassement en interne dès lors qu'aucune recherche individualisée n'a été mise en œuvre et qu'aucune offre, en dehors de ce qui existait aux termes du plan de sauvegarde de l'emploi, ne lui a été proposée et que tous les postes susceptibles de lui être proposés ne l'ont pas été ;

- l'employeur a manqué à son obligation de recherche de reclassement à l'étranger dès lors qu'aucune recherche personnalisée et individualisée n'a été mise en œuvre, notamment dans les filiales belge et suisse à l'égard desquelles la société ne pouvait opposer le fait qu'elle ne se soit pas soumise préalablement à un test d'anglais ;

- l'employeur a méconnu les règles relatives au droit dont elle disposait d'être préalablement mutée dès lors qu'il lui a adressé un courrier comportant concomitamment plusieurs propositions de mobilité et de reclassement ; elle a été privée du délai supplémentaire pour examiner les postes qui lui étaient proposés au titre de l'obligation de reclassement ; dès lors que tous les postes proposés au titre de la mutation ne l'ont pas été au titre de l'obligation de reclassement, la preuve est rapportée de ce que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en interne ;

- la ministre a commis une erreur dans l'appréciation de la cause économique de licenciement dès lors que la cause économique n'a été appréciée qu'au regard des seuls résultats de la société KDI sans prise en compte des résultats du secteur d'activité du groupe et que la cause économique n'est ni réelle ni sérieuse en l'absence de production d'éléments comptables justifiant des difficultés économiques invoquées ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement en externe.

Par un mémoire, enregistré le 2 février 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion s'en remet à la sagesse de la cour.

Elle soutient que le recours introduit par la société KDI contre la décision de refus de licenciement de l'inspecteur du travail du 8 août 2016 et contre la décision implicite de rejet du recours hiérarchique était tardif.

Par un mémoire, enregistré le 11 février 2021, la société Kloeckner Metals France, antérieurement dénommée KDI, représentée par Me Guillouet, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours qu'elle a formé le 19 juillet 2017 n'était pas tardif ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... été recrutée à compter du 1er juillet 2005 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de télévendeur par la société KDI, filiale du groupe Klockner et Co, spécialisée dans la distribution de produits métallurgiques. L'intéressée, qui a été affectée à l'établissement de Bretteville-sur-Odon (Calvados), était titulaire d'un mandat de déléguée syndicale et de membre suppléante du comité d'établissement mis en place au sein de l'établissement distinct " Rouen " regroupant les établissements secondaires de Rouen, Bretteville-sur-Odon, Evreux, Dieppe et Gainneville. Au cours de l'année 2015, la société KDI a annoncé la réorganisation de ses activités, impliquant notamment la fermeture de 11 établissements et la suppression de 349 postes. Les instances représentatives du personnel ont été consultées et le 24 décembre 2015, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué le projet de plan de sauvegarde de l'emploi de la société. Mme A... a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement. Le 14 juin 2016, la société KDI a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de l'intéressée. Par une décision du 8 août 2016, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à sa demande. Le recours hiérarchique présenté par la société contre cette décision, le 6 octobre 2016, a été implicitement rejeté. Par un jugement n° 1701498 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Caen, territorialement compétent, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 8 août 2016 ainsi que la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique. A la suite de ce jugement, l'inspecteur du travail a de nouveau, par décision du 15 janvier 2019, refusé d'autoriser le licenciement de Mme A... et, par décision du 28 mars 2019, rejeté le recours gracieux formé par la société KDI. Sur recours hiérarchique présenté le 30 avril 2019, la ministre chargée du travail a, par décision du 19 août 2019, annulé la décision de refus de licenciement de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de Mme A.... L'intéressée a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, si Mme A... soutient que les premiers juges ont commis une erreur quant à la version des articles du code du travail applicables à sa situation, cette critique, qui porte sur le bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges, demeure sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

3. D'autre part, il ressort du point 3 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par Mme A..., ont répondu de manière suffisante au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision ministérielle du 19 août 2019. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier du fait d'une insuffisante motivation sur ce point.

