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07/01/2022 | FRANCE | N°21NT01191

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 janvier 2022, 21NT01191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2100983 du 8 avril 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme A... pourra être reconduite,

a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation dans un délai de quinze...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2100983 du 8 avril 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme A... pourra être reconduite, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de son conseil.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 8 avril 2021 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- les risques invoqués par l'intéressée en cas de retour en Guinée n'étant pas établis, le premier juge a estimé à tort que la décision fixant le pays de renvoi avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision prévoyait la possibilité d'une reconduite à destination de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Salvi a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 28 mai 2001, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 4 août 2019. La demande d'asile et la demande de réexamen présentées par l'intéressée ont été rejetées par des décisions respectives des 26 février et 16 décembre 2020 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par décisions des 26 octobre 2020 et 24 février 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 1er février 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de renvoi.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. Pour annuler la décision litigieuse par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a fixé le pays à destination duquel Mme A..., de nationalité guinéenne, pourrait être reconduite, le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur la circonstance que, compte tenu du risque d'excision auquel était exposée l'intéressée, cette décision avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort cependant des pièces du dossier que Mme A... a déclaré avoir été préservée d'une telle pratique en vivant et en étant scolarisée à Conakry et par la volonté de son père, jusqu'au décès de ce dernier survenu en 2017. Elle soutient avoir ensuite dû se rendre dans le village de sa famille paternelle qui l'a mariée contre son gré, et s'être enfuie, avec le soutien d'un oncle maternel, à la suite des violences subies dans le cadre conjugal et en raison du risque d'être exposée à une mutilation génitale, exigée par son époux. Toutefois, les allégations de l'intéressée ne sont étayées d'aucun élément probant. Au demeurant, alors que Mme A... ne s'est prévalue pour la première fois d'un risque d'excision lié à son mariage forcé qu'à l'occasion de son premier recours devant la Cour nationale du droit d'asile, ses déclarations ont été jugées peu crédibles par les instances en charge de l'asile qui ont rejeté sa demande d'asile puis sa demande de réexamen, en dernier lieu par une décision du 24 février 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Si Mme A... soutient en outre que le risque d'excision ne se limite pas uniquement au contexte de son mariage forcé, la seule circonstance que la Guinée connaît une prévalence élevée des mutilations génitales féminines ne suffit pas, compte tenu notamment de l'âge de l'intéressée et de sa situation, qu'elle serait actuellement et personnellement exposée à un tel risque. Elle ne justifie pas davantage, alors que la Guinée a mis en place des politiques de lutte contre les mutilations génitales féminines, qu'elle serait exposée dans ce pays, en cas de soustraction à cette pratique, à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision fixant le pays de renvoi contenu dans l'arrêté du 1er février 2021 du préfet d'Ille-et-Vilaine, le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de ces stipulations.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur l'autre moyen invoqué par Mme A... :

5. Par un arrêté du 20 janvier 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné délégation à

M. Guillaume, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer notamment les décisions prévues aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 1er février 2021 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme A... pourra être reconduite. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en première instance par Mme A... à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2100983 du 8 avril 2021 du président du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes et dirigée contre la décision fixant le pays de renvoi du 1er février 2021 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 7 janvier 2022.

Le président-rapporteur,

D. SALVI

L'assesseur le plus ancien,

M. L'HIRONDEL

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT011912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01191
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. BERTHON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;21nt01191 ?
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