Sur la légalité de la décision du 19 août 2019 :

4. En premier lieu, la décision du ministre du travail du 19 août 2019 vise le code du travail, et notamment ses articles L. 2411-3 et L. 2411-8 relatifs à la protection contre le licenciement dont bénéficient les salariés protégés. Elle rappelle notamment les éléments de la précédente demande de licenciement de Mme A..., la portée du jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Caen, la confirmation du maintien de la demande de licenciement du 19 décembre 2018 ainsi que la teneur des décisions des 15 janvier 2019 et 28 mars 2019 de l'inspecteur du travail. Elle annule la décision du 28 mars 2019 en raison de l'appréciation erronée portée par l'inspecteur du travail sur la réalité des recherches de reclassement et, après avoir estimé que les difficultés économiques rencontrées par la société KDI sont établies, que l'employeur doit être regardé comme ayant satisfait à son obligation de reclassement et qu'il n'existe aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les anciens mandats exercés par Mme A..., autorise le licenciement de l'intéressée. Elle porte ainsi l'indication de la cause économique du licenciement et, en mentionnant la fermeture du site où travaillait Mme A..., indique également que son emploi est supprimé. Ainsi, la requérante qui pouvait à la seule lecture de la décision connaître les motifs de l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et de l'autorisation de licenciement accordée par le ministre n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait, en l'espèce, insuffisamment motivée, ce qui ne saurait davantage ressortir du fait qu'elle ne porte pas de mention des contrôles opérés au titre de la régularité de la procédure. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de l'acte en litige doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 9 juin 2016 portait sur l'information/consultation sur l'éventuel licenciement pour motif économique de Mme A..., dont les mandats étaient rappelés. Une note d'information était annexée à la convocation des membres du comité d'entreprise. Elle précisait l'âge de l'intéressée, la date de son entrée dans la société, les fonctions qu'elle exerçait, son coefficient de rémunération et son statut. Par ailleurs, le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 9 juin 2016 indique que l'application des critères d'ordre au niveau national a permis d'identifier des salariés travaillant sur des sites non concernés par la restructuration alors qu'une suppression de poste dans sa catégorie restait à réaliser, que Mme A... disposait sur son site du score social le plus faible au sein de sa catégorie d'emploi, qu'une mobilité lui avait été proposée sur 14 sites pour exercer des fonctions identiques et, enfin, que d'autres propositions lui avaient été soumises les 10 février et 12 mai 2016. Par suite, les membres du comité d'établissement, qui avaient déjà eu à connaître, le 1er décembre 2015, du projet de restructuration de la société, ont disposé d'éléments suffisants pour se prononcer sur le licenciement de cette salariée, en toute connaissance de cause. Contrairement à ce que soutient Mme A..., après avoir débattu du projet de son licenciement pour motif économique, les membres titulaires du comité d'établissement ont procédé à un vote. La circonstance que le résultat de ce vote s'est soldé par deux abstentions n'est pas de nature à révéler ni un défaut d'information des membres du comité d'établissement, ni leur refus de participer à ce vote.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...) ".

7. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause. A ce titre, le groupe s'entend, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, de l'ensemble constitué par les entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Toutes les entreprises ainsi placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante sont prises en compte, quel que soit le lieu d'implantation de leur siège, tant que ne sont pas applicables à la décision attaquée les dispositions introduites par l'article 15 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail à l'article L. 1233-3 du code du travail en vertu desquelles seules les entreprises implantées en France doivent alors être prises en considération.

8. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé le licenciement d'un salarié protégé pour un motif économique ou a refusé de l'autoriser pour le motif tiré de ce que les difficultés économiques invoquées ne sont pas établies et qu'il se prononce sur le moyen tiré de ce que l'administration a inexactement apprécié le motif économique, il lui appartient de contrôler le bien-fondé de ce motif économique en examinant la situation de l'ensemble des entreprises du groupe intervenant dans le même secteur d'activité dans les conditions mentionnées au point précédent.

9. Il ressort des pièces du dossier que la baisse de consommation d'acier et de produits métallurgiques en Europe et aux Etats-Unis depuis 2008 a eu un impact important sur les résultats de la société KDI et du groupe Kloeckner, auquel elle appartient. Le groupe a enregistré des pertes à hauteur de 85 millions d'euros au 30 septembre 2015 et une perte en résultat net de 349 millions d'euros en 2015. La société KDI a, quant à elle, vu son activité baisser de 805 900 tonnes en 2008 à 514 100 tonnes en 2014, représentant une diminution en volume de 36 % en cinq ans, son chiffre d'affaires diminuer de 19,9% en trois ans et avait accumulé une perte totale de 119,6 millions d'euros. Le plan de sauvegarde pour l'emploi, validé par la Direccte d'Ile-de-France le 24 décembre 2015, prévoit la fermeture de 11 établissements et la suppression de 349 postes. Il s'ensuit que les difficultés économiques sont établies. Par suite, le moyen tiré de ce que le motif économique n'est pas avéré doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail : " Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. / La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. (...). / A défaut de réponse dans le délai d'un mois (...) le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ".

11. Mme A... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail qui ne traitent pas de la procédure de licenciement pour motif économique dont elle fait l'objet. Si elle soutient qu'elle a été privée d'un délai de réflexion pour examiner les postes proposés au titre de l'obligation de reclassement dès lors que, par courrier du 10 février 2016, la société KDI a transmis simultanément à Mme A... une proposition de modification de contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1222-6 du code du travail, une liste de 22 postes disponibles au titre de l'obligation de reclassement et le formulaire permettant de faire part de son souhait de disposer de propositions de reclassement hors de France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a fait part à la société le 29 février 2016 de son acceptation d'un reclassement à l'étranger. Par suite, Mme A... n'a pas été, en l'espèce, privée du délai de réflexion nécessaire à l'examen des propositions de reclassement.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie./ Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

13. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

14. Lorsque le motif de licenciement invoqué par l'employeur fait obligation à l'administration d'apprécier le sérieux des recherches préalables de reclassement effectuées par celui-ci, l'inspecteur du travail doit apprécier les possibilités de reclassement du salarié à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur. Le ministre saisi d'un recours hiérarchique doit, lorsqu'il statue sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date de cette décision. Si le ministre annule la décision de l'inspecteur du travail et se prononce de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, il doit alors, en principe, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date à laquelle il statue.

15. Mme A... occupait un poste de télévendeur " 3 " appartenant à la catégorie d'emploi " commercial sédentaire " relevant du statut des agents de maîtrise de niveau IV. Le 10 février 2016, la société KDI lui a proposé 17 postes de commercial sédentaire, 5 postes d'assistant commercial, et des postes d'assistante administrative, d'assistante de direction commerciale ou d'assistante transport. Le 12 mai 2016, des propositions complémentaires de reclassement lui seront faites pour des postes de commercial sédentaire à Agen, de vendeur comptoir à Rennes et de commercial sédentaire à Rennes. Enfin, le 11 janvier 2019, la société Kloeckner metals lui a proposé des possibilités complémentaires de reclassement pour des postes de commercial sédentaire à Pierrelaye, Aubervilliers Fertube, Aubervilliers, Dijon et Lyon. Mme A... n'a donné suite à aucune de ces propositions, lesquelles offres, précises et écrites, procédant d'une recherche personnalisée, répondaient aux exigences de l'article L. 1233-4 du code du travail. Elle ne peut utilement soutenir que le seul fait que la liste des postes proposés au reclassement soit différente de la liste des postes offerts à la mobilité suffit à rapporter la preuve d'un manquement à l'obligation de recherche sérieuse des possibilités de reclassement dès lors que la société fait valoir, sans être contredite, que certains des postes proposés au titre de la mobilité étaient alors pourvus par des personnes susceptibles de faire l'objet d'un licenciement.

16. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'entreprise ou le groupe dont l'entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L'employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises. / Les modalités d'application du présent article, en particulier celles relatives à l'information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret. ". La partie III de l'accord collectif valant plan de sauvegarde de l'emploi, consacrée aux mesures d'aide au reclassement interne dispose que : " Un questionnaire sera adressé aux salariés désignés par les critères d'ordre aux fins d'identifier leur souhait d'une mobilité géographique au sein du Groupe à l'étranger. La Direction des Ressources Humaines de KDI identifiera ensuite avec ses homologues au sein des sociétés du Groupe à l'étranger les opportunités de postes qui seraient ouvertes à la mobilité internationale en statut local et qui correspondraient aux compétences des salariés qui seraient candidats à une mobilité internationale. Les postes ainsi identifiés feront l'objet d'une proposition individuelle, le cas échéant, à ces salariés en fonction de leur souhait de mobilité internationale et de leurs aptitudes, notamment linguistiques. ".

17. Il ressort des pièces du dossier que la société KDI a invité à plusieurs reprises Mme A... à compléter un questionnaire en vue de lui proposer des postes de reclassement dans les filiales du groupe situées à l'étranger. Il lui était demandé son niveau de maîtrise de la langue pour les pays souhaités (diplôme, certificat officiel, etc...). L'intéressée a indiqué qu'elle serait intéressée par l'ensemble des postes situés en Europe mais également aux Etats-Unis, au Mexique, au Brésil et en Chine, sans ajouter aucune mention particulière ou préférence pour les pays francophones. En réponse à un courrier du 14 mars 2016, l'intéressée a indiqué que " bien évidemment " elle maîtrisait l'anglais et qu'elle avait " des notions en espagnol et en allemand ". Un test de langue lui a été proposé avec une société indépendante, puis un entretien avec le responsable des ressources humaines et de la politique sociale de la société, ce qu'elle a également refusé. Mme A... conteste la procédure ainsi menée par la société KDI et indique qu'elle aurait dû d'abord recenser les postes vacants et ensuite s'assurer de la compétence linguistique des salariés. La procédure mise en place par la société n'est cependant contraire ni aux dispositions précitées de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, ni à celles du plan de sauvegarde de l'emploi. En outre, elle n'a pas eu pour effet de léser les salariés, dont le recrutement n'aurait pu être finalisé à défaut de maîtriser la langue du pays concerné, ou tout au moins, l'anglais. Si Mme A... soutient que le niveau de maîtrise d'une langue étrangère diffère suivant les postes proposés, la nature des tâches à accomplir et de leur degré de technicité, les fonctions de commercial sédentaire auxquelles elle pouvait prétendre ne peuvent être regardées comme entrant dans une catégorie où cette compétence n'était pas indispensable. La société indique enfin, sans être sérieusement contredite, qu'aucun poste n'était disponible dans les sociétés du groupe situées en Belgique et en Suisse, ainsi qu'en attestait d'ailleurs le plan de sauvegarde de l'emploi, même si celui-ci a été établi avant la décision de l'inspecteur du travail. Enfin, Mme A... n'apporte aucun élément de nature à établir que la maîtrise de l'allemand n'était pas indispensable pour occuper un emploi de commercial dans une filiale située à Crissier en Suisse Romande.

18. Enfin, dès lors que, le 23 février 2016, la société KDI a transmis à Mme A... une nouvelle offre d'emploi émise par l'union des industries et des métiers de la métallurgie pour un emploi de commerciale sédentaire dans une entreprise extérieure située dans la région Normandie, elle n'est pas fondée à soutenir que son employeur n'a pas satisfait à l'obligation de rechercher des possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise prévue par l'accord national du 12 juin 1987 du secteur de la métallurgie.

19. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre chargé du travail a estimé à tort que la société KDI a satisfait à son obligation de reclassement.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme sollicitée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Kloeckner Metals.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Kloeckner Metals sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la société Kloeckner Metals France et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2022.

La rapporteure,

F. MALINGUELe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02904 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02904
Date de la décision : 11/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET BRAND FAUTRAT ET LAMBINET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-11;20nt02904 ?
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